Connaissez-vous Carel Fabritius ? Connaissez-vous son délicieux Chardonneret, minuscule oiseau peint sur lumineux fond crème, et vous fixant vivement sur son perchoir, la patte entravée par une chaînette ?
Il reste moins de dix toiles de cet élève de Rembrandt adulé par Vermeer, qui adopta sa pure clarté… Celui qui relia les deux maîtres hollandais du xviie siècle disparut en effet dans son atelier de Delft un matin de 1654, à 32 ans, lors de l’explosion d’une poudrerie proche. Et la plupart de ses œuvres avec lui. Soufflées par la déflagration.
Quand on interrogeait Donna Tartt sur le choix du Chardonneret, ce tableau peint par le Néerlandais Fabritius, élève de Rembrandt et maître de Vermeer, comme fil rouge du roman, elle répondait: «Depuis le jour où je l’ai découvert, j’ai pensé tous les jours à ce tableau pendant des années. Il m’obsédait. Cela m’a confortée dans l’idée que le monde vient à moi par le regard plus que par l’oreille.» Ce génial trompe-l’œil d’un peintre célèbre en son temps présente deux détails essentiels aux yeux de l’écrivain: l’oiseau sur son perchoir est entravé par une fine chaîne. Et le tableau a survécu au gigantesque incendie de Delft dans lequel périt son créateur.
Trois siècles plus tard, Donna Tartt a imaginé que Le Chardonneret tombe entre les mains du jeune Theo le jour où un attentat souffle plusieurs salles d’un musée new-yorkais et tue plusieurs personnes dont sa mère.
À partir de là, le lecteur va suivre les tribulations de Theo, d’abord dans une famille d’accueil aisée de la 5e Avenue, Les Barbour. Puis il fait successivement la connaissance de Hobbie, un restaurateur de meubles qui devient son mentor, de Pippa, une jeune fille rencontrée après l’explosion, Puis à Las Vegas où son alcoolique de père, qui les avait abandonnés sa mère et lui, l’emmène vivre dans une résidence au bord du désert. Là, il fera la connaissance de Boris, également livré à lui-même, grande gueule, consommateur d’alcool et de drogues. Ces deux-là vont nouer une amitié intense, par moments amoureuse, mise entre parenthèses par un nouveau drame qui poussera Theo à quitter Vegas et à regagner New York où il fera son trou dans le monde des antiquaires, transportant avec lui son précieux tableau. À la fois témoin de son passé, fil à la patte qui le protège tout en l’exposant aux dangers, image mystérieuse qui l’obsède et l’effraie.
Qui est Theo ? Que lui est-il arrivé à New York pour qu’il soit aujourd’hui, quatorze ans plus tard, cloîtré dans une chambre d’hôtel à Amsterdam comme une bête traquée ? Qu’est devenu le jeune garçon de treize ans qui visitait des musées avec sa mère et menait une vie de collégien ordinaire ? D’où vient cette toile de maître, Le Chardonneret, qu’il transporte partout avec lui ? Connaît-il la valeur immense de ce tableau, l’un des rares témoignages encore existant du talent de Carel Fabritius, un peintre flamand au destin tragique ?
À la fois roman d’initiation à la Dickens et thriller éminemment moderne, fouillant les angoisses, les peurs et les vices de l’Amérique contemporaine, Le Chardonneret laisse le lecteur essoufflé, ébloui et encore une fois conquis par le talent hors du commun de Donna Tartt.
Tout récemment (et fort judicieusement) auréolé du Pulitzer millésime 2014.
L’auteur :
Donna Tartt, née le 23 décembre 1963 à Greenwood au Mississippi, est une femme écrivain américaine, essayiste et critique.
Elle a grandi dans la ville de Grenada, voisine de sa ville de naissance. Donna Tartt a écrit son premier poème à l’âge de 5 ans et elle a été publiée pour la première fois à treize ans, dans une revue littéraire du Mississippi.
Elle a étudié au Bennington College dans le Vermont et là elle s’est liée d’amitié avec l’écrivain Bret Easton Ellis, à qui elle a dédicacé son chef-d’œuvre, Le Maître des illusions, publié en 1993 et traduit en 24 langues.
C’est à ce moment qu’elle a commencé à l’écrire, livre qu’elle a mis huit ans à terminer.
Ce roman fut un grand succès de librairie, étant vendu à plus de cinq millions d’exemplaires.
Dix ans après Le Maître des illusions, Donna Tartt publie son deuxième livre : Le Petit Copain. Bien que critiqué par certains des lecteurs du premier roman, Le Petit Copain reste dans le style précis et descriptif des personnalités développées par la romancière. Bien que critiqué par certains des lecteurs du premier roman, Le Petit copain reste dans le style extrêmement précis et descriptif des personnalités développées par la romancière. Il confirme le talent, le savoir-faire et le génie hors du commun de Donna Tartt.
Onze ans plus tard, elle récidive avec Le Chardonneret, qui obtient le prix Pulitzer de la fiction. Cet impressionnant roman de plus de 800 pages rencontra l’an dernier un succès colossal partout dans le monde.
De passage à Paris, à l’occasion de la promotion de son roman, la toute jeune quinquagénaire à la silhouette gracile, androgyne, toujours vêtue de noir, le visage pâle comme une lune, l’œil vert malicieux, nous confirmait travailler toujours de manière artisanale. «J’écris à la main, avec différentes couleurs d’encre et de papier pour m’y retrouver sur plusieurs années.»
Pour ce livre, la romancière a pourtant modifié deux paramètres importants de sa fiction. La durée, puisque l’action de ses précédents romans s’étalait sur quelques semaines. Cette fois, c’est sur près de quinze ans. Et la géographie. Alors que Le Maître des illusions se déroulait dans le Vermont et Le Petit Copain dans le Mississippi, Le Chardonneret tourne autour de trois axes: New York, Las Vegas et Amsterdam.
Ambition est donc le maître mot de ce troisième opus qui nous invite à suivre un certain Theo Decker, de ses treize ans jusqu’à ses vingt-sept ans.