Club lecture…

… vu par Arlette

Ragnar Jónasson ♦ Dix âmes, pas plus

Un roman sombre, captivant, un thriller traduction de Þorpið, roman paru en 2018 en Islande, avec une petite touche de fantastique, qui met de l’irrationnel dans l’histoire, quelque chose que personne ne peut maîtriser.

Parce qu’elle n’a rien à perdre en termes d’amitiés, d’amour, de boulot à Reykjavik. Parce qu’elle est mal dans sa peau dans son petit appartement de la capitale dans lequel elle se sent à l’étroit. Parce que sa mère, veuve, a trouvé un nouveau compagnon avec lequel elle a un projet de voyage. Parce qu’elle n’arrive plus à joindre les deux bouts, Una, la trentaine, accepte la suggestion de son amie Sara, et répond à une petite annonce pour un poste d’enseignante pour un an à  Skálar, l’un des villages les plus reculés au nord-est de l’Islande, perdu au milieu de nulle part, qui compte dix habitants et pas un de plus (enfants compris).

Ragnar Jonasson a choisi ce village parce qu’il existe réellement, mais aussi parce qu’il disparaît, en quelque sorte… Parce qu’il a été un petit village, durant la Seconde Guerre mondiale, et avant, avec beaucoup d’histoires, qu’il a essayé de raconter dans le livre, certaines vraies, d’autres inventées – mais aussi, et c’est ce qui le fascine, parce que c’est aujourd’hui une sorte de village fantôme. Quatre ou cinq maisons sont encore debout. Elles sont en ruine, sans toit, mais bien là, et vous pouvez entrer à l’intérieur.

Una sera la maitresse de deux fillettes très différentes l’une de l’autre : Edda, 7 ans qui est la fille de Salka, romancière et conseillère municipale qui va l’héberger gratuitement, et Kolbrun, 9 ans qui est la fille de Kolbeinn et Inga. Elle habitera dans les combles aménagées en appartement de la grande maison, qui servira aussi de salle de classe. Salka s’est installée là depuis un an et demi, après avoir hérité de la maison à la mort de sa mère.

Les parents de Kolbrun ont la quarantaine. Lui travaille comme marin pour Gudfinnur, l’Armateur que tout le monde appelle Guffi et dont l’épouse Erika, malade, doit rester alitée. L’Armateur a un autre employé : Gunnar qui forme avec son épouse Gudrún qui gère la coopérative, l’autre couple sur l’île. Ils sont proches de la soixantaine.

La dixième habitante de cette île est Thór, 35 ans, qui travaille dans la ferme appartenant à Hjördis, femme peu bavarde, et vit dans la dépendance toute proche.

Au fil des jours, Una prend ses marques, commence à croiser les habitants, est invitée à prendre le thé chez Gudrún, croise Thór pendant une virée nocturne, ou prépare la fête de Noël avec Inga.

Très vite cet endroit devient hostile. Des phénomènes étranges et une animosité progressive des locaux rendent sa tâche plus compliquée que prévu. A l’exception de sa « logeuse » et d’un jeune homme, les villageois sont faussement accueillants ou pour le dire plus clairement, certains ont l’accueil hostile à peine poli. Elle est alors convoquée par Gudfinnur qui essaie de la dissuader de rester.

Una sent bien que les dix âmes (pas plus) savent quelque chose, qu’ils ont des secrets. Pleins de secrets. Qu’ils se serrent les coudes. Qu’y a-t-il d’autre à faire dans cet endroit coupé du monde ? S’entraider. Tenir bon contre le froid. Contre la nuit. Contre la solitude.

Ce qu’elle ne sait pas, c’est un fait divers qui a défrayé la chronique de ce petit village : l’assassinat de deux hommes et la condamnation de trois personnes, dont une femme qui n’a pourtant cessé de crier son innocence.

Ce qu’elle sait en revanche pour l’avoir bien ressenti, c’est l’histoire de la maison hantée qu’elle occupe. Certaines nuits, Una n’arrive pas à dormir. Elle est réveillée par du bruit, de la musique. Elle entend des voix et le son fantomatique d’une berceuse chantée par une petite fille. Celle-ci apparait aussi dans ses rêves. Elle croit voir le fantôme d’une petite fille habillée en blanc décédée à la suite d’un empoisonnement qui a déjà fait fuir plus d’un locataire. La maison est-elle hantée comme le prétendent certains habitants du village ? Una, est-elle en train de perdre la raison ? Ou bien, ces visions apparaissent-elles quand elle abuse du vin pour que sa soirée en solitaire passe plus vite ?

Una tient bon jusqu’au jour où survient un évènement terrifiant : juste avant Noël, une des fillettes à qui Una faisait la classe perd la vie de façon étrange lors du spectacle de Noël et là, on va chercher à comprendre ce qu’il s’est passé.

Il ne reste désormais plus que neuf habitants. Parmi lesquels, fatalement, le meurtrier.

 

L’auteur :

Ragnar Jónasson, né à Reykjavik en Islande, en 1976 est auteur de roman policier. Son père était rédacteur en chef dans un magazine, et sa mère employée par le ministère de la Santé.

Ses grands-parents sont originaires de Siglufjördur, la ville où se déroule Snjór, et où a grandi son père.

Il a su lire à l’âge de 4 ans et à l’âge de 6 ans, il rédige à la main son premier roman.

A 13 ans, il a découvert les livres d’Agatha Christie et entreprend à 17 ans, la traduction, de quatorze de ses romans en islandais.

Ce qui, au départ, n’était qu’un simple emploi étudiant est rapidement devenu une véritable passion. « J’ai toujours voulu écrire et créer ma propre œuvre », raconte le jeune auteur. Au départ, comme je ne trouvais pas le courage, je me suis dit que la traduction était ce qui s’en rapprochait le plus. Ça me permettait aussi de faire découvrir une écrivaine que j’admirais à d’autres gens. »

Ce passe-temps lui a été une immense source d’inspiration, en plus de s’avérer extrêmement instructif. En passant à travers chaque phrase, chaque mot précisément choisi par l’auteur, il a saisi toute l’ampleur de la structure et du rythme dans le roman policier. Avec Agatha Christie particulièrement, il a appris énormément sur l’intelligence des renversements de situation, le suspense et l’importance des lieux.

Il se passionne également pour les ouvrages de Peter May et de P. D. James.

Etant plutôt prédisposé pour les mathématiques, il se tourne pourtant vers le droit des affaires.

Avocat et professeur de droit à l’Université de Reykjavik, il est aussi écrivain et le cofondateur du Festival international de romans policiers Iceland Noir. Mais le jour, il est aussi banquier d’affaires, numéro deux (vice-président) d’Arion Bank, en Islande.

C’est sur un terrain de foot que le destin de cet attaquant, fan de Chelsea et pianiste amateur, a basculé. En 2014, lors du Festival de polars d’Ecosse, l’écrivain, sociable, a rejoint un tournoi de football opposant romanciers écossais et anglais. C’est ici qu’il a rencontré son éditeur britannique.

Quelques mois plus tard, c’est lors du Salon du livre de Francfort, que l’agent d’Henning Mankell qui faisait la promotion de ses romans sur catalogue, le découvre et qui vend les droits de ses livres dans quinze pays.

Il se lance dans l’écriture avec la publication d’un roman policier intitulé Fölsk nóta (2009), premier volet de la série policière Dark Iceland : Les Enquêtes de Siglufjördur, dont l’intrigue se déroule dans et aux alentours de Siglufjördur, un idyllique et tranquille village de pêche le plus au nord de l’Islande, où personne ne ferme sa porte, et accessible seulement par un petit tunnel dans la montagne d’où sont originaires ses grands-parents et où a grandi son père et dont le personnage récurrent est le jeune policier Ari Thor, un policer débutant qui occupe son premier poste, loin de sa petite amie qui vit à Reykjavik, avec un passé qu’il n’arrive pas à laisser derrière lui. Ragnar Jónasson veut que ses livres soient les plus réalistes possible. Il fait évoluer ses personnages dans des endroits réels. Il essaie également de forger plusieurs facettes à ces derniers. Ils ont tous des parts d’ombre qui les rendent humains et renforcent l’intrigue.

Lorsqu’il écrit, Ragnar Jónasson est constamment habité par l’Islande et ses contrastes, son histoire moderne, sa perpétuelle beauté, son aura de mystère, ses campagnes qui vivent au rythme des saisons, la puissance insoupçonnée de ses richesses naturelles. Loin de se contenter du beau, il façonne le caractère et le vécu de ses personnages à travers des événements marquants pour le peuple islandais : alors que l’éruption spectaculaire de l’Eyjafjallajökull entoure l’œuvre qu’il est en train d’écrire d’un épais nuage de cendres, les conséquences de la crise économique de 2008 et de l’effervescence touristique sont sous-jacentes tout au long du roman.

Concevoir un crime dans ce pays parmi les plus sûrs au monde – l’Islande n’a connu qu’un seul homicide en 2017- comporte son lot de défis. Lorsqu’un crime survient dans un endroit aussi serein, au sein des plus beaux paysages du monde, c’est perturbant et ça crée une atmosphère vraiment intéressante.

Par ailleurs, en plongeant ses lecteurs dans des lieux féeriques, Jónasson a créé malgré lui un petit boom touristique à Siglufjördur. L’Islande est un pays fascinant, particulièrement en été lorsque le soleil ne se couche jamais. Il y a très peu d’endroits au monde où on peut expérimenter un tel phénomène.

En 2020, Ragnar Jonasson avait vendu plus d’un million de livres traduits en 26 langues dans 30 pays. La France, à elle seule, en a acheté 620.000, hissant Ragnar Jónasson au rang de second écrivain islandais le plus populaire dans l’Hexagone.

Nouvelliste, il écrit également en anglais.

Ragnar Jónasson  qui s’est fiancé à Paris, avec la mère de ses deux filles, vit à Reykjavik, dans une grande maison où déambule un chat et où se cache un ouvrage dédicacé par la reine du crime Agatha Christie.

Ragnar Jónasson a des projets : Deux séries télé, avec capitaux américains, mais avec des réalisations sur le sol islandais. Il s’agit d’une adaptation de la série des Hulda par CBS et d’une création originale produite par Warner Bros.

            Et puis il va écrire un roman policier avec Katrín Jakobsdóttir, la Première ministre. L’intrigue se déroulera à Reykjavik en 1986. C’est une année passionnante au cours de laquelle a été lancée la première station de télévision et de radio privée, où l’on a assisté à l’inauguration du premier centre commercial du pays, et qui a vu se réunir Reagan et Gorbatchev, au fameux sommet de Reykjavik. L’intrigue tournera autour d’une personne disparue trente ans plus tôt. Mais il faudra attendre sa parution en 2023 pour en savoir plus !

 

 

Œuvre :

Série Dark Iceland

  • Fölsk nóta (2009) – – Préquel sur Ari Thór – Uniquement  disponible en islandais
  • Snjóblinda (2010) – Publié en français sous le titre Snjór, (2016)
  • Myrknætti (2011) – Publié en français sous le titre Nátt, (2018)
  • Rof (2012) – Publié en français sous le titre Sótt, (2018)
  • Andköf (2013) – Publié en français sous le titre Vík, (2019)
  • Náttblinda (2014) – Publié en français sous le titre Mörk, (2017)
  • Vetrarmein (2020) – Publié en France sous le titre Sigló (2020)

 

Trilogie La Dame de Reykjavik

  • Dimma (2015) – Publié en français sous le titre La Dame de Reykjavik, (2018)
  • Drungi (2016) – Publié en français sous le titre L’Île au secret, (2020)
  • Mistur (2017) – Publié en français sous le titre La dernière tempête (2021

 

Nouvelles

  • Death of a Sunflower, dans le Ellery Queen’s Mystery Magazine (janvier 2014)
  • Party of Two (2014)
  • A Moment by the Sea (2014)
  • A Letter to Santa, dans le Ellery Queen’s Mystery Magazine (janvier 2015)

 

Romans :

  • porpio (2018) – Publié en France sous le titre Dix âmes, pas plus (2022)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *