Tout commence un peu comme dans un conte de fée. Nathalie et François se rencontrent dans la rue, complètement par hasard. En la voyant pour la première fois, François ressent quelque chose de nouveau qu’il ne peut s’expliquer : sa démarche, sa grâce l’émeuvent à tel point qu’il ne peut s’empêcher de l’aborder, là, comme ça, sur le trottoir et de l’inviter à boire un café, chose qu’il ne se serait jamais crû capable de faire auparavant. Deux ans plus tard, les tourtereaux filent toujours le parfait amour, un amour sans nuages, un de ceux qu’on envie et qu’on admire, un amour qui débouche en toute « logique » sur un mariage. Le quotidien n’entache en rien leur bonheur, même si ce bonheur insolent peut parfois faire peur. Qu’importe, « il y avait encore dans chaque jour entre eux des traces de leur premier jour ». Arrive ce dimanche fatidique, cinq ans plus tard. Un dimanche comme les autres où Nathalie lit un roman russe allongée sur le canapé une couverture jetée sur les jambes, un dimanche comme les autres où François part courir comme à son habitude, un dimanche où Nathalie ne sait pas qu’elle voit son mari pour la dernière fois. Sept ans de vie commune et plus rien, un accident stupide, le deuil, le vide. Le monde de Nathalie s’effondre, vivre devient insoutenable, mais malgré tout, la vie reprend ses droits. Nathalie se réfugie dans le travail et ne pense pas pouvoir aimer de nouveau, d’ailleurs elle n’y pense même pas. Mais la vie réserve parfois de drôles de surprises…
Cela pourrait ne pas marcher, entre Nathalie et Markus. Elle est veuve, mélancolique, belle et parvenue à un grade hiérarchique tel que l’attirance et la distance s’imposent. Markus n’a rien pour attirer son attention, et certainement pas le dossier 114 dont il voudrait lui parler, et qui lui sert de prétexte pour entrer dans son bureau. Là-dessus – une relecture du roman ne permet pas de comprendre tout à fait ce qui lui prend -, elle l’embrasse. Un vrai baiser de cinéma, d’ailleurs, David Foenkinos commence le tournage de la Délicatesse dans quatre jours exactement, le film sortira en 2012.
Le baiser est déclencheur de cataclysme pour le pauvre garçon, dont le point de vue ne nous est pas caché. Il n’est pas beau. Il vient d’Uppsala.
Comment aimer à nouveau après la mort de celui que l’on pensait être l’homme de sa vie ? Voilà le sujet essentiel du roman. Foenkinos le traite de façon assez originale, en évitant de tomber dans le pathos, il opte pour l’humour.
Le récit est entrecoupé par de très brefs chapitres sur différents sujets plus ou moins en rapport avec le chapitre précédent. Ainsi peut-on trouver des intermèdes sur Exemples de dictons ridicules que les gens adorent répéter ; Définition du mot « Délicatesse » dans le Larousse ; Ingrédients nécessaires pour le risotto aux asperges ou encore Exemples de numéros de téléphone d’un autre siècle… Ces petits chapitres ont pour fonction de dédramatiser, de remettre un peu d’humour au cœur du roman, voire de palier des manques.
On trouve également plusieurs références littéraires : Marguerite Duras ; Albert Cohen ; Dan Franck ; Thomas Hardy ; Butor ; Cioran ; Camus ; Sartre ; Strindberg ; Maupassant etc.
Foenkinos David
David Foenkinos, 1974 à Paris en France, est un romancier français.
Après des études de lettres à la Sorbonne et une formation de jazz, David Foenkinos devient professeur de guitare. Il publie par ailleurs plusieurs romans, dont « Inversion de l’idiotie, de l’influence de deux Polonais », prix François Mauriac en 2001, « Entre les oreilles » en 2002 et « Le Potentiel érotique de ma femme » en 2004 chez Gallimard.
Pourtant, le jeune père de famille ne songe pas une seconde à reprendre son boulot d’attaché de presse dans… l’édition. « En fait, je détestais ce travail, avoue le Parisien. C’est le hasard – je devais effectuer un stage dans le cadre de mes études – qui m’a fait entrer chez Lattès. Puis tout s’est enchaîné, Fayard, Le Rocher, Albin Michel, Le Dilettante. J’ai fini par démissionner, en 2001. En juillet, Jean-Marie Laclavetine, éditeur chez Gallimard, accepte le manuscrit que j’ai envoyé par la poste. Et, en 2003, je suis lauréat de la Fondation Hachette. 25 000 euros ! Cela a changé ma vie. »
Des années plus tôt, c’est une grave infection qui bouleverse le destin de ce fils de pieds-noirs employés du ciel (sa mère travaille à Air France, son père dans une tour de contrôle). Vers les 16 ans, une intense brûlure interne le fait suffoquer. Radio. Le médecin n’en croit pas ses yeux : le jeune homme est atteint d’une maladie de la plèvre qui touche principalement les septuagénaires. Opération en urgence et alitement prolongé qui eut une double – et louable – conséquence. « Alors que je n’avais rien lu jusque-là, je me suis mis à dévorer les livres, puis à peindre, à jouer de la guitare… La connaissance de l’éphémère et la conscience de ce qui passe, de ce qui échappe ont aiguisé mon appétit. » Et son sens de l’humour et de la dérision, pourraient ajouter ses lecteurs avertis. Ouverture à la vie et… aux personnes âgées. « Je pense aujourd’hui que ma tendresse pour la vieillesse et les anciens date de cette époque. Ma maladie de vieux nous a rapprochés. »
Malgré ses airs de Pierrot lunaire, Foenkinos n’a rien d’un dilettante. Elevé dans la plus grande liberté par des parents souvent absents, le jeune bouclé se fixe des règles, écrit tous les jours, multiplie les romans, part à la rencontre de ses lecteurs en province, court les soirées à Paris avec son copain Florian Zeller, essuie des échecs (manuscrits refusés, projets de théâtre avortés), rebondit toujours. En 2009, poussé par son frère aîné, Stéphane, directeur de casting, il décide d’adapter l’un de ses propres romans : « Pour la première fois, je n’avais pas envie de quitter mes personnages ni que quelqu’un d’autre s’en empare. » C’est ainsi que la belle veuve Nathalie de La Délicatesse se retrouve sous les traits d’Audrey Tautou et que François Damiens, dit François l’Embrouille, le roi de la caméra cachée, revêt les habits de Markus, le collègue suédois enamouré – un casting que l’on admirera, ou pas, à partir du 21 décembre. « Avec le seul nom d’Audrey Tautou, nous avons prévendu le film dans 22 pays, s’enthousiasme le néo-coréalisateur (avec son frère). C’est une actrice extraordinaire, intelligente, respectueuse, impressionnante… » Finalement, Foenkinos n’aime pas que les visages ridés…
En quelques années, il a réussi à créer un univers singulier, à la fois burlesque et émouvant. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs écrivains de la nouvelle génération. Ses romans sont traduits à l’étranger, dans une quinzaine de langues.
L’écrivain est apprécié pour ses textes empreints de légèreté et d’humour. Également scénariste, il coécrit avec Jacques Doillon « Trop (peu) d’amour » et adapte pour le théâtre la pièce « Messie », de Martin Sherman. Il est par ailleurs à l’origine du scénario d’une bande dessinée, premier volet d’une trilogie intitulée « Pourquoi tant d’amour ? ». En 2005, alors que paraît chez Flammarion « En cas de bonheur », il participe à la réalisation d’un court métrage « Une Histoire de Pieds » avec son frère Stéphane avant de publier « Les Cœurs autonomes » en 2006 chez Grasset et « Qui se souvient de David Foenkinos ? en 2007 chez Gallimard. Le livre reçoit le prix Giono. Après « Nos séparations », chez Gallimard en 2008, Foenkinos décroche en 2010 le prix Conversation et le prix des Dunes avec son roman « La Délicatesse », publié aussi chez Gallimard en 2009. La même année, les Éditions du Moteur publient « Bernard », tandis que Plon édite « Lennon », un ouvrage dans lequel l’auteur (et fan) se met dans la peau du Beatles assassiné. Suivent en 2011 « Le petit garçon qui disait toujours non » chez Albin Michel et « Les Souvenirs », présenté à la rentrée littéraire par Gallimard. La fin de l’année 2011 voit également arriver dans les salles françaises l’adaptation du roman « La Délicatesse », avec à l’affiche Audrey Tautou et François Damiens. Un film réalisé par David Foenkinos lui-même, accompagné de son frère.
David Foenkinos est le jeune auteur qui ne cesse de monter depuis son roman, Le potentiel érotique de ma femme. Sa marque de fabrique ? Il sait raconter comme personne des histoires d’amour avec légèreté, humour et autodérision car son narrateur à moins que ce ne soit l’auteur lui-même, est souvent pris dans des complications hautement psychologiques. Foenkinos est un excellent fabricant de comédies sentimentales.