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… vu par Arlette

De Vigan Delphine ♦ Rien ne s’oppose à la nuit

En 2008 la mère de Delphine de Vigan, Lucile, s’est donné la mort, après avoir réchappé d’un cancer. Elle avait soixante et un ans. Elle était belle, si belle, mais si blessée au fond d’elle aussi.

Lucile, c’était la mère de Delphine de Vigan. Et l’auteur, torturée à son tour par ce passé douloureux, se décide, pour guérir un peu des meurtrissures que sa mère endurait jadis, d’analyser chaque événement de son histoire familiale.

D’abord hébétée, réticente à l’idée d’écrire un « livre sur la mère » – tant d’écrivains l’ont fait avant elle – la romancière capitule et se lance dans une enquête minutieuse, multipliant les entretiens avec ses oncles et tantes et avec sa sœur Manon, relisant tous les écrits de sa mère, écoutant les cassettes laissées par son grand-père.

On pénètre avec elle dans une famille  gaie et unie en apparence, qu’elle qualifie très vite de joyeuse et dévastée, de plus en plus bouleversée par les révélations sidérantes qui jalonnent le récit : suicides, morts accidentelles, inceste, folie…

Troisième des neuf enfants de Georges et Liane Poirier, Lucile est une petite fille d’une beauté fascinante, solitaire et silencieuse, qui rêve de devenir invisible. Sa mère, Liane,  pleine de fantaisie et toute dévouée à son mari, s’épanouit dans ses multiples maternités. Georges, le père, dont Lucile est la préférée, est un beau parleur séduisant et autoritaire, très attentionné envers leur fils trisomique, Tom. On découvrira peu à peu combien cet homme qui vénérait sa femme fut un père nocif, destructeur et humiliant. 

Fragile, courageuse, Lucile devenue adulte connaît des troubles bipolaires et ses crises de délire lui vaudront de nombreuses hospitalisations, source pour ses deux filles d’angoisses et de tourments.

Au cours du récit, Delphine de Vigan ne cache rien de ses doutes, de ses hésitations, du mal-être qu’elle connaît à  la rédaction de ce texte qui  ravive  des douleurs anciennes et si présentes encore – dans son premier livre, Jours sans faim, elle évoqua son anorexie d’adolescente – redoutant la réaction de ses proches, tout en voulant dire la vérité au plus juste. Un livre dense et poignant, d’une constante pudeur, qui brosse avec tendresse le portrait d’une mère qui a choisi de mourir vivante, selon les termes de la lettre d’adieu qu’elle a laissée à ses filles chéries.

 

Delphine De Vigan

  Delphine de Vigan est une romancière française née le 1er mars 1966 à Boulogne-Billancourt. Elle est l’auteur de cinq romans dont l’avant-dernier en 2007 a été couronné par le Prix des libraires.

 Jusqu’à l’âge de douze ans, Delphine de Vigan vit en banlieue parisienne. Elle n’a pas la télévision, dessine sur les murs, fait des farces au téléphone, des maisons en carton et des crocodiles en perles. Elle lit Lucky Luke, Gaston Lagaffe, a peur du chien jaune du voisin et part l’été dans une 403 peinte en vert pomme.           La vie se complique un peu, comme cela arrive souvent, et Delphine part avec sa sœur vivre à la campagne, change de décor, d’univers, d’éducation. Passée directement de Rantanplan à Madame Bovary, elle aime Maupassant, Dostoïevski, écrit des poèmes, des nouvelles, des lettres.

 A dix-sept ans, Delphine de Vigan revient à Paris pour entrer en classe prépa, étant parallèlement démonstratrice en hypermarchés pour diverses marques de fromages et de steak haché, scripte dans des réunions de groupe, hôtesse d’accueil.

 Quelques mois plus tard, elle cesse de s’alimenter, peut-être pour ne plus grandir. Une fois sortie de l’hôpital, elle se dit qu’un jour elle écrira un livre, pour raconter ça, et peut-être d’autres choses, si elle parvient à oublier qu’elle a tant lu. Guérie, elle se rend compte que la vie n’est pas si compliquée. Elle reprend des études, trouve un travail, rencontre un Grand Amour, a deux enfants magnifiques et drôles.

 Quand tout lui semble paisible et doux autour d’elle, elle écrit un manuscrit sous le pseudonyme de Lou Delvig qu’elle envoie par La Poste. Ce sera « Jours sans faim » (Grasset, 2001). Il s’agit d’un roman autobiographique sur le combat et la guérison d’une anorexique de 19 ans.

Au-delà de ce livre, il y a l’envie d’écrire.

Après « Jours sans faim », elle écrit un recueil de nouvelles sur l’illusion amoureuse « Les Jolis Garçons », bref roman (150 pages) constitué par trois histoires d’amour d’une jeune femme, Emma (JC Lattès, 2005). Parfois, elle doute encore de sa légitimité à écrire, c’est quelque chose qui la hante, lui fait perdre du temps, mais cette nécessité l’habite. Elle se remet au travail.

Puis, creusant le thème des difficultés amoureuses et de la mémoire, elle a publié en 2006 « Un soir de décembre », qui a obtenu le Prix littéraire Saint-Valentin 2006. Les jurés ont récompensé « l’impertinence du discours,  la pertinence du style et la modernité littéraire au service du genre  amoureux ».

Explorant une thématique nouvelle, « No et moi » est paru en 2009 aux éditions Lattès. Ce « roman moral » à succès sur une adolescente surdouée qui vient en aide à une jeune SDF a été récompensé par le prix du Rotary International 2009 et par le Prix des libraires 2009. Il a été traduit en vingt langues et une adaptation au cinéma a été réalisée par Zabou Breitman, film sorti le 17 novembre 2010.

 En 2008, elle a participé à la publication de « Sous le manteau », un recueil de cartes postales érotiques des années folles.

En 2009, elle a été récompensée par le « prix du roman d’entreprise », décerné par deux cabinets de conseil (Place de la Médiation et Technologia) avec le soutien du ministre du travail de l’époque Xavier Darcos, pour ses « Heures souterraines » (Jean-Claude Lattès). Elle n’a pas souhaité se rendre à la remise du prix.

Figurant sur la liste des œuvres sélectionnées par l’Académie Goncourt en 2009, elle est lauréate de la 12e édition du prix décerné en Pologne « Liste Goncourt : le choix polonais » à l’initiative de l’Institut français de Cracovie.

Aujourd’hui, elle vit de sa plume depuis 2007.

Le 16 juin 2010, Delphine de Vigan a obtenu le prix des lecteurs de Corse, pour ses « Heures souterraines ».

Mêlant avec justesse les dimensions sociale et intime, l’écrivain poursuit dans ce registre avec le roman « Les Heures souterraines », paru en 2009. Si ses romans traitent souvent du désenchantement, Delphine de Vigan incarne le succès d’une littérature modeste et sans esbroufe et la possibilité de réussir à force de talent et de persévérance.

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