Club lecture…

… vu par Arlette

Amadou Amal Djaïli ♦ Les impatientes

Avec Les Impatientes, roman, d’inspiration autobiographique, Djaïli Amamdou Amal brise les tabous en dénonçant la condition de la femme dans le Sahel et nous livre un roman poignant sur la question universelle des violences faites aux femmes, le sujet sensible des mariages précoces et forcés, le viol conjugal, et l’enfer de la polygamie.

En sélection pour le Goncourt 2020, ce roman a déjà été publié en Afrique sous le titre Munyal, les larmes de la patience et a remporté la première édition du prix Orange du livre en Afrique.

Ce magnifique roman retrace le destin de Ramla, 17 ans, très instruite et qui voulait devenir pharmacienne, arrachée à son amour Aminou pour être mariée de force avec Alhadji Issa, un homme riche et déjà marié. Hindou, sa sœur du même âge, est contrainte d’épouser Moubarak, son cousin, alcoolique, drogué et violeur de surcroît. Quant à Safira, 35 ans, la première épouse d’Alhadji Issa, elle voit d’un très mauvais œil l’arrivée dans son foyer de la jeune Ramla, qu’elle veut voir répudiée. Elle est persuadée que Ramla veut la supplanter dans le cœur et le lit de son époux. Elle met en œuvre mille stratagèmes pour obtenir son départ. Quand elle comprend que la jeune fille ne lui veut pas de mal, qu’elle souffre aussi de la situation, c’est trop tard.

Chacune des trois femmes du roman essaie d’échapper comme elle peut au poids de la coutume et des traditions. Par la folie, la ruse ou la fuite.

Lorsque chacune désire s’opposer aux décisions que les hommes, maris, pères ou oncles leur imposent, un seul conseil leur est donné : « Munyal », qui signifie patience. Cette vertu cardinale de la culture peule, enseignée dès le plus jeune âge et répétée lors du mariage, est une forme d’assignation à tout supporter, y compris les pires violences. Contraintes d’obéir à cette injonction jusqu’à se mettre en danger, ces femmes deviennent ce que la société attend d’elles. Traditions, superstitions et interprétations religieuses les poussent à la soumission.

Djaïli Amamdou Amal a été mariée à dix-sept ans à un homme politique d’une cinquantaine d’années qui a utilisé son pouvoir pour l’avoir. Sans le consentement de son père ! Ce sont ses oncles qui l’ont donnée en mariage. Elle en a beaucoup souffert. Elle s’est réfugiée dans la littérature pour pouvoir s’en sortir psychologiquement.

« La Constitution camerounaise interdit le mariage des filles avant l’âge de 16 ans. Mais cette loi n’est pas respectée.

Les filles subissent des mariages religieux et coutumiers qui le plus souvent ne sont pas suivis de mariages civils. Elles sont de simples concubines et lorsqu’elles sont répudiées, elles n’ont droit à aucune pension alimentaire. Quelquefois, leurs enfants ne sont même pas reconnus. »

À un moment, comme Ramla dans le roman, elle a compris qu’il fallait absolument partir de là si elle voulait devenir ce qu’elle rêvait de devenir, c’est-à-dire une jeune femme normale vivant au XXIème siècle. C’était une décision difficile, mais nécessaire pour sa propre survie. Elle avait déjà deux filles et elle s’est demandé ce qu’elles deviendraient si elle ne faisait rien. La réponse était simple : à quatorze ou quinze ans, on les aurait mariées sans qu’elle puisse rien faire pour les protéger. »

Quand elle est arrivée dans la maison où il y avait déjà une épouse, elle a eu l’impression de vivre une scène de film. Les filles de sa coépouse étaient beaucoup plus âgées qu’elle.

Elle venait d’entrer au lycée et la seule chose qu’elle a pu obtenir était de continuer à aller en cours. Mais imaginez la situation : elle était en même temps, la femme du maire et élève au lycée ! Elle garait sa voiture à côté de celle du directeur. Les professeurs la vouvoyaient. C’était très bizarre, mais elle avait conscience d’avoir de la chance car depuis la sixième, ses amies désertaient les bancs de l’école pour se marier les unes après les autres. Elle, au moins, elle pouvait continuer à étudier ! En terminale, elles étaient à peine cinq filles pour une trentaine de garçons. »

Lorsqu’elle s’est enfuie, elle est allée chez son frère, et dans un premier temps, a confié ses filles à sa mère. Mais son ex-époux les a fait kidnapper et elle ne les as pas revues pendant plus de deux ans.

Aujourd’hui, elles ont surmonté cela toutes les trois. Sa fille aînée a vingt ans et est en licence de droit. La cadette a 19 ans et vient d’entrer à l’université. Elle hésite entre la psychologie et le management. Dlaïli est très fière des jeunes femmes qu’elles sont en train de devenir. Quant à elle, elle a refait ma vie.

 

L’auteur :

Djaïli Amadou Amal, née en 1975 à Maroua dans le département de Diamaré situé dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, est une militante féministe et écrivaine camerounaise.

Elle entreprend des études supérieures en gestion commerciale.

Mariée à dix-sept ans dans le cadre d’un mariage arrangé, Djaïli a connu tout ce qui rend si difficile la vie des femmes du Sahel. « Dans tout ce que je fais, j’essaie surtout de parler des discriminations faites aux femmes ; c’est mon cheval de bataille ! La presse camerounaise m’a même surnommée la « voix des sans voix » ! ».

Djaïli Amadou Amal dénonce les pesanteurs sociales liées aux traditions et aux religions. À travers l’écriture elle dénonce en somme les problèmes sociaux de sa région, notamment les discriminations faites aux femmes, mais promeut aussi la culture peule.

Elle est reconnue comme étant la première femme écrivaine du Septentrion camerounais.

Son premier roman « Walaande; l’art de partager un mari », paru en 2010, lui conféra une renommée immédiate. C’est un témoignage autobiographique car il a été écrit par une femme qui a vécu cette situation de l’intérieur. « Quand tu entres dans une famille polygamique, tu dois être aveugle et sourde. Que tes yeux ne voient rien, tes oreilles n’entendent rien, ta bouche ne dise rien ». Le Prix du jury de la Fondation Prince de Claus à Paris, obtenu dans la foulée de sa parution, a valu à l’ouvrage d’être traduit en langue arabe et diffusé dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient.

En 2012, au lendemain de son retour des États-Unis d’Amérique où elle a pris part à un programme du Gouvernement américain, International Visitor Leadership Program(IVLP) axé sur la Société civile et les femmes leaders aux États-Unis, elle créa l’Association Femmes du Sahel soutenue par l’Ambassade des États-Unis au Cameroun. La même année elle est l’invitée du salon du livre de Paris où elle effectuera un passage très remarqué.

Son deuxième roman, « Mistiriijo; la mangeuse d’âmes », paru en 2013, confirme le talent de la romancière. Le bihebdomadaire camerounais, L’Œil du Sahel, l’a classée en 2014 parmi les cinq femmes influentes du Nord-Cameroun, pionnières dans leurs domaines respectifs. Le Quotidien Le Jour la désignera comme l’une des figures de proue de la nouvelle littérature camerounaise.

En août 2016, un décret du Ministre des Arts et de la Culture l’intègre au Comité d’Organisation du Festival national des arts et de la culture (FENAC), qui se tiendra à Yaoundé au mois de novembre de la même année. À l’occasion de cet événement, lors de la cérémonie d’ouverture, elle recevra la haute distinction de Chevalier de l’Ordre de la Valeur, actée par le décret du Chef de l’État camerounais, Son Excellence Paul Biya. L’année suivante, elle sera élue au Conseil d’Administration de la SOCILADRA (Société Civile des droits d’auteurs de la Littérature et des Arts DRAmatiques).

Son troisième roman, « Munyal; les larmes de la patience », paraît en septembre 2017, la classant définitivement parmi les valeurs sûres de la littérature africaine, et l’un des plus importants écrivains peuls de l’histoire. Cet ouvrage remportera en 2018 la sélection de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, récompensée par la publication sous le label de la collection Terres Solidaires pour une large diffusion et promotion dans les pays francophones d’Afrique.

C’est la première fois de l’histoire qu’un écrivain ayant publié en Afrique remporte cette sélection qui revenait toujours à l’une des grosses pointures des éditeurs français. En mars 2019, l’ouvrage consacre l’écrivaine lauréate du Prix de la Presse Panafricaine de Littérature 2019; prix qui lui a été décerné au Salon du Livre de Paris auquel elle a une nouvelle fois pris part en qualité d’invitée.

Un hommage de la nation organisé à cette occasion par le Ministre des Arts et de la Culture, Son Excellence Ismael Bidoung Mkpatt, lui sera solennellement rendu à l’Ambassade du Cameroun à Paris devant un parterre d’invités et le personnel diplomatique.

L’année 2019 se révélera être une année faste pour l’écrivaine, puisque dans la foulée, deux mois plus tard, elle est la lauréate du 1er Prix Orange du Livre en Afrique. Des sacres abondamment relayés dans les médias nationaux (dont elle couvrira constamment la Une) et internationaux (dont Jeune Afrique, Le Point, Paris Match, RFI, VOX AFRICA, AFRICA 24, FRANCE 24, TV5 Monde, entre autres), confortant la renommée désormais établie de la romancière dans son pays et au-delà des frontières nationales.

Il est dit que l’année 2019 sera autrement faste pour l’écrivaine. Un hommage national lui sera rendu au mois de septembre par le Premier Ministre au nom du Chef de l’Etat a l’occasion de la rentrée culturelle et artistique nationale, une cérémonie retransmise en direct sur la chaine de télévision publique, pendant laquelle elle sera élevée au rang d’Officier de l’ordre de la valeur. Elle prononcera à cette occasion un vibrant discours au nom des artistes de son pays. C’est au sortir de cette cérémonie d’hommage national qu’elle s’engage aux côtés de l’Unicef. Deux semaines plus tard, elle effectuera un retour triomphal dans sa ville natale Maroua, célébrée par les autorités administratives et politiques, les élites locales et la population, terminant par un tour de ville dans une liesse populaire comme Maroua en aura rarement vécu. A l’occasion de cette cérémonie, elle recevra des mains du Gouverneur de la Région, la lettre des félicitations personnelles du Chef de l’Etat pour ses accomplissements.

Auteure à succès, Djaïli Amadou Amal est sans doute l’écrivain camerounais le plus lu ces dernières années. Ainsi à l’occasion de la dédicace qu’elle tiendra en mai 2018 à l’Institut Français de Yaoundé, de son roman Munyal, l’éditeur Proximité en écoulera 251 exemplaires. Un record!

L’année triomphale 2019 de l’écrivaine se terminera finalement sur des chapeaux de roue. Le Quotidien Cameroun Tribune designera le roman Munyal; les larmes de la patience, Livre de l’année. L’écrivaine signera son entrée au sein de la prestigieuse maison d’Edition française Anne Carrière/Emmanuelle Collas qui la publiera dès la nouvelle année 2020.

Djaili Amadou Amal a élu résidence à Douala, sur la côte littorale du pays en compagnie de son epoux, Hamadou Baba, un ingénieur (issu comme elle de la région septentrionale du Cameroun), et également écrivain sous le pseudonyme de Badiadji Horrétowdo. Dans un article signé au Quotidien La Nouvelle Expression, numéro 4352 du 11 novembre 2016, au lendemain de sa première distinction nationale par le Chef de l’État, celui-ci ecrira qu' »Elle est la personnalité la plus significativement importante que le Grand-Nord Cameroun n’ait jamais su éclore. »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *