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… vu par Arlette

Adler-Olson Jussi ♦ Sel

Neuvième roman de la série « Département V ». Un thriller au cordeau par le virtuose danois Jussi Adler-Olsen, qui explore dans un roman aussi intelligent que politique l’éthique et le sens moral.

L’écrivain danois a toujours annoncé que la série comporterait dix tomes.

Face au suicide d’une femme, Carl Mørk et l’équipe du Département V replongent dans une affaire non résolue datant de 1988. Au fil de l’enquête, ils découvrent avec stupeur que depuis trente ans, un tueur particulièrement rusé choisit avec une régularité effrayante, tous les deux ans, une victime et l’élimine en déguisant ce meurtre en accident ou en suicide. À chaque fois, sur le lieu du crime, un petit tas de sel.

Sur fond de restrictions sanitaires dues au Covid-19, Mørk et ses acolytes se lancent dans une enquête dont ils n’imaginent pas l’ampleur.

 

L’équipe du département V :

Carl Mørck :

            A quoi ressemble le Danois typique ? A en croire celui qui en a fait le personnage principal de ses romans, le vice-commissaire Carl Mørck en serait une représentation assez juste. Doté d’une ironie à toute épreuve, d’un goût pour l’irrévérence et les remarques acides et d’un penchant au farniente, Mørck reflète un type de personnalité bien danoise. Aussi attachant pour le lecteur qu’exaspérant pour ses collègues, il ne se soucie guère de ce que l’on pense de lui. Cela tombe bien, les missions qui lui sont confiées sont celles d’un département spécialement créé pour lui : le département V consacré aux « cold cases », les  affaires non élucidées. Installé dans les sous-sols de la brigade, Mørck désabusé y voit une manière de le placardiser après son retour d’une longue période de convalescence.  Une mission qui a mal tourné a coûté la vie à l’un de ses collègues et laissé son meilleur ami paralysé. C’est plus ébranlé qu’il ne le croit qu’il reprend le travail. Mais après 25 ans à la police de Copenhague (dont 10 à la brigade criminelle), il reste un enquêteur hors pair, redoutablement efficace une fois qu’il a interrompu sa sieste et mordu à l’hameçon. Il n’y a que les jolies femmes pour le déstabiliser, lui rappelant que sa vie privée est loin d’être aussi satisfaisante que sa carrière…

Hafez El-Assad :

            On sait peu de choses d’Hafez El-Assad, dit Assad, réfugié politique d’origine syrienne au passé mystérieux. Mørck le rencontre dans les sous-sols de la brigade criminelle de Copenhague où il a été affecté au ménage et au rangement. La curiosité naturelle d’Assad le pousse à examiner de plus près l’énorme pile de dossiers poussiéreux sur le bureau de Mørck et à s’impliquer. Rapidement, ses méthodes peu conventionnelles se révèlent efficaces et sa motivation sans faille force le respect du flic. Son café a beau être imbuvable, ses gestes d’attention à l’égard d’un Mørck éternellement râleur (pâtisseries arabes confectionnées par sa femme ou bouquet de glaïeuls au retour des vacances) le rendent vite indispensable au bon fonctionnement du département. Sous ses remarques faussement naïves se cache une intelligence aigüe, aussi surprenante que son maniement expert de l’arme blanche. Tout comme Mørck, le lecteur n’a pas fini de s’interroger sur la véritable identité d’Assad.

Rose Knudsen

            Lorsque Rose, cheveux noirs coiffés à la punk, talons vertigineux et sourire à se damner, est assignée dans son service, Carl Mørck fulmine. Affectée par la direction du secrétariat au département V pour s’en débarrasser, Rose est loin d’être aussi délicate que son nom le présage : déjantée, allergique à l’autorité, elle ne se laisse pas faire et prend un malin plaisir à tenir tête à un Mørck excédé. Sous ses allures de femme fatale, elle se révèle pourtant tout aussi efficace qu’Assad, « son petit bédouin préféré », et surtout passionnée par les enquêtes. Très bien notée à l’école de police, son échec au permis de conduire l’a empêchée de poursuivre sa carrière. Rose s’est donc rabattue sur des études de secrétariat et a débuté au commissariat central de Copenhague où elle a laissé un sacré souvenir à ses anciens collègues qui, tout comme Mørck, la prennent pour une dingue. Et tous se demandent à quoi peut bien ressembler cette sœur jumelle qui habite avec elle…

 

L’auteur :

Jussi Adler-Olsen, de son vrai nom Carl Valdemar Jussi Adler-Olsen, né le 2 août 1950 à Copenhague, est un écrivain danois. Il a été élevé dans les résidences de médecins des hôpitaux psychiatriques où son père travaillait, et au gré de ses affectations, ils bougeaient beaucoup sur le territoire danois. Ils ont même habité dans des coins reculés jusqu’à l’âge de pierre. Il était un vrai garçon, qui courait dans la campagne et faisait des trucs.

Il est le plus jeune fils des quatre enfants et le seul garçon du sexologue et psychiatre Henry Olsen. Il a passé son enfance avec sa famille dans les résidences officielles des médecins dans plusieurs hôpitaux psychiatriques à travers le Danemark.

Il a obtenu son diplôme d’études secondaires à Rødovre (1970)

Après avoir été le « bon » guitariste d’un groupe de musique pop comme guitariste principal durant son adolescence, il s’essaie à la médecine puis aux sciences politiques, étudie le cinéma, mais aussi les mathématiques (1970-1978).

De 1978 à 1989, il travaille comme rédacteur, éditeur et traducteur.

Plus tard, il transforme son appartement en boutique de BD d’occasion, monte une maison d’édition, joue les scénaristes et participe au Mouvement danois pour la paix (1981-1983).

Il écrit son premier ouvrage, « Groucho & Co’s groveste », un livre sur Marx Brothers, en 1984.

Après une carrière de manager, il a commencé à écrire à temps plein en 1995.

En 1997, Adler-Olsen publie son premier roman policier, « L’Unité Alphabet » (« Alfabethuset »), qui devient bestseller. Directeur et actionnaire de Solarstocc AG, entreprise de fabrication de systèmes photovoltaïques (2003-2006), il est également directeur de DK Technologies (2004-2007).

Depuis 2007, Jussi Adler-Olsen s’est spécialisé dans un recueil de romans policiers. Il connaît un succès sans précédent avec « Département V » (« Afdeling Q »), série bestseller qui compte plusieurs tomes et qui a remporté de nombreux prix.

Le succès de ses polars tient à une petite poignée d’ingrédients : une intrigue à tiroirs, des personnages attachants, un humour décalé et des thématiques renouvelées à chaque roman. Ses enquêteurs, Carl Mock et Assad, du département V spécialisé dans les affaires non résolues, et Rose qui va se joindre à eux dès le tome 2, ont déjà eu affaire à un gourou adepte du néo paganisme ; à des meurtrières « fashionistas » ; à la mafia des Balkans ; à des fils de famille pervers ; à un médecin eugéniste…

 « Miséricorde », (« Kvinden i buret », 2007), le premier tome de la série, couronné par les prix scandinaves les plus prestigieux, de La Clé de Verre aux Golden Laurels des libraires, publié en France chez Albin Michel en 2011, s’est vendu à trois millions d’exemplaires au Danemark et en Allemagne. C’est l’histoire de la disparition soudaine de Merete Lyyngaard, l’avenir politique du Danemark. Il connaît en Europe un succès sans précédent

Le second tome « Profanation » est paru en France en mai 2012. Jussi Adler-Olsen nous plonge dans les cercles fermés des affaires gangrénés par la corruption, l’humiliation des faibles et la violence.

Le troisième « Délivrance » (« Flaskepost fra P », 2009), est sorti en Janvier 2013. Il a déjà reçu le Prix du meilleur Thriller scandinave ainsi que le Prix des libraires Danois.

« Dossier 64«  (« Journal 64 », 2010) fut la meilleure vente de livre en 2010 au Danemark, Pour ce roman, il a eu la distinction du meilleur prix littéraire danois au début de cette année. Il sortira le 03 janvier 2014 aux éditions Albin Michel.

« L’Effet Papillon » (« Marco Effekten », 2012) et « Promesse » (« Den grænseløse », 2014) connaissent le même succès en librairie.

Jussi Adler-Olsen écrit en danois et est traduit en français par Caroline Berg .

Ses romans ont été vendus dans plus de 40 langues. Hors le Danemark, il a connu un succès particulier en Norvège, en Allemagne et aux Pays-Bas, étant un visiteur fréquent sur la liste des bestsellers, par exemple, sur la liste des bestsellers The New York Times. Les livres d’Adler-Olsen ont été sur les listes de bestsellers dans de nombreux autres pays, dont l’Autriche, l’Islande, la France, l’Espagne, la Suède et la Suisse.

Les quatre premiers tomes de « Département V » ont été adaptés au cinéma : « Miséricorde » en 2013, « Profanation » en 2014, « Délivrance » en 2016, « Dossier 64 » en 2018.

Quand il a rencontré sa femme, ils ont vécu à Copenhague, puis déménagé un peu plus au nord. Il habite maintenant à Allerød, une ville de 25 000 habitants au nord de Copenhague, avec toutes les commodités : un cinéma, un théâtre fantastique, des terrains de sport.

Et c’est un bon endroit pour que son fils soit un garçon, pour qu’il s’éclate complètement. C’est dans cette ville qu’habite Carl Mørck, son héros. Mais il ne pense pas que ce soit un bon endroit pour lui, ça ne lui plaît pas. »

 

 

Œuvre :

Série Les Enquêtes du département V :

            Vol. 1 – Miséricorde – Kvinden i buret, 2007

            – 2012 : Grand prix des lectrices de Elle, catégorie Policier

            – 2012 : Prix du Livre Robinsonnais, catégorie Policiers

            – 2013 : Prix des lecteurs du Livre de poche

            – 2013 : Prix Plume d’or du thriller international

            – 2014 : Coup de cœur de La Griffe Noire

            Vol. 2 – Profanation – Fasandræberne, 2008

            Vol. 3 – Délivrance – Flaskepost fra P, 2009

            Vol. 4 – Dossier 64 – Journal 64, 2010

            Vol. 5 – L’Effet papillon – Marco Effekten, 2012

            Vol. 6 – Promesse – Den grænseløse, 2014

            Vol. 7 – Selfies – Selfies, 2016

            Vol. 8 – Victime 2117 – 2020

            Vol. 9 – Sel – 2022

 

Romans indépendants

  • Grouchko, 1985
  • Alfabethuset, 1997
  • Og hun takkede guderne, 2003
  • Washington dekretet, 2006

 

 

Sur la Scandinavie avec Jussi ADLER-OLSEN

Vous considérez-vous comme un auteur scandinave ou simplement comme un auteur vivant dans un pays scandinave ?

La Scandinavie est une région assez exotique. De nombreux endroits, conventions sociales ou traditions y sont uniques au monde, donc en cela, oui, je suis scandinave. Pour tout le reste, je suis un citoyen du monde.

Quelle importance a pour vous l’image du Danemark où se déroule l’action de vos livres ?

Comme je suis très précis dans mes recherches, ceux qui liront la série des enquêtes du département V pourront visiter le Danemark et retrouver aisément l’atmosphère des endroits dont je parle. Pourtant, je ne laisse jamais le décor détourner l’attention de ce qui est au cœur d’un bon thriller : l’empathie pour les personnages, le respect de l’intrigue et la compréhension de ce qu’attendent les lecteurs, leur faculté à imaginer eux-mêmes leurs propres paysages.

Êtes-vous un auteur politiquement engagé ? Considérez-vous la politique comme faisant partie de vos livres, ne serait-ce qu’en toile de fond ?

Si vous voulez savoir si je suis critique envers le système politique danois, alors la réponse est oui. Si vous me demandez si j’ai tendance à défendre un parti politique plutôt qu’un autre, la réponse est non. Mon attitude concernant la politique est d’abord d’être critique, peu importe ce qu’il y a à critiquer. Et ensuite de rappeler aux hommes politiques au pouvoir qu’ils doivent comprendre que ce sont eux qui sont à notre service et non l’inverse. Comprendre qu’avant toute chose, dans leur domaine, ils doivent être capables de reconnaître leurs erreurs et de s’autoévaluer.

Les pays scandinaves sont-ils encore sous l’emprise de cette notion d’un idéal socio-démocrate ? Ou est-ce que nous vivons tous désormais dans le même monde ?

Il n’y a aucun doute sur le fait qu’aujourd’hui dans les pays scandinaves nous vivons dans une forme de démocratie unique au monde. Que ces dernières années nous ayons suivi des tendances plus globales (tout particulièrement ici au Danemark) conférant plus de valeur à l’individu qu’au bien commun de la société, ça, c’est une autre affaire. Nous avons connu une période très négative, morose, mais nous avons toujours le droit de critiquer et de rejeter sans faute les mauvaises idées. Et il n’y a aucun endroit au monde, à mon avis, où l’on utilise plus fréquemment et de manière plus réfléchie ce droit dont je suis fier.

 

Sur le genre du thriller et ses sources d’inspiration :

Pourquoi écrivez-vous des thrillers ?

Le genre permet d’écrire une histoire qui se déroule à n’importe quelle époque, qui peut jouer avec différents points de vue et aborder tous les sujets. Comme je suis fasciné par la politique, les secrets et le côté obscur des hommes, et comme ces trois éléments, quand ils sont mélangés, produisent des résultats aussi dévastateurs que passionnants, le choix du thriller s’est imposé à moi. De plus, c’est un genre qui offre la possibilité d’être publié dans d’autres pays, et donc de pouvoir vivre de son écriture. De nombreux films se fondent sur des thrillers ou des suspenses : Chacal, Le Comte de Monte-Cristo, Quand les aigles attaquent, La ligne verte – autant de livres formidables devenus de merveilleux films. Comme j’ai fait des études de cinéma et que j’ai constamment en tête des milliers d’images, j’aimerais bien que mes romans soient portés un jour à l’écran.

D’où vient votre inspiration et quels sont les sujets qui vous intéressent ?

Je suis toujours intéressé par ce qu’on ne dit pas, par les questions laissées sans réponses. Par exemple, pourquoi soudainement au milieu des années cinquante avons-nous eu accès à des psychotropes violents et qui ont été les cobayes ? Que se passe-t-il lorsqu’un président des Etats-Unis nouvellement élu perd la tête juste avant son investiture ? Quel effet peut avoir sur quelqu’un l’enfermement dans une chambre pressurisée durant 5 ans ? Et que se passe-t-il si cette personne, une femme, ne sait même pas pourquoi elle y est enfermée ? Des questions comme celles-ci me taraudent et me forcent à entreprendre des recherches approfondies, probablement jamais faites auparavant. Chaque livre devient une sorte de petite enquête.

Les sujets d’actualité, ou qui vont le devenir, m’intéressent au plus haut point. Et aussi les cas de gens ordinaires, tout particulièrement les femmes, qui vivent de petits drames, aux conséquences incalculables pour eux et les autres – à mon avis, on tient là l’intrigue parfaite !

La plupart du temps, l’inspiration est tout simplement le résultat du fait de garder les yeux grands ouverts et de travailler dur. Les muses ne sont pas aussi généreuses en soudaines idées de génie qu’on ne le croit…

 

Sur son parcours d’écrivain :

 Comment et pourquoi avez-vous commencé à écrire ?

Comme la plupart des auteurs, j’ai commencé à écrire assez jeune. J’ai eu la chance d’avoir des professeurs qui m’ont encouragé, complimenté. Les compliments peuvent engendrer de grandes choses. J’ai écrit une histoire pour ma sœur, participé à plusieurs concours d’écriture et j’en ai remporté quelques-uns. Mais dans l’ensemble, j’étais un enfant comme les autres.

C’est seulement à l’âge de 30 ans que j’ai réalisé que j’avais envie d’écrire un roman. Ma femme et moi avons pris un congé sabbatique de 6 mois, passé en Hollande, où j’ai écrit mon premier roman, Russian solitaire. Ce n’était pas trop mal ficelé, mais j’ai décidé que je manquais encore d’expérience et je l’ai rangé dans un tiroir, où d’ailleurs il restera. Plus tard, j’ai travaillé en tant qu’éditeur en chef puis directeur d’une maison d’édition, ce qui m’a appris beaucoup de choses. J’ai surtout lu beaucoup de manuscrits.

Mon conseil aux auteurs débutants: lisez tant que vous pouvez, surtout des choses bonnes à jeter à la poubelle – c’est très motivant : vous, vous pouvez faire mieux que ça !

J’ai commencé à écrire mon premier vrai roman à 39 ans, et à cause de ma situation professionnelle, il n’a été publié que quand j’en ai eu 47. Mais à partir de ce moment-là, impossible de revenir en arrière, et je suis devenu un auteur à plein temps.

Comment gérez-vous l’angoisse de la page blanche ?

C’est un syndrome que je ne connais pas, et qui ne devrait d’ailleurs exister pour personne. Je pense que la peur de la page blanche provient soit d’un manque de concentration soit de la simple paresse. Quand on se concentre sur son travail, l’inspiration vient naturellement. Personnellement, j’aime quand ces trous noirs apparaissent en cours de route, quand des problèmes surgissent dans l’écriture, quand je dois me battre avec une question que je n’ai pas encore résolue. Par paresse, j’entends le fait de se lever de sa chaise au lieu de tenter de résoudre le problème. Ne vous levez pas – c’est tout ce que j’ai à dire ! Si vous ne lâchez pas, la page blanche n’aura aucun pouvoir sur vous. On ne devrait jamais se lever avant d’être satisfait de son travail. Cela dit, on ne doit pas trop donner non plus. Il faut en garder pour le lendemain, tout en ayant en tête dans quel sens cela doit aller. La demi-page, que vous auriez aisément pu terminer aujourd’hui, sera votre meilleure alliée pour recommencer à écrire demain. Vous pouvez même vous arrêter au milieu d’une phrase – c’est un vieux truc, mais ça marche. Qui ne finirait pas une phrase le lendemain matin ?

Quels sont les écrivains qui vous ont inspiré ou vous inspirent ?

John Steinbeck, Charles Dickens, Victor Hugo, mais aussi Peter Bichsel, Jerzy Kosinsky et même l’étrange Erlend Loe. Des écrivains originaux avec une langue originale et des intrigues à vous faire pleurer toutes les larmes de votre corps, à vous déboiter les zygomatiques. Je pourrais ajouter beaucoup d’autres noms, dans plusieurs genres littéraires différents.

 

Sur les enquêtes du département V :

« Lorsque j’ai commencé à écrire les aventures du Département V, je n’avais jamais lu d’histoires parlant de cold cases (affaires criminelles anciennes non résolues), ni vu de séries sur le sujet. Du coup je pensais être un pionnier. L’idée est venue par le biais d’un producteur télé qui m’a demandé d’écrire des enquêtes d’un officier de police. Mais je lui ai ri au nez, car c’était le sujet le plus ennuyeux possible. Je voulais être libre, libre de raconter un accident de supertanker dans l’océan, de noyer 2 000 personnes si je le souhaitais, et dans une série télé vous ne pouvez pas faire ça. J’avais besoin de craquer le code. Un flic ordinaire ne fait qu’une activité à la fois, dans un lieu donné. Les cold cases permettent une plus grande liberté.

Carl Mørck n’a qu’une envie : être licencié. Mais sa hiérarchie ne fait pas ça. Elle préfère attendre qu’il s’en aille de lui-même. Mais pourquoi le ferait-il ? Il peut tranquillement fumer et regarder la télé dans son bureau du sous-sol. Et cela pourrait durer longtemps. C’est pourquoi j’ai introduit le personnage d’Assad, qui est le catalyseur du récit. Il presse Carl de résoudre les affaires, il est aussi un personnage drôle.

Mais avec le personnage ronchon de Carl, on allait retomber dans un schéma connu de beaucoup de thrillers. C’est pourquoi est arrivé un personnage qui vient mettre le chaos dans tout ça, à savoir Rose. Elle est un peu étrange, et dans le tome 6, c’est parfois elle qui dirige l’enquête, pas Carl, qui pourtant est le seul vrai flic du groupe. Elle a beaucoup de secrets, comme les autres. Et ces secrets vont tous être révélés, au fil des 10 chapitres. Je vous en livre un peu dans chaque livre. Vous ne pouvez vous empêcher d’échafauder des théories au sujet des personnages, mais vous vous trompez probablement. »                      

            « La plupart des histoires se déroulent au Danemark, car Carl est terrifié par les voyages en avion. Il est allé une fois à Madrid, mais cela n’arrivera plus, car cela fut terrible pour lui. Il n’a pas vraiment le pied marin non plus.

            Je ne raconte pas non plus des détails dans certaines actions, car les lecteurs imaginent eux-mêmes les détails. Quand je relis mon roman, j’enlève beaucoup de détails. Tenez, je ne décris pas Carl Mørck, car je suis sûr que chacun d’entre vous se le représente d’une façon différente. Je me concentre sur ses pensées, ses sentiments. Car je veux être respectueux par rapport à certaines choses, et par rapport aux lecteurs. »

            « Certains lecteurs désapprouvent les opinions politiques que je peux développer dans mes romans, mais en réalité je n’en dis rien. Je suis plutôt de gauche, comme la plupart des écrivains, mais j’essaie de garder mon esprit critique, une part incessible de la démocratie selon moi. Je ne suis pas conservateur, mais j’ai été élevé dans un environnement conservateur, avec mes parents, dans un esprit de travailler tant d’heures par jour, être bien habillé, etc., et j’aime ça. Mais j’ai aussi apprécié de vivre l’époque hippie. Ce mélange culturel est une richesse, et j’apprécie de pouvoir me moquer des gens guindés. »

                                                                                                                        Jussi Adler-Olson

 

Comment est né le premier tome de la série Miséricorde ?

Miséricorde est construit à partir de plusieurs éléments. Tout d’abord, Carl Mørck, le personnage principal, et son histoire. Elle est longue et s’étendra probablement sur 9 à 10 tomes. Sa vie contient beaucoup d’aspects intéressants mais aussi obscurs, qui seront révélés progressivement. Le personnage de Mørck s’inspire du patient d’un hôpital psychiatrique que j’ai rencontré à l’âge de 6 ans. Il s’appelait Mørck, paraissait très gentil, mais c’était un criminel dangereux. Ainsi j’ai appris très tôt que le bien et le mal pouvait facilement exister dans une seule et même personne.

Chaque personnage a sa propre fonction tout au long de la série. J’ai en tête l’intégralité des tomes, donc je connais l’histoire de chacun.

En ce qui concerne Miséricorde, je me suis inspiré de mon enfance dans les hôpitaux psychiatriques où j’ai croisé beaucoup de personnes repliées sur elles-mêmes, enfermées dans leur propre cage sans comprendre comment elles avaient fini par s’y trouver, et encore moins comment en sortir. J’ai également été inspiré par l’histoire d’un petit garçon italien enfermé pendant 14 ans par ses parents qui n’aimaient pas son physique. Je savais aussi que mon histoire devait comporter une part d’humour et s’articuler autour de personnages et de lieux bien définis. Le reste est simplement de la fiction.

Mørck s’inspire-t-il de vous ?

Je suis né Carl Valdemar Jussi Henry Adler-Olsen. Donc bien-sûr, Carl, c’est aussi un peu moi. Le trait de caractère que nous partageons jusqu’à un certain point est la paresse. Comme je ne suis pas fier, je travaille d’autant plus ! Dans le fond, j’envie à Carl sa décontraction, le fait de pouvoir piquer un petit roupillon quand ça lui chante. Comme lui, j’ai facilement des idées créatives et nous sommes tous les deux très directs, on ne tourne pas autour du pot lorsqu’on a un message à faire passer. D’après mon expérience, l’honnêteté facilite les choses, même lorsqu’elle n’est pas appréciée. Contrairement à Carl, je suis diplomate, mais je l’envie lorsqu’il dit aux gens leurs quatre vérités. En bref, nous avons beaucoup de points communs – mais une chose est sûre, quand la série sera terminée, ni Carl ni moi ne nous mettrons au golf…

Pouvez-vous nous en dire plus sur le personnage mystérieux d’Assad ?

Son histoire est centrale, il est l’un des éléments les plus mystérieux du département V. Assad est né d’une simple phrase de mon ami le traducteur Steve Schein. Un jour que je l’appelais pour lui dire qu’il me manquait et que je pensais souvent à lui, il m’a répondu : « Ca alors, Jussi, c’est formidable, les grands esprits se rencontrent – justement moi aussi j’étais en train de penser à moi ! ».

J’ai construit le personnage décalé d’Assad à partir de cette seule phrase. Il est comme l’acolyte de Don Quichotte, Sancho Pança : vif, plein de petites manies, de bonnes combines. C’est toujours lui qui donne le coup d’envoi des histoires. La relation entre Carl et Assad peut aussi être comparée à celle entre Sherlock Holmes et le Docteur Watson, même si Assad n’est pas complètement watsonien… Engagé en tant qu’homme à tout faire au service de Carl, il semble d’abord un peu benêt, mais possède en fait un grand sens de l’humour et une intelligence aigüe, surtout en matière d’enquêtes policière. Assad est né pour être le catalyseur de Carl. C’est lui qui arrive à faire en sorte que son supérieur, las et désabusé, s’intéresse à nouveau à son travail et à la vie autour de lui. Et en même temps, Assad est aussi le parfait exemple de l’immigrant sur un pied d’égalité avec n’importe qui, tout aussi éduqué, si ce n’est plus. Il n’a pas le moindre doute sur le fait que différentes cultures puissent cohabiter. La longue histoire d’Assad, qui progresse lentement de livre en livre, est au moins aussi passionnante et imprévisible que celle de Carl, vous allez voir ! Il ment beaucoup, il prétend des choses qui ne peuvent pas être vérifiées.

Au fait, est-ce : le Département «V» ou «cinq»?

            Ce sont les Français qui ont changé. En danois, il s’agit du Département «Q» [qui se prononce «küüü»], car c’était la seule lettre non utilisée dans l’administration. En français, cela aurait donné une certaine connotation…

 

Dans le cas d’une adaptation au cinéma, qui aimeriez-vous voir dans les rôles de Carl Mørck et Hafez el-Assad ?

Les livres sont adaptés par une équipe qui est pratiquement la même que celle chargée de l’adaptation du premier Stieg Larsson. Nous avons le même scénariste. A partir de 2013, chaque année pendant 9 ou 10 ans, sortira un film tiré de la série du département V. Chaque film sera palpitant, saisissant, effrayant, et normalement, la même équipe d’acteurs restera en place jusqu’au bout afin que l’on puisse suivre leur progression au fil du temps.

Selon moi, tout homme avec une réelle expérience de vie peut jouer le rôle de Carl. Au Danemark, le casting est terminé. Mais je pourrais assez bien m’imaginer le Tommy Lee Jones d’il y a 20 ans dans le rôle de Carl Mørck, ha ha…

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