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… vu par Arlette

Berest Anne ♦ La carte postale

Ce livre est à la fois une enquête, le roman de ses ancêtres, et une quête initiatique sur la signification du mot « juif » dans une vie laïque.

Prix Renaudot des lycéens 2021. Il a figuré dans le dernier carré de la sélection Goncourt. Mais Camille Laurens, juré Goncourt, a consacré à ce roman une chronique assassine dans Le Monde et a favorisé l’entrée dans la sélection le roman « Des enfants de Cadillac » de son compagnon François Noudelmann, qui traitait du même sujet : la Shoah. Camille Laurens fut accusée de conflit d’intérêts et de vouloir discréditer le roman d’Anne Berest en écrivant notamment : « elle entre jusque dans la chambre à gaz avec ses gros sabots à semelles rouges ».

C’était le 6 janvier 2003. Dans la boîte aux lettres de ses parents, au milieu des traditionnelles cartes de vœux, se trouvait une carte postale étrange adressée à « M. Bouveris », avec L’Opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, les prénoms des grands-parents, de la tante et l’oncle de sa mère Lélia : “Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques”, morts à Auschwitz en 1942. La carte n’était pas signée, l’auteur avait voulu rester anonyme.

Vingt ans plus tard, en 2020, sa fille est traitée de juive par un écolier … Elle décide alors de savoir qui avait envoyé cette carte postale. Elle mène l’enquête, avec l’aide de sa mère Lélia Picabia, en explorant toutes les hypothèses qui s’ouvraient à elle. Lélia avait commencé à recoller les morceaux de ce passé barricadé dans le mutisme maternel, rassemblant et recoupant au cours de longues et minutieuses investigations les traces qui, dans leurs boîtes d’archive, attendaient de trouver leur place dans la mémoire des vivants.

En cherchant à découvrir la provenance de cette carte, Anne Berest reconstruit progressivement une histoire familiale passée sous silence, reconstituant d’une part l’histoire de ses aïeux, tout en s’interrogeant sur sa propre identité juive.

Avec l’aide d’un détective privé et d’un criminologue, Anne Berest part à la recherche de ses aïeux morts à Auschwitz en 1942, partis de Russie en 1919 et arrivés en 1929 à Paris via la Lettonie, puis la Palestine et enfin Paris, où ils seront bientôt fichés juifs étrangers.

Elle interroge les habitants du village où sa famille a été arrêtée. Elle remue ciel et terre, et elle y est arrivée.

Cette enquête l’a menée cent ans en arrière. Elle a retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre.

Puis vient l’horreur de la Shoah, de l’organisation nauséabonde de la déportation par la France aux retours surréalistes des camps, en passant inévitablement par l’horreur sur place…

Elle essaye de comprendre comment sa grand-mère Myriam fut la seule qui échappa à la déportation. Est-ce parce qu’elle a épousé Vicente, le fils de Francis Picabia et Gabrielle Buffet? Et éclaircir les mystères qui entouraient ses deux mariages.

Lélia Picabia fut conçue durant l’occupation par ses parents, opérateurs radios opérant pour un réseau de résistance … on devine son sort si ceux-ci avaient été capturés par l’occupant. Son père Vicente se suicida après la guerre. Myriam, sa mère, se remaria et, durant des décennies, garda le silence sur son enfance et son mariage.

Sa grand-mère, née à Moscou en 1919, grandit dans une fratrie de trois enfants (Myriam, Noémie et Jacques), fuit la Russie avec ses parents vers la Lettonie. Puis ils s’installent en Palestine, cultivent des oranges, et arrivent enfin en France. Ils apprennent rapidement le français, Myriam et sa sœur Noémie collectionnent à l’école les premiers prix, pendant que leur père innove, dépose des brevets et crée une société. Cette intégration exemplaire ne suffit pas pour obtenir leur naturalisation et quand la guerre éclate, la famille est contrainte de se réfugier dans l’Eure. Myriam se marie le 14 novembre 1941, devient ainsi française, et s’installe à Paris avec Vicente Picabia.

Le 13 juillet 1942, la gendarmerie se présente au refuge des Rabinovitch, interpelle les enfants Noémie et Jacques qui sont emprisonnés à Evreux, internés au camp de Pithiviers, déportés le 2 aout vers Auschwitz… Jacques est gazé, Noémie succombe du typhus.

Le 8 octobre, Ephraim et Emma, les parents sont à leur tour arrêtés, dirigés vers Drancy et achevés dès leur arrivée le 6 novembre à Auschwitz

Myriam, sans aucune nouvelle de ses parents, part en Provence, rejoint le réseau animé par le Capitaine Alexandre alias René Char qui plastique la maison de Jean Giono, retrouve Vicente incarcéré à Dijon, puis le couple remonte à Paris où il est recruté par les services britanniques.

A la libération, elle guette devant l’hôtel Lutetia le retour des déportés et prisonniers. En vain … Polyglotte elle s’engage comme traductrice dans l’armée pour oublier ce passé sinistre. Remariée Myriam Bouveris refait sa vie, tait sa judéité, élève ses enfants puis accueille ses petits-enfants l’été en Provence …

 

L’auteur :

Anne Berest, née le 15 septembre 1979 à Paris, est une romancière et scénariste française.

Elle est la fille de la linguiste Lélia Picabia et de Pierre Berest, ingénieur général des mines, diplômé de l’École Polytechnique et de l’École des Mines de Paris. Elle est l’arrière-petite-fille de Francis Picabia et de Gabrièle Buffet-Picabia.

Elle a deux sœurs dont l’écrivaine Claire Berest. Elles ont grandi en banlieue sud, dans une maison avec jardin. Pour les vacances, la famille campait à la diable dans le Luberon, dans un champ mis à disposition par René Char, compagnon de résistance côté maternel. Ou alors, la famille alternait avec la Bretagne ventée et frileuse, celle du Finistère-Nord paternel.

Après des classes préparatoires en Khâgne au lycée Fénelon, elle soutient un mémoire d’études théâtrales sous la direction de Georges Forestier, en dramaturgie baroque.

En 2001, elle crée au Théâtre du Rond-Point la revue théâtrale Les Carnets du Rond-Point dont elle assure la rédaction en chef pendant cinq ans.

En 2006, elle fonde Porte-plume, structure éditoriale spécialisée dans les livres de mémoire, et elle rédige des biographies.

En juin 2010, elle adapte pour Édouard Baer le roman Un pedigree de Patrick Modiano, qui est joué au théâtre de l’Atelier. D’abord pensé comme une lecture, le monologue devient un spectacle, il est repris en décembre 2016 au Théâtre Antoine. Le journal l’Express cite « Dans la mise en scène d’Anne Berest, Edouard Baer, ludion cher à nos cœurs, creuse son art jusqu’au noyau. Grave et pudique, élégant.»

La même année, elle publie au Seuil La Fille de son père, un premier roman « subtil et maitrisé » d’après Le Monde.

De janvier à avril 2011, elle écrit une chronique sur Paris dans Le Journal du dimanche.

En 2012, elle publie Les Patriarches, chez Grasset, un deuxième roman filial sur la fin des utopies. Le roman est finaliste la même année du Prix de Flore et finaliste du Prix Renaudot.

En 2014, le fils de Françoise Sagan, Denis Westhoff, lui commande l’écriture d’un livre sur sa mère pour les soixante ans de la parution de Bonjour tristesse. Ce sera Sagan 1954. Avec ce roman, elle conjugue ensuite ses deux casquettes, à savoir biographe et romancière, pour raconter l’histoire de la parution de Bonjour tristesse et l’électrochoc qui s’en est suivi.

La même année, elle participe à l’ouvrage collectif How to Be Parisian Wherever You Are classé dans les dix meilleures ventes du New York Times, un scrapbook qui analyse avec ironie la figure de la Parisienne (stéréotype).

Toujours en 2014, elle est coscénariste du téléfilm Que d’Amour de Valérie Donzelli diffusé sur Arte le 19 juin 2014, Télérama se dit « séduit par sa relecture moderne, libre et furieusement romantique d’un grand classique. »

En 2015, elle publie chez Grasset son quatrième roman Recherche femme parfaite, une comédie féministe, réflexion sur les injonctions à la perfection que subissent les femmes dans la société contemporaine.

La même année, elle participe à l’écriture de la série Paris, etc., une série télévisée française en douze épisodes de 30 minutes diffusée à partir du 27 novembre 2017 sur Canal+.

En 2016, elle commence pour la chaîne Arte, l’écriture de Mytho, une série en six épisodes de 45 minutes produite par Bruno Nahon. Elle écrit seule les six épisodes, qui seront réalisés par Fabrice Gobert, le réalisateur de la série Les Revenants.

En 2017, elle publie avec sa sœur, l’écrivaine Claire Berest, une biographie à quatre mains intitulée Gabriële, dont l’héroïne est Gabrièle Buffet-Picabia, la femme du peintre Francis Picabia, et compagne de l’artiste Marcel Duchamp, mais aussi son arrière-grand-mère.

Dans ce livre, les sœurs Berest réhabilitent le rôle intellectuel de Gabrièle Buffet-Picabia dans l’histoire de l’art, mettant en valeur son apport dans la pensée de l’abstraction en matière picturale. Le critique d’art Philippe Dagen leur consacre un article dans Le Monde.

Elle est membre du Collectif 50/50 qui a pour but de promouvoir l’égalité des femmes et des hommes et la diversité dans le cinéma et l’audiovisuel.

Anne Berest et Fabrice Gobert deviennent les deux co-créateurs de la série Mytho, seule série française en compétition internationale lors de la 10e édition du Festival Séries Mania 2019.

Elle interprète le rôle d’un médecin dans La guerre est déclarée de Valérie Donzelli et le rôle de la présentatrice du journal télévisée dans la série Les Sauvages de Sabri Louatah et Rebecca Zlotowski. Elle joue son propre rôle dans ADN de Maïwenn Le Besco.

En février 2020, elle écrit et met en scène La Visite pour l’actrice pour Lolita Chammah. Créée au théâtre de Châteauvallon, scène nationale Ollioule, elle est ensuite présentée au Théâtre du Rond-point dans la salle Roland Topor. La pièce raconte « l’histoire d’une jeune femme universitaire, spécialiste en sciences du cerveau, qui a suivi son mari aux États-Unis, où il vient d’être nommé enseignant-chercheur dans une fac prestigieuse. Elle a profité de la naissance de leur premier enfant et de son congé maternité pour l’accompagner sur ce campus, loin de ses amis et de sa famille. Malgré son humour et sa force mentale, cette solitude lui pèse. »

En août 2021 est publié son roman La Carte postale. Il reçoit le Prix Renaudot des Lycéens 2021. Le roman est sélectionné pour le Prix Goncourt, début d’une polémique après une tribune de Camille Laurens.

Elle a pour compagnon le banquier d’affaires Grégoire Chertok.

Elle vit avec ses filles, nées de ses amours avec un dessinateur, puis avec un banquier à Paris sur la rive gauche dans un appartement parisien mais pas haussmannien, en location, rue de Rennes.

 

 

Publications

  • La Fille de son père, 2010, Prix des dunes
  • Les Patriarches, 2012
  • Sagan 1954, 2014
  • Audrey Diwan, Caroline de Maigret, Sophie Mas et Anne Berest, How to be parisian wherever you are : Love, Style, and bad habits, 2014
  • Recherche femme parfaite, 2015
  • Gabriële (avec Claire Berest), 2017
  • La Visite, suivi de Les Filles de nos filles, 2020
  • La Carte postale, 2021

Scénariste

  • Que d’Amour ! d’après Marivaux, téléfilm de Valérie Donzelli diffusé sur Arte en 2014 – co-scénariste.
  • Paris Etc., série de Zabou Breitman diffusé sur Canal + en 2017 – co-scénariste.
  • Mytho (série télévisée), série de Fabrice Gobert, créée par Anne Berest et Fabrice Gobert – scénariste.

Prix et distinctions

  • Finaliste Prix de Flore 2012 pour Les Patriarches
  • Finaliste Prix Renaudot 2012 pour Les Patriarches
  • Prix de la meilleure série de comédie en langue non anglaise au Festival international des médias de Banff en 2020.
  • Festival Séries Mania, 2019, Prix du Public pour Mytho (série télévisée) réalisé par Fabrice Gobert.
  • Prix de l’Héroïne Madame Figaro 2018 dans la catégorie Essai pour Gabriële co-écrit avec Claire Berest.
  • Prix Grands Destins du Parisien week-end 2018 pour Gabriële co-écrit avec Claire Berest.
  • Prix Renaudot des Lycéens 2021 pour La Carte postale
  • Sélection Prix Goncourt 2021 pour La Carte postale

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