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… vu par Arlette

Bello Antoine ♦ L’homme qui s’envola

Pendant quelques années, le lecteur est invité à partager le parcours idyllique de Walker, éminent chef d’entreprise qui a fondé une famille modèle en épousant la fille du patron ,une femme de caractère, intelligente, belle , aimante.

Walker, 43 ans, a tout pour être heureux. Après de brillantes études, il entame au Nouveau-Mexique une fulgurante carrière dans une société spécialisée dans le transport express du courrier de clients soucieux de réduire leur dépendance à l’égard de la poste américaine, notoirement peu fiable selon l’auteur. Sa situation s’améliore encore lorsque grâce à Cupidon, il épouse la belle et riche Sarah, la fille de son patron, lequel a le bon goût de mourir rapidement, laissant à Walker les coudées franches pour exprimer tout son talent expansionniste au sein de l’entreprise. Sarah, lui donne trois magnifiques enfants, Jess Andy et Joey. Il possède une belle maison, et a une vie sociale très riche.

Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes pour ce couple et leurs trois enfants. Ils sont intelligents, heureux et riches. Walker est en outre un patron humain et aimé, qui offre des lunes de miel à ses employés lorsqu’ils se marient, crée de généreuses fondations. En apparence, rien ne manque dans la recette du bonheur et pourtant Walker va remettre en cause cette harmonie apparente car il ne supporte plus sa vie dans laquelle il étouffe. Entre sa famille, son entreprise et les contraintes de toutes sortes, son temps lui échappe.

Une seule solution : la fuite. Walker va mettre en scène sa mort de façon à ne pas peiner inutilement les siens.

Malheureusement pour lui, Nick Shepherd, redoutable détective spécialisé dans les disparitions, est lancé aux trousses du fuyard par la compagnie d’assurances auprès de laquelle a été contracté un contrat homme-clé d’un montant de 30 millions de dollars. Il s’empare de son affaire et se forge la conviction que Walker est encore vivant. S’engage entre les deux hommes une fascinante course-poursuite sur le territoire des États-Unis. En jeu : la liberté, une certaine conception de l’honneur et l’amour de Sarah.

Pendant ce temps, Sarah, Wasp pur jus, femme d’affaires, épouse et mère modèles, prend sans difficulté les rênes de la boutique

La première partie du roman décrit le lent processus conduisant à l’enfermement du manager dans sa tour d’ivoire. À mesure que cet enfermement l’isole, son envie de fuir grandit. Grandit aussi son envie de démontrer qu’il n’est pas ce à quoi tout le monde le réduit. Walker voulait plus de temps pour lui sans avoir de compte à rendre. Il désirait un espace de liberté, une indépendance que sa vie actuelle ne pouvait plus lui offrir. Même s’il n’envisageait pas sérieusement de tout plaquer, y penser lui faisait du bien. C’était un dérivatif, un exutoire dans lequel il se réfugiait chaque fois qu’il sentait l’étau du quotidien se resserrer sur lui.

La première partie du roman décrit la réalité exclusivement vue par Walker. Une fois qu’il a quitté cette réalité, Antoine Bello donne la parole à son épouse Sarah, ses enfants ou son assistante Libby.

Dans la deuxième partie, construction, vocabulaire, style d’écriture, tout change. Le roman donne désormais alternativement la parole à Sarah et à Walker.

L’homme qui s’envola, publié en mai 2017, balayé par le grand souffle de l’aventure, est aussi un récit pénétrant sur la fragilité des réussites humaines, un roman profond et dense.

Les qualités premières de cet ouvrage se révèlent par une analyse très fouillée de chaque thème abordé : vie professionnelle qui vise l’excellence mais aussi vie de famille succombant à l’hyper-parentalité et, au-dessus plane l’ombre menaçante du burn out. Ce roman est surtout un traité sur la liberté individuelle, au cœur de la famille et de la société, sur ses limites aussi.

 

L’auteur :

Antoine Bello, né le 25 mars 1970 à Boston dans le Massachusetts, est un écrivain et entrepreneur français Né de parents français, il jouit de la double nationalité française et américaine et bénéficie ainsi d’un passeport américain. Son père est chef d’entreprise, sa mère professionnelle de bridge. Il est l’arrière-petit neveu de Marcel Aymé.

Il fait des études de commerce (diplômé d’HEC en 1991). Encore étudiant, il fonde la société Hors Ligne, plus tard rebaptisée Ubiqus, qui rédige des compte rendus écrits pour les organisateurs de réunions. Pendant 15 ans, il se consacre au développement d’Ubiqus qui est aujourd’hui un groupe de 500 salariés, présent en France, en Belgique, en Angleterre, aux États-Unis et au Canada.

Lecteur infatigable, Antoine écrit aussi depuis toujours : romans, nouvelles, poésie, théâtre…

En 1993, la nouvelle « Manikin 100 » remporte le Prix du Jeune Écrivain. Avec quatre autres textes, elle est publiée en 1996 aux Éditions Gallimard dans un recueil intitulé « Les Funambules », récompensé par le Prix de la Vocation Bleustein-Blanchet.

Deux ans plus tard, il signe Éloge de la pièce manquante, un roman policier abstrait qui se déroule dans le monde fictif du puzzle de vitesse. Le livre remporte un beau succès critique et public et sera traduit dans huit langues.

Après une parenthèse de presque dix ans, Antoine signe une trilogie qui est actuellement son œuvre la plus connue, Les falsificateurs paru en 2007, Les éclaireurs, paru en 2009 et les producteurs, paru en 2015 qui racontent l’ascension d’un jeune Islandais au sein d’une organisation secrète internationale, le CFR, qui falsifie la réalité et réécrit l’histoire.

Cette trilogie a pris une signification nouvelle avec le débat récent sur les fake news.

Bello écrit notamment dans Les Producteurs : « Les théories du complot fleurissaient dans les forums, recueillant un succès inversement proportionnel à leur plausibilité. Des sites en recensaient des pages entières, parmi lesquelles le visiteur pouvait choisir celles qui confortaient ses préjugés ethniques, politiques ou religieux : le FBI avait orchestré les attaques du 11 Septembre, un petit nombre de patrons présidait aux destinées du monde, le gouvernement américain avait favorisé la propagation du sida au sein de la communauté noire, etc. Ces sornettes ne dataient pas d’hier mais Internet avait à la fois accéléré leur propagation et assis leur légitimité. Le concept de vérité n’avait jamais semblé si relatif. La Toile fournissait des arguments aux champions de toutes les causes, aux sionistes comme à ceux qui cherchaient des raisons de casser du Juif, aux tenants de l’évolution comme à ceux du créationnisme. Tout était vrai et donc rien n’était vrai ; tout était faux et donc rien n’était faux. »

En 2010, Antoine renoue avec le genre policier dans Enquête sur la disparition d’Emilie Brunet, un hommage à Agatha Christie et à Edgar Poe.

Il enchaîne avec Mateo (2013), l’histoire d’un jeune footballeur prodigieusement doué qui refuse les propositions des plus grands clubs pour jouer dans le championnat universitaire et remporter le titre que son père était sur le point de gagner avant sa mort.

Il a décrit les travers de la société américaine dans plusieurs de ses romans récents : un capitalisme moderne sans limites à travers l’exemple d’un marché méconnu : le négoce de polices d’assurance-vie dans Roman américain (2014), l’angélisme des dirigeants de start-ups dans Ada (2016) et les entraves à l’épanouissement individuel dans L’homme qui s’envola (2017). La falsification, le journalisme, la disparition ou le langage comptent parmi ses autres thèmes de prédilection.

Il est traduit dans une quinzaine de langues.

En 2012, il publie plusieurs nouvelles inédites en format ebook, dont deux, L’Actualité et Légendes, devaient initialement figurer dans Les Falsificateurs. Également en format numérique, il publie Amérique, un roman écrit à vingt ans qui n’avait jamais été édité.

Bello a cédé tous ses revenus issus des droits d’auteur des années 2014, 2015 et 2016 à la Wikimedia Foundation. Il a qualifié dans ses interviews Wikipedia de « service public » et de « plus beau projet porté par l’humanité depuis l’invention de l’écriture ».

Il a été très influencé par le roman La Grève, d’Ayn Rand. Il est remercié dans la traduction française de Atlas Shrugged.

C’est un chef d’entreprise comblé. Sa florissante société, Ubiqus (du nom de celle qu’il avait imaginée dans son premier roman, en 1998, Eloge de la pièce manquante, formidable polar métaphysique sur le puzzle de vitesse), dénommée « Hors Ligne » jusqu’en 2000, affichait en 2007 un chiffre d’affaires de 44 millions d’euros. Répartie entre la France, l’Angleterre et les Etats-Unis, elle « propose aux organisateurs de rencontres professionnelles des services variés qui facilitent les échanges et l’organisation ». Sa particularité la plus sympathique se niche dans le pre­mier commandement de sa charte, rédigée par Antoine Bello quand le nombre de ses salariés est passé de deux à quatre cents : « We want to have fun » (traduction approximative : « On est là pour s’amuser »).

Il est également le créateur de site internet de classements Rankopedia, aujourd’hui disparu.

Ses livres puisent toutes leurs sources sur ce site Internet, jusqu’aux noms des personnages. Toutes leurs sources… ou presque. Le cinéma reste une zone d’influence dans laquelle il aime se laisser happer.

Depuis 2002, Antoine Bello vit à New York avec sa femme et ses quatre enfants.

 

Œuvre :

Romans

  • Amérique, 1990 – Format électronique uniquement
  • Éloge de la pièce manquante, Gallimard, 1998
  • Les Falsificateurs, Gallimard, 2007
  • Les Éclaireurs, Gallimard, 2009
  • Enquête sur la disparition d’Émilie Brunet, 2010
  • Mateo, Gallimard, 2013
  • Roman américain, Gallimard, 2014
  • Les Producteurs, Gallimard, 2015
  • Ada, Gallimard, 2016
  • L’homme qui s’envola, 2017

Recueil de nouvelles

  • Les Funambules, Gallimard, 1996 – Contient Manikin 100, Soltino, Go Ganymède !, Le dossier Krybolski et L’année Zu

Nouvelles – Nouvelles inédites, 1995-2015 (format électronique).

  – L’Actualité

  – Légendes

            – Les Jumelles de M. Luigi

            – Reclus

            – En fuite

            – Les Porte-parole

Distinctions :

            – 1993 : Prix du jeune écrivain de langue française pour la nouvelle Manikin 100

            – 1996 : Prix littéraire de la Vocation Marcel Bleustein-Blanchet pour Les Funambules

            – 1999 : Finaliste du Prix Novembre pour Éloge de la pièce manquante face à Michel Houellebecq, qui l’emporte avec Les Particules élémentaires

            – 2009 : Prix France Culture-Télérama pour Les Éclaireurs

            – 2009 : Young Leader de la French-American Foundation

            – 2015 : Chevalier des Arts et des Lettres

            – 2018 : Vainqueur du prix Version Femina pour L’homme qui s’envola

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