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… vu par Arlette

Djavadi Négar ♦ Désorientale

Nous découvrons, à travers le destin de cette famille, l’histoire d’un pays l’Iran, de ses traditions, de ses mœurs et leur évolution.

L’histoire nous replonge dans la Perse luxuriante des harems peuplés de femmes volubiles et soumises à l’autorité de leur maître, mais aussi dans l’Iran des années 70 qui verra le déclin du Shah, la révolution de 1979 et l’avènement de Khomeiny.

Pendant qu’elle attend son tour dans la salle d’attente du service de PMA de l’hôpital Cochin, centre d’aide en vue d’une maternité assistée, la narratrice Kimiâ Sadr, iranienne de naissance, voit ressurgir des souvenirs de son passé familial et choisit de nous les livrer. Elle suit un protocole d’insémination artificielle pour avoir un enfant avec son amie, Anna.

Dans la salle d’attente, elle se remémore ses souvenirs, sa famille, ses parents, opposés aux différents régimes en place. Un récit qui évoque l’Iran des années 1970, la France d’aujourd’hui, l’exil, l’homosexualité, l’identité et la transmission. Dans Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie les cheveux sont importants pour les africaines : la narration se fait donc dans un salon de coiffure. Pour le peuple persan, c’est de faire des enfants qui est primordial. Donc la narratrice Kimiâ, lesbienne, est dans une salle d’attente d’un cabinet d’insémination artificielle où elle se remémore sa famille iranienne.

Dans un monologue joyeusement désordonné, Kimîa déroule toute l’histoire de la famille Sadr, une famille de bourgeois intellectuels persans, famille de nantis. Ses parents sont des intellectuels très libérés et aisés de Téhéran, présentant une admiration sans borne pour la France. On y croise trois générations d’ancêtres flamboyants : l’arrière-grand-père, le redoutable Montazemolmolk, régnant sur un harem de cinquante-deux épouses dans une province reculée de Perse et père de 28 enfants ; Nour, la fille préférée du Khan car elle possède les mêmes yeux bleus que lui ; Darius, Le Téméraire, Le Tumultueux, le père de Kimiâ, éternel opposant aux régimes en place – celui du Shah, puis de Khomeiny ; Sara, sa mère, d’origine arménienne, à la fois pasionaria et gardienne de la tradition ; et aussi des oncles numérotés de 1 à 6 dont le Numéro 2, dépositaire de la mémoire familiale… Kimiâ est la cadette d’une famille de trois filles. Son père a vécu et étudié en France avant de revenir se marier en Iran. Ils ont vécu sous le régime du shah reconnu pour son désir d’occidentalisation mais aussi pour un culte excessif du régime impérialiste, se faisant sacrer lui-même roi des rois et s’entourant d’un luxe indécent. Ils ont aussi vécu le début du régime de Khomeiny qui était loin de leur convenir car radicalement opposé à l’occident et à la liberté de la femme et du culte.

Nous découvrons, à travers le destin de cette famille, l’histoire d’un pays, de ses traditions, de ses mœurs et leur évolution. L’histoire nous replonge dans la Perse luxuriante des harems, peuplés de femmes volubiles et soumises à l’autorité de leur maître, mais aussi dans l’Iran des années 70 qui verra le déclin du Shah, la révolution de 1979 et l’avènement de Khomeiny.

Alors qu’elle est encore petite, Darius Sadr, son père entre en dissidence d’abord avec la monarchie iranienne, puis avec les ayatollahs de la révolution islamique. Il s’exile en France pour fuir le régime iranien. Et c’est à l’âge de onze ans que Kimiâ fuit l’Iran à travers les montagnes du Kurdistan avec sa mère Sara, et ses deux sœurs pour e rejoindre. «Sadr fut le premier intellectuel qui interpella directement le Shah. Dans la lettre ouverte qu’il lui adressa en 1976 et qui circula très vite parmi les étudiants dont beaucoup furent arrêtés pour l’avoir en leur possession, il dénonça ouvertement les incohérences du régime, la répression et l’absence de liberté d’expression, le fossé économique entre l’élite et le peuple tenu à l’écart des profits colossaux engendrés par l’argent du pétrole. Cette lettre peut être considérée comme la première pierre de la révolution iranienne de 1979. (Article du Monde, retrouvé par Kimiâ, daté du 2 février 1989)».

Kimia nous raconte l’exil, la quête d’identité, l’intégration, voire la destruction de sa personnalité iranienne pour la difficile construction d’une nouvelle personnalité adaptée au pays d’accueil… Elle tente de surmonter le déracinement et s’occidentalise à sa manière, avec humour, liberté et intelligence. Elle se sentira étrangère en France, sera en rupture avec sa famille et cherchera refuge auprès des laissés pour compte de la société. De Paris à Berlin en passant par Bruxelles, elle se noiera dans l’alcool et le rock’n’roll, deviendra ingénieur du son pour des groupes undergound et finira par tomber amoureuse…

Ce roman n’est pas autobiographique dans la mesure où il ne s’agit pas d’un témoignage.

 « Désorientale » c’est une galerie extraordinaire de portraits. Les grands-mères, la mère, les sœurs, le père, les oncles. « Désorientale » c’est une vision plus nette sur une partie de l’histoire du moyen orient, mais également celle de la France, tant nos histoires sont liées. « Désorientale » c’est également une parole posée sur l’exil. Ce qu’est l’exil. Ce qu’il peut être. Ce qu’il provoque.

« Désorientale » c’est également une parole de liberté. Liberté de penser, d’écrire, de parler, d’aimer, droit à la différence. Droit de vivre selon ses choix et non tenter de survivre misérablement sous leurs lois ; Opposition, révolte, indignation. Face à l’injustice des « castes », l’impérialisme de l’argent, la suprématie des dogmes et des clergés.

« Désorientale » c’est un regard tendre et sans concession sur notre société. « Désorientale » parle également de nos failles, de nos places dans nos familles, de ces places qui définissent déjà quelles seront nos places dans la société. « Désorientale » parle aussi de tous nos exils, de nos naissances, renaissances, de nos deuils, de nos défaites, de vos victoires aussi.

L’auteur :

Négar Djavadi, née en Iran en 1969 dans une famille d’intellectuels, opposants au régime du Shah puis de Khomeiny, est une scénariste, réalisatrice et écrivaine française. Elle vit et travaille à Paris.

Elle suit sa scolarité au lycée français de Téhéran, élevée dans le culte du pays de Voltaire, Hugo et Sartre.

Elle a grandi dans la terreur du service de renseignement du chah, la Savak, qui scrutait les faits et gestes de son père, célèbre intellectuel sur lequel pèse toujours une fatwa.

A l’âge de 11 ans, elle fuit l’Iran et la révolution islamique avec sa mère et sa sœur en traversant les montagnes du Kurdistan à cheval pour rejoindre la Turquie, puis la France où le père vit en exil, à Paris. Elles s’installent à Paris.

Négar Djavadi suit des études de cinéma à l’INSAS de Bruxelles dont elle est diplômée en 1994. Elle se consacre au cinéma, qu’elle enseigne de 1996 à 2000 à l’Université Paris 8. Elle est scénariste, monteuse et réalisatrice. En 2016, elle publie son premier roman.

Elle réalise quatre courts-métrages, sélectionnés dans de nombreux festivals.

En 2005, elle est lauréate du trophée du meilleur premier scénario pour Après la pluie, les amoureux.

Elle est co-scénariste avec Charlotte Paillieux de Tiger Lily, 4 femmes dans la vie, série télévisée distinguée au Festival de la fiction TV de La Rochelle 2012.

Désorientale est son premier roman. Il raconte la saga d’une famille iranienne sur trois générations avec l’exil et l’installation en France de cette famille. De nombreuses notes issues de Wikipédia servent de points de repères historiques au lecteur. Publié fin août 2016, Désorientale rencontre rapidement le succès. En effet, le roman a été vendu à 45 000 exemplaires en 2016. Le 10 octobre, il est couronné par l’Autre Prix, organisé par la librairie l’Autre Monde.

Le 22 novembre, Négar Djavadi reçoit pour ce roman Le Prix du Style, et le 16 juin 2017 celui d’Emmanuel Roblès.

Elle est maman de deux enfants de 5 et 10 ans.

Œuvre :

Cinéma

  • L’Espace désolé, court-métrage réalisé par Négar Djavadi, TS Productions, 1995, 16 min
  • Entre les vagues, court-métrage réalisé par Négar Djavadi, TS Productions, 1997, 23 min
  • Comédie classique, court-métrage réalisé par Négar Djavadi, Paraiso Production Diffusion, 2001, 20 min
  • Jeanne, à petits pas…, court-métrage réalisé par Négar Djavadi, Les Films de l’Espoir, 2005, 15 min
  • 13 m², long-métrage de Barthélémy Grossmann, scénario de Négar Djavadi, Nessva Films et Aldabra Films, 2007, 1 h 24 min

Littérature

  • Négar Djavadi, Désorientale, Paris, Liana Levi, 2016 – Prix du Style 2016, Prix Première 2017

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