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Halimi Gisèle ♦ Ne vous résignez jamais

ne vous résignez pasC’est le fil rouge d’une vie. Le refus radical de la résignation à un monde qu’elle n’aimait pas et les luttes que Gisèle Halimi a menées contre l’injustice et la discrimination.

Son féminisme d’abord et non le féminisme. Car si ses chemins l’ont menée à Simone de Beauvoir – dont elle trace un portrait inattendu et pour certains sans doute surprenant – c’est à l’inverse de celle-ci, par la souffrance et le rejet subi, qu’elle est devenue féministe. Et non par l’étude des mythes. ‘Puisque tu es une fille’, lui disait Fritna, sa mère. Elle construit alors sa réflexion toujours vers le même but : libérer les filles, les femmes, des carcans du passé, pour qu’elles deviennent des individus et des citoyennes à part entière. Ainsi, ce témoignage emblématique, où Gisèle Halimi aborde des aspects jamais évoqués auparavant, est aussi une façon, pour elle qui n’a eu que des fils, de léguer quelque chose à sa petite fille. De ce livre miroir, elle dit : ‘J’ ai tenté, à ce moment de ma vie, d’exprimer deux ou trois choses que je sais du féminisme, de sa revendication de dignité mais aussi de ses dérives. Et d’entrevoir l’avenir des femmes et des hommes dans un monde de plus en plus difficile à déchiffrer.

Dans cet essai de Gisèle Halimi sur son engagement féministe, le fil rouge traverse les pages autour de la question qui la taraude depuis l’enfance : « Comment être sujet quand on naît femme ? »  Gisèle Halimi interpelle sa place de fille dans sa famille tunisienne dans les années 30, refuse l’aliénation d’une grossesse non désirée, s’insurge contre la marchandisation du corps féminin à des fins sexuelles ou du désir d’enfant à tout prix.

Un moyen : Avocate au barreau de Tunis puis au barreau de Paris ! Un objectif : Changer les lois discriminatoires vis-à-vis des femmes! Un combat : Fonder le mouvement féministe Choisir avec, entre autres, Simone de Beauvoir qu’elle admire pour Le deuxième sexe, qu’elle critique pour son comportement au-dessus des émotions sauf dans la passion amoureuse. D’où lui vient cette détermination à se battre contre les préjugés de sexes et de classes ? Elle l’explique par un sentiment de révolte à l’état pur : « Une revendication née du désespoir de ma jeune vie. Plutôt disparaitre que d’accepter cette invisibilité ». Bravo Madame Halimi ! Grâce à son insoumission, la vie de millions de femmes a changé et elle a raison de rappeler à la fin de son livre que « le lien entre les libertés, pour que chaque femme accède à sa liberté, s’impose comme une évidence. Le corps- qui m’appartient- pour sortir du servage. L’indépendance économique pour choisir sa vie. La parité politique enfin pour agir en démocratie ».

Ne vous résignez jamais se boit comme un élixir vivifiant. En lisant cet essai qui n’est pas un témoignage mais une réflexion sur son engagement féministe, cela me rappelle ce que j’écrivais au tableau quand je m’insurgeais contre le pouvoir des religieuses sur des adolescentes en colère : « De l’audace, toujours de l’audace et encore de l’audace !(Danton) ». Gisèle Halimi en a à revendre et n’hésite pas à contrer la justice, le parlement français et européen pour faire avancer et mettre en avant les lois qui sont les plus avantageuses pour l’égalité entre les sexes. Elle a risqué sa réputation, sa vie quelquefois pour ses convictions et nous les fait partager avec bonheur et frayeur : Elle a osé, elle ! Son livre dérange parce qu’elle renvoie à nos lâchetés et à nos petits arrangements quotidiens. Il faut le lire sans modération quand le corps fatigue, quand la somnolence psychique envahit, quand la peur d’affronter les institutions pour la bonne cause empêche l’action. Sans donner de leçon aux plus jeunes, Gisèle Halimi invite à inventer de nouvelles stratégies féministes pour supprimer l’handicap toujours actuel de naître femme avec les pièges de la sujétion au nom de la nature.

L’auteur :

Gisèle HalimiGisèle Halimi (en arabe: جيزيل حليمي), née Zeiza Gisèle Élise Taïeb le 27 juillet 1927 de parents juifs,  à La Goulette(Tunisie), est une avocate, militante féministe et politique franco-tunisienne.

Elle entre au barreau de Tunis en 1949 et poursuit sa carrière d’avocate à Paris en 1956.

Son enfance dans une famille traditionaliste sera l’origine de son combat dans la lutte féministe.

En effet, dès son plus jeune âge, elle remet en cause ses obligations de fille au sein de sa famille. C’est pourquoi, à l’âge de 13 ans, elle entame une grève de la faim afin de ne plus avoir à faire le lit de son frère. Au bout de trois jours, ses parents cèdent et elle écrira dans son journal intime de l’époque : « aujourd’hui j’ai gagné mon premier petit bout de liberté ».

Mariée en secondes noces à Paul Halimi, administrateur civil au ministère de l’agriculture (français) dont elle porte toujours le nom sous lequel elle s’est fait connaître —, puis en troisièmes noces à Claude Faux, ancien secrétaire de Jean-Paul Sartre — dont elle a été l’amie et l’avocate, elle est la mère de Jean-Yves Halimi, avocat, Serge Halimi, directeur du Monde diplomatique, et d’Emmanuel Faux, journaliste à Europe 1.

Fortement engagée dans plusieurs causes, elle milite pour l’indépendance de son pays la Tunisie et aussi pour l’Algérie. Elle dénonce les tortures pratiquées par l’armée française et défend les militants du MNA (mouvement national algérien) poursuivis par la justice française. Elle cosigne avec Simone de Beauvoir Djamila Boupacha, livre dans lequel elle obtient de nombreux soutiens et la participation de grands noms comme Picasso dont le portrait de Djamila Boupacha figure sur la couverture.

Dans le même esprit, elle préside une commission d’enquête sur les crimes de guerre américains au Viêt Nam.

En 1965, Gisèle Halimi, en compagnie de Madeleine Guilbert, Marguerite Thibert, Évelyne Sullerot, Colette Audry, Andrée Michel, participèrent au Mouvement démocratique féminin, sorte d’union de la gauche avant la lettre qui soutint la candidature de François Mitterrand aux présidentielles de 1965 et veut unir socialisme et féminisme

Féministe, Halimi est signataire en 1971 du Manifeste des 343, parmi 343 femmes qui déclarent avoir avorté et réclament le libre accès aux moyens anticonceptionnels et l’avortement libre.

Aux côtés notamment de Simone de Beauvoir et de Jean Rostand, elle fonde en 1971 le mouvement féministe « Choisir la cause des femmes » et milite en faveur de la dépénalisation de l’avortement. Elle prendra la présidence de cette association à la mort de Simone de Beauvoir.

Au procès de Bobigny en 1972, qui eut un retentissement considérable, elle défend une mineure qui s’était fait avorter après un viol, en faisant une tribune contre la loi de 1920. Ce procès a contribué à l’évolution vers la loi Veil, votée en décembre 1974 et promulguée en janvier 1975, sur l’interruption volontaire de grossesse.

De même, sa stratégie de défense médiatisée de femmes victimes d’un viol collectif devant les Assises d’Aix-en-Provence en 1978 contribuera à l’adoption d’une nouvelle loi en 1980 définissant clairement le viol et l’attentat à la pudeur.

Gisèle Halimi est également une des fondatrices de l’association altermondialiste ATTAC en 1998. L’activiste palestinien Marouane Barghouti lui a demandé d’être l’un de ses avocats.

Elle est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont commencé le 4 mars 2009.

Le 23 février 2010 est adoptée par le Parlement français, en sa présence, une résolution européenne sur le principe de la « clause de l’Européenne la plus favorisée » visant l’harmonisation des législations européennes concernant les droits des femmessuivant l’idée qu’elle avait émise dès 1979 lors de la première élection du parlement européen au suffrage universel.

Élue à l’Assemblée nationale (députée la quatrième circonscription de l’Isère) de 1981 à 1984, elle siège comme apparentée au groupe socialiste. Elle constate avec amertume que ses projets n’avancent pas autant qu’elle le souhaiterait et elle dénonce un bastion de la misogynie. Son amendement instaurant un quota pour les femmes aux élections a pourtant été voté à la « quasi-unanimité » par les députés, en 1982. La mise en échec de cet amendement revient au Conseil constitutionnel qui le considéra comme une entrave à la liberté du suffrage et à la libre expression de la souveraineté nationale.

Bien que nommée par lui ambassadrice de la France auprès de l’UNESCO, d’avril 1985 à septembre 1986, elle se déclare déçue devant un Mitterrand qu’elle juge machiavélique.

Elle rejoint Jean-Pierre Chevènement à l’occasion des élections européennes de 1994 (elle figure en seconde position sur la liste du MDC).

Pour la promotion de Pâques 2006, elle est promue au grade d’officier de la Légion d’honneur.

En novembre 2009, elle est promue commandeur de l’ordre national du Mérite, qu’elle reçoit le 13 avril 2010 des mains du professeur Axel Kahn.

Le 1er janvier 2013 elle est promue Commandeur de la Légion d’honneur.

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