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… vu par Arlette

Fottorino Eric ♦ Le dos crawlé

le dos crawlé Eté 1976, sur la côte atlantique, dans la région de Royan. Ça sent les beignets, les tartines beurrées saupoudrées de cacao Van Houten, les caramels Batna, les parties de Monopoly, la météo marine à la radio ou la rubrique Où sont nos navires dans le quotidien régional. Ça sent aussi le doux ennui parfois… C’est Marin, treize ans, qui raconte : son amitié amoureuse avec Lisa, dix ans ; son oncle Abel, brocanteur, chez qui il passe les vacances tandis que ses parents travaillent aux champs, en Corrèze ; Plouff le chien et Grizzly le chat ; les premières cigarettes, les premiers baisers ; madame Contini, la mère de Lisa, une drôle de bourgeoise aux mœurs très libres…

Pendant que ses parents s’activent sur leur moissonneuse-batteuse en Corrèze, le petit Marin passe les vacances chez son oncle Abel, brocanteur à Royan. Entre les heures joyeuses dans le jardin extraordinaire du tonton et les gourmandises des bords de plage, entre Plouff le chien et Grizzly le chat, le petit bonhomme va vivre un de ces étés qui bouleversent votre jeunesse.

Chez l’oncle Abel, il n’a d’yeux que pour la blondinette Lisa. Lisa, petite fille caractérielle, échoue ici chaque jour pendant que le mariage de ses parents, les Contini, va à vau-l’eau. Monsieur est un banquier trop occupé et souffre des errements de son couple. Madame, ancienne Miss Pontaillac, est une croqueuse d’hommes, limite bipolaire, qui n’emmène son aînée dans sa Mini que pour la jeter chez le brocanteur. Tout à la fois absente et omniprésente, la toute petite, quatre ans, trisomique, est placée dans un centre spécialisé et l’on comprend que c’est autour d’elle que se noue le drame familial.

La blondinette Lisa qui tousse à force de tirer sur les cigarettes que lui demande d’allumer sa mère, se réfugie dans ses lectures de Fantômette. Dans ses longs silences, elle rêve du regard triste de Nadia Comaneci. Marin, lui, est transporté par Johnny Weissmuller. D’ailleurs, il s’est mis en tête d’apprendre à nager à Lisa qui a une trouille folle du dos crawlé.

Du phare de Cordouan aux langoustines de La Cotinière, l’océan brasse sa nostalgie. Il flotte aussi dans l’air de cet été décisif une tension dramatique que réussit parfois à dissiper la bande de personnages truculents dans le sillage de l’oncle Abel. Ce dernier a pourtant « le Groenland sur son visage » depuis qu’il a perdu Louise, son épouse, terrassée par une rupture d’anévrisme. Eux seuls savent le sortir de ses tristes souvenirs : le moustachu docteur Malik (qui vient de « l’Adjérie ») ; Monsieur Archibouleau, dit « Archi », le meilleur ami de l’oncle Abel, prof à la retraite qui, la nuit, crawle sur le dos pour voir la Grande Ourse et l’Étoile du Berger ; ou encore Gladys qui fait rajeunir l’oncle Abel. Lequel ne rechigne pas non plus à enchanter son neveu avec ses tordantes anagrammes comme le « chien » dans la « niche » ou la « prostituée » qui fait « pirouette ».

Fottorino raconte l’amitié de deux gosses que tout sépare. L’un grandit au sein d’une famille aimante, et même si parfois, « ils ne sont pas sur le même fuseau horaire », ses parents restent à l’écoute. L’autre par contre, est un fardeau : témoin de disputes récurrentes, « posée » chez Abel car trop dérangeante, Léa veut disparaître, « se perdre » quand vient le moment où sa mère doit venir la rechercher. Cette gamine solitaire et boudeuse subit en fait l’immaturité d’une mère qui refuse de vieillir et n’existe que  par le regard des hommes.

Léa voit en Marin la bouée de sauvetage qui l’empêche de couler. Grâce à lui, son enfance subsiste, elle ne grandit plus trop vite. Or, Marin, au contraire, sent que son enfance s’éloigne pour laisser place à des émotions nouvelles. D’ailleurs n’est-il pas « tout retourné » lorsqu’il croise la mère de Léa ? N’est-elle pas celle qui lui donne « les oreillons et la quique » ?

 

L’auteur :

Éric Fottorino est né le 26 août 1960 à Nice (Alpes-Maritimes). Il est le fils d’une infirmière, Monique Chabrerie, enceinte à 16 ans d’un juif marocain qui s’appelle Maurice maman, qui est étudiant en gynécologie qu’elle ne pourra pas épouser. La famille ultra-catholique de sa mère, Monique Charbrerie, s’oppose au mariage. Ce n’est que des années plus tard, qu’il parviendra à reprendre contact avec son père biologique.

 Elle épousera plus tard un kinésithérapeute, Michel Fottorino, qui donnera son nom au petit Eric Bruno, âgé de 9 ans.

 Il passe son enfance à Bordeaux et suit ses études à La Rochelle, d’abord au Lycée Fénelon puis à Faculté de Droit d’où il sort avec une Licence, envisageant un temps de s’engager dans une carrière d’avocat ou de magistrat.

 Après La Rochelle, Éric Fottorino intègre l’Institut d’Études Politiques (IEP) de Paris et s’intéresse dès lors au journalisme.

 En 1981, il envoie au journal Le Monde une tribune sur l’article 16 de la Constitution qui sera aussitôt publiée.

 En 1984, après des études à la faculté de droit de l’Université de La Rochelle puis à l’Institut d’études politiques de Paris,il commence à travailler comme journaliste pigiste pour Libération puis à La Tribune de l’Économie (1984-85). En 1986 il entre au Monde où il effectuera dès lors toute sa carrière.

 Au sein du quotidien du soir, Eric Fottorino est d’abord journaliste spécialisé sur les matières premières et le continent africain tout en étant parallèlement Chargé de conférences à l’IEP de Paris de 1992 à 1995. Il devient Grand reporter (1995-1997), Rédacteur en chef (1998-2003) puis Chroniqueur (2003-06). En 2005 il est chargé de préparer la nouvelle formule du quotidien puis est nommé Directeur de la rédaction en mars 2006, remplaçant à ce poste Edwy Plenel qui a démissionné du journal.

  En juin 2007, suite à l’éviction de Jean-Marie Colombani après un vote négatif de la Société des rédacteurs, Eric Fottorino est élu Directeur du Monde. En raison de désaccords d’ordre financier avec la Société des rédacteurs, il annonce le 19 décembre 2007 sa démission, en compagnie de Pierre Jeantet et Bruno Patino, mais revient finalement sur sa décision.

Il décide de se porter candidat au poste de président du directoire du groupe La Vie-Le Monde, occupé jusqu’alors par Pierre Jeantet, et est élu à l’unanimité le 25 janvier 2008 par les membres du Conseil de surveillance.

Éric Fottorino est aussi l’auteur d’une oeuvre de romancier commencée dès 1991 avec le très autobiographique Rochelle.

Outre quelques essais (Le Festin de la terre 1988, Prix du meilleur livre d’économie, La France en friches, 1989), il a publié une dizaine de romans. Citons notamment Coeur d’Afrique (1997, prix Amerigo Vespucci), Nordeste (1999), Un territoire fragile (2000, prix Europe 1 et prix des Bibliothécaires), Je pars demain (2001, prix Louis Nucera), Caresse de rouge (2004, prix François Mauriac de l’Académie française 2004), Korsakov (2004, Prix du roman de France Télévisions 2004, Prix des libraires et prix Nice Baie des anges 2005) et Baisers de cinéma (2007, prix Femina 2007).

Eric Fottorino est passionné de cyclisme depuis son adolescence. Il a pratiqué ce sport pendant toute son adolescence et l’abandonne à l’âge de dix-neuf ans, écoeuré par l’attitude de certains coureurs.

En 2001, il s’est engagé dans la course pour le Grand Prix du Midi libre, publiant chaque soir dans Le Monde un compte-rendu de l’étape du jour. Il relate cette expérience dans Je pars demain. Il a également publié un Petit éloge de la bicyclette (2007).

Artisan de la nouvelle formule du Monde fin 2005, il remplace Edwy Plenel à la tête de la rédaction en 2006 puis est promu directeur du quotidien après le départ de Jean-Marie Colombani en 2007. La même année, il publie un nouveau roman, ‘Baisers de cinéma’.

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