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… vu par Arlette

Harvey Samantha ♦ La mémoire égarée

la mémoire égaréeJake approche la soixantaine quand il apprend qu’il est atteint d’Alzheimer. Sa première absence, il parvient encore à en fixer le moment et à retrouver l’impression de néant absolu, avec cette unique pensée patinant dans sa tête : qu’est-ce que je suis censé faire maintenant ? Devant le médecin qui l’interroge, il se sent « désespérément peu fiable », s’applique à dessiner, à répéter les mots, à satisfaire les exigences scientifiques, mais tout s’envole, malgré ses efforts.

Quelque temps après l’annonce de cette terrible nouvelle, il survole une prison dont il a bâti les plans, et on comprend que son fils y est incarcéré. Très vite, l’existence de cet homme apparaît dans toutes ses zones d’ombre : son amour pour Helen, qu’il épousa, peut-être un peu rapidement, sa relation avec le personnage imposant de sa mère, Sara, qui a survécu à l’Holocauste. Les autres femmes de sa vie, son désir de paternité. Son rapport à la religion. 

Très vite, le lecteur s’interroge sur la confiance qu’il peut accorder au récit de Jake, remarquant certaines incohérences, certains mensonges. Mais aussi l’influence sur sa mémoire de tous les récits qui lui ont été livrés… L’ambition même de ce premier roman impressionne : explorer les méandres d’une mémoire qui se défait, des prémisses de la maladie au grand final. Tout en accomplissant cette prouesse, Samantha Harvey plonge le lecteur au coeur de la vie même, de ses intrigues et explore la manière dont la nature fragmentaire du souvenir affecte nos existences.

 

L’Anglaise Samantha Harvey (née en 1975) se faufile dans la mémoire chaotique de son personnage et réussit à donner à son écriture le rythme des trous noirs, des instants de lucidité et des égarements. La romancière est à la fois dans la tête de Jake et face à lui, le regardant plonger puis se reprendre. Le brillant architecte, l’amoureux des femmes, le père de famille est devenu un vieillard confus, qui cherche à recomposer les visages de sa mère et de ses épouses, incapable de retrouver la chronologie de son existence. Plus largement, Samantha Harvey explore la nature du souvenir et ses conséquences en chacun de nous. Les fragments évoqués par son personnage deviennent les nôtres, petits bouts de vie qui en nous demeurent et nous construisent. Le sujet de ce premier roman est risqué et le pathos, toujours au bord de la page, mais l’auteur évite les écueils du sentimentalisme en captant la peur grandissante et l’isolement d’un esprit sans archives. Alors, ce roman devient une œuvre vertigineuse, qui obsède longtemps.

 

L’auteur :

Née dans le Kent, en Angleterre, en 1975, Samantha Harvey a suivi des cours de troisième cycle en philosophie et en création littéraire. Grande voyageuse, elle a vécu au Japon, en Irlande et en Nouvelle-Zélande. En 2005, elle a cofondé un organisme de bienfaisance de l’environnement.
 Elle vit à Bath, en Angleterre.

 Son premier roman, The Wilderness, était en lice pour le Orange Prize for Fiction 2009, longlisted pour le Booker Prize Man 2009, finaliste pour le prix The Guardian First Book et a remporté le prix 2009 de littérature AMI et le Betty Trask Prize.

 Elle a récemment été nommée par le spectacle de la culture comme l’un des meilleurs romanciers britanniques de 12 nouvelles.

  Son nouveau roman, Tout est la chanson, est publié le 5 Janvier 2012 par Jonathan Cape.

 Très remarquée dès son premier roman, La mémoire égarée, dans lequel elle aborde un sujet rarement exploré dans le domaine de la fiction, Alzheimer, elle a été finaliste de nombreux grands prix littéraires britanniques.

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