Club lecture…

… vu par Arlette

Teulé Jean ♦ Gare à Lou!

Avec Gare à Lou ! Jean Teulé revient à la veine fantastique qui avait fait le succès du Magasin des suicides et laisse libre court à un imaginaire plus débridé que jamais.

Comme le disaient Mozart et Shakespeare :  » Il est très agréable de jouir d’un don exceptionnel, mais il ne faut pas oublier que c’est une source inépuisable d’embêtements. « 

À 12 ans, Lou partage absolument cette opinion. Au prétexte qu’elle est en mesure de faire tomber immédiatement les pires calamités sur la tête de tous ceux qui la contrarient, on l’enferme dans un endroit secret en compagnie de militaires haut gradés pour qu’elle devienne une arme absolue capable de mettre en échec les plans malveillants des ennemis du pays ou, pire, d’ourdir de méchantes et sournoises manœuvres afin de causer des torts effroyables à d’autres nations. De telles occupations n’offrent pas à une adolescente les satisfactions que la vie aurait pu lui promettre. D’autant que son super pouvoir, aussi extraordinaire soit-il, ne fonctionne pas toujours comme prévu.

Rien ne pouvait mieux inspirer Jean Teulé que d’imaginer les horreurs qu’un être humain bien disposé peut infliger à ses contemporains.

 

L’auteur :

Jean Teulé, né à Saint-Lô, dans la Manche, le 26 février 1953, est un romancier français, qui a également pratiqué la bande dessinée, le cinéma et la télévision.

Il est né en Bretagne, là où son père, charpentier communiste originaire d’Agen, a été envoyé par son entreprise après la Seconde Guerre mondiale pour participer à la reconstruction de la préfecture. Ce dernier rencontre celle qui va devenir sa femme, une Bretonne, serveuse dans le café qu’il fréquente chaque jour. Le couple vit deux ans dans une baraque puis, privé d’emploi en raison de leurs opinions politiques communistes, gagne Paris. La famille Teulé, avec Jean et sa sœur, s’installe à Arcueil. Son père devient menuisier et sa mère concierge à la mairie puis femme de ménage dans les écoles. En CM1, à l’école communale Jules-Ferry, il est le camarade de classe de Jean-Paul Gaultier, qui dessine déjà des costumes. Tous deux resteront en contact avec leur ancienne institutrice, qui a aussi enseigné la lecture à Bernard Fixot.

Loin d’être brillant à l’école, il est dirigé vers une spécialité de mécanique automobile à la fin de sa troisième. Se rendant compte de ses talents cachés, son professeur de dessin décide de lui donner des cours particuliers afin qu’il puisse suivre une voie plus artistique. Il suit des études à l’école de l’art de la rue Madame (aujourd’hui lycée Maximilien Vox) à Paris. André Barbe, auteur de bande dessinée alors en vogue à l’époque, remarque une de ses illustrations chez un libraire d’Arcueil et le fait entrer à L’Écho des savanes. Entré au numéro 44 de septembre 1978, Jean Teulé en devient immédiatement un pilier, y apparaissant sans discontinuer jusqu’au numéro 81, et figurant au sommaire du numéro 84, le dernier de la formule historique. Il s’inscrit dans la mouvance des auteurs qui travaillent à partir de photographies retravaillées, tels Jean-Claude Claeys ou les membres du Groupe Bazooka. Ses premiers récits sont publiés en collaboration avec Jean Rouzaud, puis il les réalise seul, faisant cependant figurer dans les crédits la coloriste Zazou. Fin 1981, le journal connaît cependant des difficultés financières croissantes et il disparaît en janvier 1982. Lorsqu’il est repris puis relancé par les éditions Albin Michel à la fin de la même année, Teulé ne travaille pas pour la nouvelle formule.

Jean Teulé avait alors débuté l’adaptation du roman de Jean Vautrin, Bloody Mary, dont les premières pages étaient parues dans le dernier numéro de l’Écho. Publié par Glénat en août 1983, l’album rencontre le succès critique et obtient lors du festival d’Angoulême 1984 un prix remis par la presse spécialisée, lequel prend le nom de Prix Bloody Mary. À la fin de l’année 1983, Teulé entre à Circus, l’un des mensuels de la maison d’édition, et en reste un collaborateur régulier jusqu’en 1986. De 1984 à 1986, il publie également trois nouveaux albums aux éditions Glénat. Arrivé très rapidement à maturité, Teulé sent poindre le risque du système, et décide de changer d’approche.

En janvier 1986, il publie dans Zéro le premier de ses reportages en bande dessinée où il présente des personnages loufoques, des originaux, à la manière de l’émission Strip-Tease, apparue l’année précédente sur la chaîne de télévision belge RTBF1. Quelques mois plus tard, ces histoires sont publiées dans (A SUIVRE), le mensuel de bande dessinée des éditions Casterman. Cette collaboration cesse en 1989 et débouche sur deux albums, Gens de France en 1988 et Gens d’ailleurs en 1990. Le premier obtient l’Alph-Art du meilleur album français. En 2005, les éditions Ego comme x publient une intégrale augmentée de ces récits.

Jean Teulé reçoit en 1990 au festival d’Angoulême un prix spécial du jury pour « contribution exceptionnelle au renouvellement du genre de la bande dessinée ». Le prenant pour un prix posthume, il abandonne sur le coup la carrière de dessinateur, se lance dans la télévision dans L’Assiette anglaise de Bernard Rapp qui l’a remarqué dans (A SUIVRE) puis Nulle part ailleurs sur Canal+.

Grâce à cette exposition médiatique, une éditrice le repère. Elle sera l’instigatrice de son nouveau changement de carrière en lui révélant qu’il est en fait un écrivain qui s’ignore. Il devient ainsi un homme de lettres et déclarera d’ailleurs que sa carrière aura été jalonnée par des rencontres décisives. « J’ai fait de la BD sans le vouloir, de la télé sans le désirer, et je suis écrivain sans l’avoir choisi non plus […] Je me dis que j’ai eu beaucoup de chance de rencontrer des gens qui ont su m’aider ainsi. »

Après ses expériences télévisuelles et ayant abandonné toute autre activité, il se consacre désormais à l’écriture. Élisabeth Gille lui propose son premier contrat pour la maison Julliard, où il publie Rainbow pour Rimbaud (1991) qu’il adapte au cinéma cinq ans plus tard, L’Œil de Pâques (1992), Balade pour un père oublié (1995).

Mais c’est « Darling », biographie touchante et délicate d’une naufragée de la société, publiée en 1998, qui aura le plus de succès. « Darling » sera également adapté au cinéma par Christine Carrière, en 2007, avec Marina Foïs et Guillaume Canet dans les rôles principaux.

Suit Bord cadre (1999), et toujours fidèle au même éditeur, Julliard, il publie Longues Peines sur une idée de Jean-Marie Gourio, un roman qui nous précipite dans les abîmes de l’univers carcéra.

Puis suivront Les Lois de la gravité, Ô Verlaine ! (2004) dans lequel il nous plonge dans le Paris des années 1890 en réinventant les derniers mois du poète génie, Je, François Villon (2006).

En 2007, il sort Le Magasin des suicides, titre choquant pour un roman drôle, écrit en l’espace de quatre mois et qui a joui d’un très bon accueil de la part des lecteurs. En 2012, l’histoire sera adaptée au cinéma par Patrice Lecomte.

En 2008, il s’essaie à un nouveau registre en se penchant sur l’histoire de France à l’époque du Roi Soleil. « Le Montespan » est ainsi un roman dans lequel il rend hommage à l’un des oubliés de l’histoire, Le Marquis de Montespan, ayant refusé d’être fait cocu à cause du Roi Louis XIV. « Le Montespan » est encore une fois bien accueilli par les critiques, grâce à son écriture à la fois drôle et sérieuse. Il a d’ailleurs reçu le Grand prix Palatine du Roman Historique et le Prix Maison de la Presse en 2008. Deux ans plus tard, il adapte ce succès à la BD.

Ses parutions suivantes Mangez-le si vous voulez (2009), Charly 9 (2011) et Fleur de tonnerre (2013), Héloïse ouille ! (2015 – Prix Trop Virilo 2015), Comme une respiration… (2016) sont autant de romans gagnant à chaque fois la faveur des critiques et des lecteurs. Tous ses livres sont publiés en édition de poche aux éditions Pocket.

En 2018, paraît « Entrez dans la danse ».

En mars 2019, avec la parution, toujours chez Julliard, de « Gare à Lou ! », il revient au style roman d’anticipation.

Il a également publié plusieurs bandes dessinées, fondées essentiellement sur des photos retouchées.

Pour Dominique Warfa, Teulé défend un « art de la distance », une bande dessinée difficile, au graphisme travaillé sans être esthétisant et au propos complexe. En effet, Jean Teulé construit ses bandes dessinées à partir de photographies retravaillées par divers moyens (hachures, lavage, gommage, tramage, froissage, etc.) sur lesquelles il dessine et peint. Chez lui, la photographie ne sert donc pas à assurer un plus grand réalisme au dessin, comme chez de nombreux auteurs réalistes classiques ; elle est à la base de sa pratique artistique. Cette pratique, commune à la fin des années 1970, peut conduire à des œuvres rigides, figées, comme chez Jean-Claude Claeys. Chez Teulé, l’image est en permanence mise en mouvement, dynamisée par les multiples altérations et modifications que son auteur lui fait subir.

Alors que les limites techniques de L’Écho des savanes l’avaient conduit à ne travailler initialement qu’en noir et blanc, Teulé a ensuite pu commencer à intégrer progressivement la couleur dans son œuvre. Avec Bloody Mary, il peut l’utiliser sur un album entier. Là encore, la couleur ne sert pas à améliorer la lisibilité, à accroître l’effet de réel, mais sert le propos en augmentant la distance, le malaise.

Au réalisme tourmenté des images répond une interrogation du réel permanente et tourmentée. Celle-ci est d’abord interrogation sur la représentation-même, sur la fiction et l’image. L’œuvre de Teulé ne se limite pour autant pas à l’interrogation méta-textuelle : il se fait le portraitiste amer de la banlieue oppressante des années 1980. Il n’hésite pas à se renouveler, adaptant Jean Vautrin pour sa première œuvre ambitieuse, ou tirant vers l’onirisme avec Filles de nuit.

Cette œuvre exigeante, au-delà des adhésions, génère aussi des incompréhensions. Ainsi, Wolinski, rédacteur en chef de Charlie Mensuel juge les bandes dessinées de Teulé « trop compliquées».

Avec Fleur de Tonnerre et auparavant Mangez-le si vous voulez, Teulé s’inscrit dans l’école française du True crime, un genre littéraire essentiellement anglo-saxon.

À la ville, Jean Teulé est le compagnon de l’actrice de cinéma Miou-Miou.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *