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… vu par Arlette

De Vigan Delphine ♦ Les gratitudes

Ce roman explore les gratitudes, cette forme de reconnaissance ou de dette qui nous lie les uns aux autres et transcende nos vies, les relations intimes entre les êtres humains.

Les Gratitudes sera le deuxième volet d’un triptyque entamé avec Les Loyautés, qui explore les lois souterraines de notre rapport intime au monde, l’exploration des sentiments intimes. « Les Gratitudes » c’est aussi et surtout un livre sur la vieillesse, ce qu’on appelle parfois la fin de vie.

Michka, autrefois photographe de presse, puis correctrice dans un journal, sauvée de la déportation par Nicole et Henri qui l’ont accueillie et cachée pendant la guerre et qu’elle n’a jamais pu remercier, ne peut plus rester seule. A 80 ans, elle souffre d’aphasie. Elle est en train de perdre peu à peu l’usage de la parole. Elle doit quitter sa vie et s’installer là où on va vivre lorsque la vieillesse frappe trop fort à la porte et entre dans nos vies par effraction.

Michka essaie de se faire à cette vie en maison de retraite, qu’on appelle aujourd’hui des Ephad (établissements d’hébergement pour personnes âgées et dépendantes), où les résidents sont parfois traités sans ménagement.

Elle a heureusement Marie, la petite voisine devenue femme, toujours présente, tellement précieuse qui l’aime, la regarde, l’écoute. Mais la jeune femme est impuissante face à cette femme cultivée, intelligente, réduite par un âge qu’elle peine à accepter. Et Jérôme, l’orthophoniste chargé de la suivre, qui va tenter de l’aider à retrouver ses mots qui peu à peu se font la malle.

Les uns et les autres, Michka, Marie, Jérôme, ont besoin d’exprimer leur gratitude : Michka à ses sauveurs, Marie à Michka, Michka à Jérôme, Jérôme à Michka. L’expression de la gratitude tisse des liens entre ces trois personnages.

C’est de cela, de ces « merci », de ces « gratitudes », que nous parle ce court et poignant roman de Delphine de Vigan, qui interroge sur les mots. Ceux qui se défilent, jouent des tours à l’arrivée du grand âge, au moment même où il devient si pressant d’en avoir le plein usage pour dire à ses proches et entendre d’eux l’essentiel.

On devrait pouvoir dire merci à tous ces gens qui ont compté, traversé notre route, ceux qui passent pour nous faire contourner le talus épineux et nous offrent des roses comme un bouquet de sourires. On n’a plus le temps pour les regrets, les rancœurs, les histoires qui finissent mal.

Chacun d’entre nous porte en lui cette fameuse gratitude. Chacun d’entre nous ne s’est pas senti à la hauteur de ce qui lui a été offert. Chacun d’entre nous est éternellement reconnaissant à quelqu’un ou quelque chose.

« La gratitude, selon sa définition étymologique, c’est rendre grâce. Pour moi il y a effectivement cette notion de dette, mais aussi cette notion de partage. »

Un concept parfois très éloigné de nos sociétés, alors que paradoxalement, « merci est un des mots qu’on emploie le plus souvent » dans une journée, pour tout et n’importe quoi. « D’une manière générale on a plus de mal à nommer les choses, on est dans une méfiance, une suspicion sur les sentiments qui nous habitent. Exprimer sa gratitude, c’est accepter l’idée qu’on a besoin de l’autre. Dans une société comme la nôtre, c’est compliqué de dire à l’autre ‘sans toi je ne serai rien’. »                                       Delphine de Vigan

 

L’auteur :

Delphine de Vigan est une romancière française née le 1er mars 1966 à Boulogne-Billancourt.

Jusqu’à l’âge de douze ans, Delphine de Vigan vit en banlieue parisienne. Elle n’a pas la télévision, dessine sur les murs, fait des farces au téléphone, des maisons en carton et des crocodiles en perles. Elle lit Lucky Luke, Gaston Lagaffe, a peur du chien jaune du voisin et part l’été dans une 403 peinte en vert pomme.

La vie se complique un peu, comme cela arrive souvent, et Delphine part avec sa sœur vivre à la campagne, change de décor, d’univers, d’éducation. Passée directement de Rantanplan à Madame Bovary, elle aime Maupassant, Dostoïevski, écrit des poèmes, des nouvelles, des lettres.

A dix-sept ans, Delphine de Vigan revient à Paris pour entrer en classe prépa, étant parallèlement démonstratrice en hypermarchés pour diverses marques de fromages et de steak haché, scripte dans des réunions de groupe, hôtesse d’accueil.

  Quelques mois plus tard, elle cesse de s’alimenter, peut-être pour ne plus grandir. Une fois sortie de l’hôpital, elle se dit qu’un jour elle écrira un livre, pour raconter ça, et peut-être d’autres choses, si elle parvient à oublier qu’elle a tant lu. Guérie, elle se rend compte que la vie n’est pas si compliquée. Elle reprend des études, trouve un travail, rencontre un Grand Amour, a deux enfants magnifiques et drôles.

Quand tout lui semble paisible et doux autour d’elle, elle écrit un manuscrit sous le pseudonyme de Lou Delvig qu’elle envoie par La Poste. Ce sera « Jours sans faim » (Grasset, 2001). Il s’agit d’un roman autobiographique sur le combat et la guérison d’une anorexique de 19 ans.

  Au-delà de ce livre, il y a l’envie d’écrire.

Après « Jours sans faim », elle écrit un recueil de nouvelles sur l’illusion amoureuse « Les Jolis Garçons », bref roman (150 pages) constitué par trois histoires d’amour d’une jeune femme, Emma (JC Lattès, 2005). Parfois, elle doute encore de sa légitimité à écrire, c’est quelque chose qui la hante, lui fait perdre du temps, mais cette nécessité l’habite. Elle se remet au travail.

  Puis, creusant le thème des difficultés amoureuses et de la mémoire, elle a publié en 2006 « Un soir de décembre », qui a obtenu le Prix littéraire Saint-Valentin 2006. Les jurés ont récompensé « l’impertinence du discours,  la pertinence du style et la modernité littéraire au service du genre  amoureux ».

  Explorant une thématique nouvelle, « No et moi » est paru en 2009 aux éditions Lattès. Ce « roman moral » à succès sur une adolescente surdouée qui vient en aide à une jeune SDF a été récompensé par le prix du Rotary International 2009 et par le Prix des libraires 2009. Il a été traduit en vingt langues et une adaptation au cinéma a été réalisée par Zabou Breitman, film sorti le 17 novembre 2010.

  En 2008, elle a participé à la publication de « Sous le manteau », un recueil de cartes postales érotiques des années folles.

En 2009, elle a été récompensée par le « prix du roman d’entreprise », décerné par deux cabinets de conseil (Place de la Médiation et Technologia) avec le soutien du ministre du travail de l’époque Xavier Darcos, pour ses « Heures souterraines » dans lequel elle dénonce le harcèlement moral dans le monde du travail (Jean-Claude Lattès). Elle n’a pas souhaité se rendre à la remise du prix.

  Figurant sur la liste des œuvres sélectionnées par l’Académie Goncourt en 2009, elle est lauréate de la 12e édition du prix décerné en Pologne « Liste Goncourt : le choix polonais » à l’initiative de l’Institut français de Cracovie.

  Le 16 juin 2010, Delphine de Vigan a obtenu le prix des lecteurs de Corse, pour ses « Heures souterraines ».

Mêlant avec justesse les dimensions sociale et intime, l’écrivain poursuit dans ce registre avec le roman « Les Heures souterraines », paru en 2009. Si ses romans traitent souvent du désenchantement, Delphine de Vigan incarne le succès d’une littérature modeste et sans esbroufe et la possibilité de réussir à force de talent et de persévérance.

En 2011, paraît « Rien ne s’oppose à la nuit, » lui aussi en lice pour le Goncourt et qui raconte les souffrances de sa mère atteinte de trouble bipolaire. Elle obtient le prix du roman Fnac, le grand prix des lectrices de Elle, le prix Roman France Télévisions et le prix Renaudot des lycéens.

Cette même année, elle signe avec Gilles Legrand le scénario du film Tu seras mon fils avec Niels Arestrup et Lorant Deutsch.

En 2012, elle signe la préface de la BD de sa sœur Margot « Frangines, et c’est comme ça ».

En 2013, elle réalise son premier film, « À coup sûr », sorti en janvier 2014, dont elle signe, avec Chris Esquerre, le scénario. En 2015, elle obtient le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens avec son roman D’après une histoire vraie.

En 2015, elle a publié un nouveau roman « D’après une histoire vraie » couronné par le Prix Renaudot et le Prix Goncourt des Lycéens. Le roman est adapté pour le cinéma par Roman Polanski avec Éva Green et Emmanuelle Seigner.

Après son roman « Les loyautés », paru en 2018, elle continue à explorer les grandes valeurs humaines avec « Les gratitudes », paru en mars 2019.

Mère de deux enfants, elle vit avec le critique littéraire, reporter et animateur d’émissions culturelles de radio et de télévision, François Busnel.

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