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… vu par Arlette

Lançon Philippe ♦ Le lambeau

Le chroniqueur Philippe Lançon, grièvement blessé au visage lors de l’attaque de l’hebdomadaire satirique « Charlie Hebdo » le 7 janvier 2015, raconte l’indicible violence de l’attentat, sa peur et la mort de ses camarades devenue obsession.

« Le Lambeau » est le récit d’une reconstruction, dans lequel l’auteur rend un hommage bouleversant à l’univers de l’hôpital, et plus largement à un monde dans lequel on ne tire pas sur les gens parce qu’ils ont fait des dessins, mais dans lequel au contraire on met tout en œuvre pour réparer les vivants, avec une place, toujours et quoi qu’il arrive, pour l’humour, pour les blagues, et pour la dérision.

Philippe Lançon raconte sa reconstruction longue et difficile, aidé de ceux qui l’ont soigné et soutenu sans faille. La façon dont il a vécu cette rupture entre le monde d’avant et celui d’après, sa volonté de se protéger du monde du dehors et de rester, sans télévision ni radio, confiné dans sa chambre-cocon de l’hôpital, avec une déesse veillant sur lui : sa chirurgienne Chloé, ses anges infirmières et ses gardes armés.

Serge, l’infirmier anesthésiste, capable de trouver la veine où piquer et l’infirmière surnommée « La Marquise des anges » assez douée pour refaire clandestinement le VAC (Vacuum Assisted Closure) prennent dans la vie de l’auteur les premières places. Le reste du monde est ailleurs, ce sont des étrangers. Il avait tissé son cocon de petit prince patient, suintant, nourri par sonde et vaseliné autour d’un frère, de parents, de quelques amis et des soignants. il ne voulait plus sortir du cocon, il s’en sentait incapable. La seule idée de quitter l’enceinte de l’hôpital l’effrayait. Ce n’était pas le lieu où il était tout-puissant ; c’était le lieu où son expérience était vivable.

« Ce livre « Le lambeau », couronné ce 5 novembre peu avant 13 heures, par le prix Femina, est un chef d’œuvre qui répond aussi à un événement unique et donc il est hors catégorie », a déclaré Chantal Thomas, la présidente du jury Femina. Surtout, ce roman s’est, paraît-il, imposé comme le lauréat dès les premières réunions même si « chaque livre a été discuté », ajoute la présidente du jury. David Diop, auteur de « Frère d’âme » a obtenu la seule voix contradictoire, alors que la presque unanimité du jury féminin a plébiscité « Le lambeau ». Pierre Guyotat, qui concourait pour « Idiotie », a reçu un prix spécial pour l’ensemble de son œuvre.

Un chef d’œuvre sans doute, mais qui n’a pas obtenu les grâces de l’académie Goncourt. Les membres du jury ont retiré « Le lambeau » de leur dernière sélection, considérant qu’il ne constituait pas une « œuvre d’imagination ». Pour le jury Femina, écarter « Le lambeau » n’était pas imaginable. « La distinction récit-roman se pose chaque année et doit être décidée au cas par cas », explique Chantal Thomas. « Certains récits se donnent comme des récits objectifs, quasi journalistiques. D’autres supposent une écriture, une intériorisation et une mise en forme romanesque sans laquelle le récit ne serait pas possible. Le livre de Philippe Lançon est l’exemple même de cela. »

Le 7 novembre, il se voit décerné le prix spécial du jury Renaudot après s’être vu décerné le Femina.

 

L’auteur :

Philippe Lançon est un journaliste et romancier français né en 1963 à Vanves.

Philippe Lançon, titulaire d’une maîtrise en droit européen et diplômé du CFJ (promotion 1986), est journaliste au quotidien Libération, chroniqueur et critique littéraire, avec une passion particulière pour la littérature latino-américaine. Il a longtemps tenu la chronique Après coup consacrée à la télévision, et a participé au lancement des pages Portrait.

Il est également chroniqueur pour l’hebdomadaire Charlie Hebdo et à partir de fin 2014 devient un membre de la tribune « théâtre » du Masque et la Plume sur France Inter.

Le 7 janvier 2015, il est gravement blessé au cours d’un attentat contre Charlie Hebdo, ce qui l’amène à subir une intervention chirurgicale lourde de quatre heures au niveau du visage. Il subira jusqu’à 22 passages au bloc, dont 13 opérations pour sa mâchoire. En 2018, il raconte ces événements dans un livre intitulé Le Lambeau.

Le 5 novembre, il reçoit pour ce livre le Prix Femina 2018.

Œuvre :

            Romans et récit

            – Les Îles, Paris, 2011

            – L’Élan, Paris, 2013

            – Le Lambeau, Paris, 2018

            Roman signé du pseudonyme de Gabriel Lindero

            – Je ne sais pas écrire et je suis un innocent, Paris, 2004

 

            Autres publications

  • Monographie sur l’artiste Jean Daviot, 1998

              – Préface de La Légèreté, avril 2016

 

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