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… vu par Arlette

Hegland jean ♦ Dans la forêt

Dans la forêt raconte l’isolement et la survie d’une famille américaine, dans un pays dévasté par une catastrophe politique non identifiée, sans électricité ni essence, sans âme qui vive ni ravitaillement possible.

Nell, la narratrice, rapporte jour après jour, son quotidien qu’elle note dans le cahier offert par sa sœur pour le Noël juste avant que le monde ne s’écroule.

Rien n’est plus comme avant : le monde tel qu’on le connaît semble avoir vacillé, plus d’électricité ni d’essence, les trains et les avions ne circulent plus. Toute activité commerciale et économique est réduite presque à néant. Aucun avion dans le ciel. Les écoles, les bibliothèques et les banques sont fermées… Des rumeurs courent, les gens fuient un ailleurs, tentent de comprendre ce qui s’est passé. Épidémie ? Guerre? Attaque chimique ? Personne ne le sait.

Quand la civilisation s’effondre et que leurs parents disparaissent, Nell et Eva, dix-sept et dix-huit ans, qui vivent depuis toujours dans la maison familiale qu’avait achetée leur père près de Redwood, entourée de 32 hectares de forêt secondaire, à l’isolement garanti au nord de l’Etat de Californie, demeurent seules, bien décidées à survivre.

Personne ne s’est vraiment rendu compte tout de suite de l’étendue de la catastrophe : il faut dire qu’ils n’ont pas de voisins à moins de six kilomètres et la première ville se trouve à 50 kilomètres.

Un choix de vie, celui du père, préférant garder ses gamines à la maison plutôt que de les envoyer à l’école, les laissant découvrir par elles-mêmes les choses de la vie dans l’immense forêt qui s’ouvre au pas de leur porte. Les filles (et la mère peut-être) auraient préféré vivre en ville, attirées par les cafés, les cinémas, les boites de nuit, les magasins, tout ce qui brille et qui attire. Eva veut être danseuse et Nell s’apprête à passer des tests pour entrer dans la fameuse université de Harvard.

Le livre s’ouvre sur une fête de Noël qui réunit les deux sœurs. Pas de dinde à déguster, pas même la certitude qu’on soit le 25 décembre et, surtout, pas de parents à embrasser. Mère s’est éteinte la première, après avoir acheté les derniers bulbes de tulipes rouges disponibles dans le pays. Père n’a pas tardé à suivre, la cuisse pulvérisée par sa tronçonneuse, au cours d’une imprudente sortie en forêt.

Il leur reste toujours vivantes, leurs passions de la danse et de la lecture. Mais face à l’inconnu, il va falloir apprendre à grandir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt qui les entoure, emplie d’inépuisables richesses. La société qu’elles ont connue se désagrège à vue d’œil, l’homme devient égocentrique, cherchant à survivre au détriment des autres, et ce par le vol, le viol… On voit au fil des pages les espérances futiles de Nell et Eva disparaître petit à petit (entrée à Harvard pour l’une, devenir danseuse pour l’autre), au profit d’une prise de conscience de la réalité et de problèmes essentiels (faim, soin, danger) et on les voit réagir en faisant appel à leur instinct primal (inné) et non à leurs acquis scolaires.

Les sœurs organisent lentement et avec d’innombrables difficultés leur survie, passent au crible chaque objet de la maison dont elles pourraient tirer un quelconque profit, remerciant au passage leur père qui « ne jetait jamais rien ». Elles développent une imagination jusque-là insoupçonnée pour prolonger les maigres stocks de nourriture ou des produits indispensables à l’hygiène, faire pousser quelques graines, se chauffer, se soigner, se défendre contre les animaux sauvages ou les prédateurs humains, et s’aimer au-delà de leurs différences et dissensions. Peu à peu et au gré de leurs expériences douloureuses, la forêt initialement hostile devient leur seule espérance, leur garde-manger et leur pharmacie. Avec comme unique support l’Encyclopédie qu’elle apprend par cœur et les livres de ses parents, Nell arrache un à un leurs secrets, ceux que connaissaient les indiens, aux plantes, fruits, arbres, animaux, qu’elle identifie pour explorer puis exploiter leurs bienfaits ou toxicité.

Un roman écrit il y a plus de vingt ans et qui pourtant reste d’actualité, abordant des problématiques réalistes comme la fin des énergies fossiles, une société basée et dépendante de l’électricité, des machines, des ordinateurs où l’homme n’a qu’une place de consommateur. La perte de cet acquis permet à l’homme de se retrouver avec lui-même, mais également de redécouvrir la nature qui l’entoure. Cela redonne sa véritable place à l’homme qui a tendance à se croire supérieur, invulnérable et autonome.

Considéré depuis sa sortie comme un véritable choc littéraire aux Etats-Unis, Dans la forêt, roman sensuel et puissant, met en scène deux jeunes femmes qui entraînent le lecteur vers une vie nouvelle.

 

L’auteur :

Jean Hegland, née en novembre 1956 à Pullman dans l’État de Washington, est une écrivaine américaine.

Elle grandit dans sa ville natale de Pullman, près de la frontière entre l’État de Washington et l’Idaho. Sa mère enseigne l’anglais aux niveaux secondaire et universitaire et est bibliothécaire à Pullman pendant de nombreuses années. Son père est professeur d’anglais à l’université d’État de Washington.

Elle commence ses études au Fairhaven College (en) de Bellingham dans l’État de Washington, puis obtient un BA en arts libéraux de l’université d’État de Washington en 1979.

Après avoir occupé divers petits boulots, dont des ménages dans une maison de retraite, elle décroche en 1984 une maîtrise en rhétorique et enseignement de la composition de l’université de Washington. Elle devient alors enseignante.

 À vingt-cinq ans, elle se plonge dans l’écriture, influencée par ses auteurs favoris, William Shakespeare, Alice Munro et Marilynne Robinson.

En 1991, alors qu’elle a donné naissance à son deuxième enfant, elle publie un premier ouvrage non fictionnel sur le thème de la grossesse, The Life Within: Celebration of a Pregnancy, dans lequel elle croise sa propre expérience, des données scientifiques et diverses recherches sur les croyances et coutumes de différentes cultures sur le sujet. Le livre, d’abord rejeté par une cinquantaine d’éditeurs, est finalement accepté par Humana Press.

En 1996, elle termine l’écriture de son premier roman, « Dans la forêt » (Into the Forest), qui raconte la relation entre deux soeurs qui doivent apprendre à survivre seules dans une forêt de séquoia près de Redwood City, dans le nord de la Californie, alors que la société technologiquement dépendante s’effondre. Elle essuie environ vingt-cinq refus d’éditeurs avant que son manuscrit ne soit accepté par Calyx, un petit éditeur féministe à but non lucratif basé à Corvallis, dans l’Oregon. En 1998, Calyx cède les droits de publication du roman à Bantam Books pour les États-Unis, conservant les droits pour les publications à l’étranger. Le roman obtient alors un succès national puis international. Il est ensuite adapté au cinéma par Patricia Rozema sous le titre Into the Forest, sorti en 2015. La traduction française, Dans la forêt, ne paraît qu’en 2017. Entre-temps, elle a publié deux autres romans restés inédits en français : Windfalls en 2004 et Still Time en 2015.

Elle vit aujourd’hui au cœur des forêts de Caroline du Nord et partage son temps entre l’apiculture et l’écriture.

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