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… vu par Arlette

Djavann Chahdortt ♦ Comment peut-on être français?

Le troisième roman de Chahdortt Djavann raconte les peines et les difficultés d’intégration d’une jeune femme iranienne dans la société française du XXIe siècle.

 Roxane Khân jeune iranienne, née en 1975, arrive à 23 ans à Paris pour fuir le régime de l’ayatollah Khomeini et de ses mollahs. Elle ne connait pas notre langue, ni notre pays. Comme bagage, elle n’a que son enthousiasme, sa naïveté, son désir et sa rage d’apprendre le français. Elle veut devenir française par la langue. Mais la langue française se révèle implacable, une compagne infidèle.

Elle s’installe dans une chambre de bonne, obtient un titre de séjour et trouve un petit boulot. Éblouie par cette liberté nouvelle, elle déambule toute la journée et achète finalement un vélo pour découvrir encore plus rapidement cette nouvelle vie, cette ville. Elle a laissé en Iran des dizaines de frères et sœurs, elle est bien incapable d’en dire le nombre, son père Pacha Khan avait tant de femmes qu’elle ne connait même pas sa mère ni toutes ses sœurs.

Quel bonheur pour elle d’abandonner son tchador noir, uniforme taillé par le gouvernement, de monter à vélo, de s’assoir à une terrasse de café et d’y commander un verre de vin…toutes chose interdites là-bas!

Les bribes d’une enfance iranienne troublent son monde parisien. Les souvenirs murmurent tout bas. Elle découvre très vite également, que, pour apprendre une langue, il faut la pratiquer mais sa solitude est un obstacle. Elle commence donc à se parler à elle-même, à se dédoubler puis elle décide parce qu’elle s’appelle Roxane, d’écrire de longues lettres à Montesquieu. En effet, elle a découvert « Les Lettres Persanes » et se demande comment un écrivain français du 18ème siècle, qui n’a jamais voyagé en Iran a pu se glisser dans la peau des Persanes enfermées dans un harem.

Dix-huit lettres, ayant chacune une adresse de rue différente, toutes des rues à la mémoire d’auteurs français. Dix-huit lettres dans lesquelles tour à tour elle comparera entre ses deux pays de cœur, l’Iran et la France, les conditions de vie, la condition des femmes, la littérature, évoquera pèle mêle l’arrivée des mollahs, la place des enfants dans le monde occidental, la liberté en Iran, la religion, le sport, la vie en France, la sécurité, la science, la solitude…Dix-huit lettres qui lui reviendront : « N’habite pas à l’adresse indiquée »

Dans une écriture où l’imaginaire se confond avec le réel, où la drôlerie et la fantaisie le disputent à la mélancolie et à l’amertume, la vie d’une jeune femme est mise en scène une femme qui connaît le prix à payer pour ne pas perdre pied face à la réalité. Ce roman, souvent proche du conte, impressionne par la légèreté, l’humour et la sobriété de ton. Un roman de formation. Une histoire à suivre.

Ce livre, qui vraisemblablement est en partie une autobiographie de l’auteur, est un petit bijou d’humour, de sensibilité et d’enthousiasme. Sourire, gravité, drame et grande tristesse alternent, pages après page.

L’auteur :

Chahdortt Djavann est née en 1967 en Iran et vit depuis 1993 à Paris où elle a étudié l’anthropologie. Elle est romancière et essayiste de langue française, et de nationalité française.

Elle grandit à Téhéran où elle vit avec sa mère et ses quatre frères et sœurs aînés. Son père, Pacha Khan, un grand seigneur d’Azerbaïdjan, est emprisonné par le shah, puis par les mollahs arrivés au pouvoir après la révolution de 1979 et tous ses biens furent confisqués. Il a élevé sa fille « dans l’amour des livres et la détestation des mollahs ».

Après la Révolution islamiste iranienne, elle est forcée d’arrêter de lire de grands auteurs français pour étudier le Coran et elle est voilée de force.

En juin 1980, alors qu’elle a 13 ans, elle est incarcérée trois semaines pour avoir manifesté contre le régime et s’être battue pour ne pas porter le voile. Elle est tabassée et a deux côtes cassées.

Elle arrive en France en 1993, après être passée par Istanbul en 1991, sans être francophone. Elle connait des conditions de vie difficile, enchaînant les jobs précaires, avant de rentrer à l’École des Hautes études en sciences sociales, où elle étudie l’anthropologie. Elle fait l’auto-apprentissage du français en étudiant les manuels de Lagarde et Michard, en lisant d’un bout à l’autre le Robert et les œuvres d’André Gide, de Maupassant, de Camus, de Gide, de Romain Gary. Le français est la septième langue qu’elle pratique.

Elle fait des petits boulots, une tentative de suicide, puis commence des études universitaires en psychologie et en anthropologie.

Elle s’inscrit à l’EHESS, École des  Hautes Études en Sciences Sociales. Elle y rédige son mémoire sur « L’endoctrinement religieux et l’islamisation du système d’éducation en Iran après l’instauration du régime Khomeiniste » – une étude basée sur l’analyse des manuels scolaires.

En 1998, elle débute sa thèse : « La création littéraire dans la langue de l’Autre », en travaillant sur les œuvres de Cioran, Ionesco et Beckett. Elle abandonne sa thèse et écrit son premier roman. Je viens d’ailleurs.

Elle rédige un pamphlet contre le voile islamique, que les éditions Gallimard publient aussitôt, en septembre 2003. Elle y fait une analyse anthropologique et historique du voile islamique et de sa portée culturelle, traditionnelle, psychologique, sociale, sexuelle, juridique et politique. Elle demande  que le voile des mineures soit reconnu comme une maltraitance à leur endroit. « Voiler une mineure signifie  qu’elle est nubile… Le voile définit la mineure comme un objet sexuel… Le voile définit la femme psychologiquement, socialement, sexuellement et juridiquement comme sous-homme. ».

Son deuxième roman,  Autoportrait de l’autre, est publié en janvier 2004 par Sabine Wespieser éditeur.

Dans Que Pense Allah de l’Europe ?, pamphlet publié en 2004, toujours chez Gallimard, elle analyse la stratégie des islamistes « djihad souterrain » en France et en Europe

. Critique de l’intégrisme musulman, elle déclare que la critique des religions est « non négociable » et invite « l’immense majorité des musulmans silencieux de France » à manifester contre l’idéologie islamiste... Son roman « Comment peut-on être français? » est une satire sociale et politique en partie épistolaire : une correspondance imaginaire avec Montesquieu.

Son roman La Muette (2008) est la confession d’une gamine de quinze ans condamnée à la pendaison, dans les prisons des mollahs – une fiction réaliste et documentée.

Dans l’épilogue de Je ne suis pas celle que je suis, publié en 2011 chez Flammarion,  Chahdortt Djavann écrit : « Rien n’était moins probable qu’un exil en France, rien ne me destinait à une vie française… même dans mes rêves les plus osés, j’étais à mille lieues de m’imaginer écrivain de langue française. » Bien que l’auteure utilise certaines de ses expériences, elle précise : «  Je ne crois pas à l’autobiographie… Je suis mon personnage et je ne le suis pas… »

La dernière séance (Fayard, 2013) est la suite de Je ne suis pas celle que je suis – entrelacement des séances de psychanalyse à Paris et du récit du parcours mouvementé de l’héroïne d’Istanbul à Paris.

Big Daddy (Grasset 2015) est un thriller social dont l’action se situe dans l’Amérique profonde, portrait d’un pervers criminel et grandiloquent qui prend pour fiston un gamin des rues, et d’une avocate de la grande bourgeoisie irano-américaine. Son dernier roman  « Les putes voilées n’iront jamais au Paradis! » donne la voix aux femmes assassinées en Iran.

Elle est passionnée d’échecs. Ses ouvrages sont traduits en plusieurs langues. Elle a écrit de nombreux articles ou tribunes dans les journaux.

Le 18 février 2008, dans un article du Figaro, elle demande que  l’Union européenne reconnaisse la fatwa (incitation au meurtre) comme un acte criminel et engage des poursuites internationales contre ceux qui décrètent des fatwas.».

Œuvres :

  • Je viens d’ailleurs (2002)
  • Bas les voiles !, éd. Gallimard (2003)
  • Que pense Allah de l’Europe ? (2004)
  • Autoportrait de l’autre (2004)
  • Comment peut-on être français ? (2006)
  • A mon corps défendant, l’Occident, éd. Flammarion (2007)
  • La Muette (2008)
  • Ne négociez pas avec le régime iranien, éd. Flammarion (2009)
  • Je ne suis pas celle que je suis, éd. Flammarion (2011)
  • La Dernière Séance, éd. Fayard (2013)
  • Big Daddy, éd. Grasset (2015)
  • Les putes voilées n’iront jamais au paradis !, éd. Grasset (2016)
  • Comment lutter efficacement contre l’idéologie islamique, éd. Grasset (2016)

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