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… vu par Arlette

Hashimi Nadia ♦ La perle et la coquille

La Perle et la Coquille met en parallèle le destin de deux afghanes liées par le sang à un siècle d’intervalle.

Shekiba et Rahima ont eu le malheur de naître femmes dans cet Afghanistan soumis aux règles du Coran, et même au-delà, selon le bon vouloir des hommes.

Dès leur naissance, elles n’appartiennent pas vraiment à leurs parents, elles seront revendues ou échangées à leur mariage. Soumises à leurs maris, à leurs belles–mères, à leurs concubines, elles connaitront les violences et les malhonnêtetés qui règnent au sein de ses familles.

Si la vie est difficile, c’est Allah qui l’a voulu et il suffit de le laisser arranger les choses, se résigner à leur sort de femmes esclaves.

En 2007 les talibans ont perdu le pouvoir, mais font la loi dans les rues. Les années noires s’éloignent mais sont toujours aussi prégnantes dans la population, en particulier dans les villages. Les maitres de guerre règnent en despotes, les coutumes imposent leur loi. La religion pèse de tout son poids dans la vie quotidienne et les femmes et les filles en sont les premières victimes.

Avec un père toxicomane et sans frère, Rahima et ses sœurs ne peuvent quitter la maison. Durant son enfance, sa famille lui fait prendre le statut de bacha posh : tradition qui fait que lorsqu’une famille n’a pas de descendants mâles, on déguise une des filles en garçon jusqu’à ce qu’elle soit en âge de se marier. Ce procédé a de multiples avantages dans une société patriarcale où la femme reste cantonnée à la maison et à ses tâches ménagères. La petite fille, la troisième des cinq filles, ainsi transformée en petit garçon peut accéder à l’instruction en allant à l’école, peut courir et jouer librement dans la rue, peut effectuer les courses au marché pour sa mère, bref, en tant que bacha posh, Rahima goûte et savoure une liberté dont ses sœurs et sa mère sont privées. Elle jouit alors d’une liberté qui va la transformer à jamais, comme le fit, un siècle plus tôt, son ancêtre Shekiba.

Le destin bascule le jour où Rahima, âgée de 13 ans, n’a plus l’âge de continuer à jouer cette comédie dont personne n’est dupe au village mais sur laquelle tout le monde ferme les yeux. C’est aussi ce moment que choisit son père Padar-Jan qui n’est plus que l’ombre de lui-même depuis qu’il est entré en guerre contre les talibans, pour la donner en mariage au seigneur de guerre pour lequel il travaille en échange de richesses matérielles et de drogue. Rongé par l’opium et condamné à la pauvreté, le père de Rahima se débarrasse ainsi de ses filles qu’il voit comme autant de bouches inutiles à nourrir. Ses deux sœurs aînées seront mariées le même jour à quatorze et quinze ans aux 2 frères de celui-ci, puisqu’il ne convient pas qu’une cadette soit mariée la première. La mère totalement soumise ne parvient pas à leur éviter ce sort.

Rahima devient alors la quatrième épouse d’un homme violent, sans cœur pour qui les femmes ne sont que des procréatrices et des esclaves domestiques. Au sein même du groupe des femmes de la maison, la jalousie et les brimades sont le quotidien de Rahima, violée, humiliée et rabaissée par cette nouvelle famille. Mariée à des hommes qui ont déjà un harem rempli de femmes, il est dur pour la nouvelle venue de trouver sa place. Forcée d’avoir un enfant masculin pour pouvoir enfin obtenir un minimum de reconnaissance. Mais comment se situer face à une belle-mère violente et la jalousie toujours plus sournoise des autres femmes ?

Elle va tenter de s’en sortir, mais ce n’est pas si simple lorsque les conditions sont tout simplement impossibles pour une femme de respirer librement. Elle ne trouve son unique source d’apaisement et d’espoir que dans le récit que lui fait sa tante Khala Shaïma restée célibataire en raison d’une infirmité à la colonne vertébrale, de la vie de son arrière-arrière-grand-mère Shekiba,chérie par sa mère mais haïe du reste de la famille car elle a été défigurée très jeune par un accident (elle a été brûlée au visage à l’âge de deux ans)  – Shékiba qui en 1914 s’est retrouvé seule avec son père quand toute sa famille a péri du choléra et a survécu comme une bête – Shekiba récupérée par sa grand-mère, à la mort de celui-ci et qui la vend à un notable du village pour solder sa dette – Shekiba qui tentera de récupérer la terre de son père et qui se verra battue pour avoir osé demander que son héritage soit reconnu et qui sera châtiée pour tant de vergogne, mais Shekiba qui résiste, enfante et transmet cette noblesse de vivre droite quel que soit le prix à payer – Shekiba dont l’histoire permettra à son arrière-petite-fille de commencer à s’émanciper en ce 21ème siècle. Un récit qui pour Rahima se révélera salutaire à plus d’un titre.

En effet, les destins des deux femmes comportent de multiples points communs malgré l’écart entre leurs époques. Les similitudes se retrouvent jusque dans la description des traditions religieuses et du statut de la femme en Afghanistan.

Par ce roman, Nadia Hashimi nous montre une évidence, le recul effectué par le pays où la libération de la femme a commencé en 1919 grâce à la reine Soraya pour s’achever dans la douleur et la guerre civile (résistance afghane contre le communisme et les soviets) en 1996 avec l’arrivée des Talibans. Entre temps, les Afghans se sont battus contre leurs voisins anglais qui envahissaient depuis l’Inde, se sont battus contre les Russes qui se sont finalement fait submerger par le mouvement Moudjahidine dans les années 80 puis sont arrivés les Talibans en 96 et enfin les occidentaux à nouveau en 2002.

L’auteur :

Nadia Hashimi est née en 1972 à New-York et a grandi dans le New Jersey. Ses parents sont tous les deux originaires d’Afghanistan qu’ils ont quitté au début des années 70 avant l’invasion soviétique. Sa mère, petite-fille d’un notable poète afghan, s’est rendue en Europe pour obtenir une maîtrise en génie civil et son père est venu aux États-Unis, où il a travaillé dur pour réaliser son rêve américain et construire une nouvelle vie plus brillante pour sa famille. Nadia a eu la chance d’être entourée d’une grande famille de tantes, d’oncles et de cousins, ce qui a permis à la culture afghane de faire partie intégrante de sa vie quotidienne.

Elle a fréquenté l’Université Brandeis où elle a obtenu des diplômes en études et biologie du Moyen-Orient. Elle a obtenu un DEA en analyse économique.

Elle s’est ensuite inscrite à l’école de médecine de Brooklyn aux hôpitaux NYU / Bellevue à New York où elle a complété sa formation en pédiatrie.

 A la fin de sa formation, Nadia a déménagé au Maryland avec son mari où elle travaille comme pédiatre. Elle fait partie du « Lady Docs », un groupe de médecins locaux qui exercent et se regroupent ensemble.

En 1998, elle croise quelqu’un d’extraordinaire, une Autrichienne qui montait un très grand projet sur l’art islamique en méditerranée dans le cadre du programme MEDA. Le projet consistait à mettre en place des itinéraires culturels et touristiques dans onze pays du pourtour méditerranéen. Elle s’occupait de ceux du Maroc et du Portugal. Elle est aussi devenue active dans une organisation communautaire afghane-américaine qui a promu des événements culturels et de sensibilisation, en particulier dans les jours sombres après le 11 septembre.

En 2002, elle décide de travailler dans la presse, un rêve d’enfant.

Cette même année, elle fait son premier voyage en Afghanistan avec ses parents qui ne sont pas retournés chez eux depuis leur départ dans les années 1970. C’était une expérience douce pour tous, trouver des reliques de foyers d’enfance et se retrouver avec des proches. Un voyage marquant qui lui permet de découvrir sous un nouveau jour l’histoire et la culture afghanes dont ses romans sont imprégnés.

Au bout de cinq ans, Nadia quitte cependant la presse écrite pour la télévision. Elle démarre en tant que chroniqueuse économique au JT avant de se voir confier l’émission “Eclairages”, qu’elle anime avec beaucoup de talent et de maîtrise.

Trois ans plus tard, elle décide de changer de registre, sans rompre pour autant avec ce domaine. Elle se charge ainsi des relations internationales et institutionnelles d’une agence publique.

Par la suite, Nadia décide de tout mettre en stand-by pour reprendre ses études et démarrer un doctorat en sciences politiques.

Avec sa formation médicale rigoureuse complétée, Nadia s’est tournée vers une passion qui n’avait pas été explorée. Son éducation, ses expériences et son amour pour la lecture se sont réunis sous la forme d’histoires basées dans le pays de ses parents et grands-parents (certains font même des apparitions dans leurs contes).

Son premier roman, “The Pearl That Broke Its Shell” = “La perle et la coquille” a été publié en 2014.

Son deuxième roman, « When The Moon Is Low » = « Si la lune éclaire nos pas » a suivi en 2015 et a raconté le voyage périlleux d’une famille afghane alors qu’ils ont fui le Kaboul contrôlé par les talibans et sont tombés dans le monde sombre Des sans-papiers d’Europe.

Nadia Hashimi vit dans le Maryland avec son mari Amin Amini depuis 2008, et leurs quatre enfants dans la banlieue de Washington, où elle exerce le métier de pédiatre.

Œuvre :

  • La perle et la coquille (2015)
  • Si la lune éclaire nos pas (2016)
  • Pourvu que la nuit s’achève (2017)
  • Ma vie de Bacha Posh (à paraître en septembre 2017)

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