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… vu par Arlette

Langfus Anna ♦ Les bagages de sable

Peu d’années après la guerre, Maria, une jeune Polonaise, erre dans Paris. Sa famille a été exterminée, et, depuis, les préoccupations humaines lui sont devenues incompréhensibles. Pour elle, tout vaut et rien ne vaut.

Elle suit dans le Midi un vieux monsieur, Michel Carron, qui s’est attaché à elle. Mais arrivés là-bas, son ami lui signifie que la tendresse et l’amitié ne sauraient lui suffire. Une lutte sournoise s’engage entre eux. Maria tente de ressusciter l’enchantement de sa propre enfance auprès d’un groupe d’enfants. Le suicide d’une fillette l’incite à aller, elle aussi à sa façon,  » jusqu’au bout « . Elle cède au vieil homme.

Mais l’arrivée soudaine de la femme de son amant rompt de nouveau l’équilibre. Maria doit partir et affronter la réalité du monde, tenter de vivre peut-être, encore seule.

L’auteur :

Anna Langfus est une romancière et dramaturge de langue française d’origine polonaise, auteure de textes sur la Shoah et la tragédie de ceux qui en ont survécu.

Elle est née Anna Regina Szternfinkiel le 2 janvier 1920 à Lublin. Elle est la fille d’un couple de gros commerçants, Moshe Szternfinkiel, courtier en céréales, et de Maria (née Wajnberg) : une famille juive aisée.

Tout juste mariée à l’âge de 18 ans, elle part avec son mari Jakub Rajs, le fils d’un autre commerçant né en 1919, suivre, pendant un an, des études d’ingénieur à l’École des textiles de Verviers en Belgique.

Revenue l’été 1939 dans sa famille, elle est saisie par la guerre. Elle connaît, en 1942, les ghettos de Lublin et de Varsovie dont elle parvint à s’évader. Elle se cache ensuite avec son mari du « côté aryen » de la ville. Ses parents restés dans le ghetto de Varsovie ont disparu en 1943.

Un temps agent de liaison d’un groupe de résistance probablement l’Armée de l’intérieur (AK), elle se cache dans le nord de Varsovie, puis arrêtée par la Gestapo, elle est férocement torturée dans la prison de Nowy Dwor.

Elle assiste à l’exécution de son mari Jakub. Transférée à la prison de Plonsk, elle est libérée par l’armée soviétique

Après l’invasion de l’Armée Rouge en 1945, elle retourne à pied à Lublin, et y reste jusqu’à la mi-1946. Elle y débute alors des études de théâtre dans une école nouvellement ouverte, Studio Dramatyczne. Elle ne reste pas longtemps et part pour la France.

Réfugiée, arrivée en France en 1946, elle se remaria avec Aron Langfus [Aron Langfus 1910-1995], un Juif revenu comme elle de Lublin, lui aussi rescapé des ghettos et de plusieurs camps. Ils donnent naissance en mai 1948, à une petite fille, Maria. Ils s’installèrent d’abord à Pantin, puis en 1961 à Sarcelles. Ils furent naturalisés français en 1959.

Elle s’intéresse au théâtre et à la nouvelle littérature de l’époque, elle fréquente les milieux de théâtre. Et après avoir pris un cours, qui l’encouragera à écrire pour le théâtre, elle commence à rédiger.

Lorsqu’elle se met à la littérature au début des années cinquante (probablement en 1953 d’après Jean-Yves Potel, dès 1950 d’après Madeleine Cottenet-Hage), elle travaille en français. Elle n’a laissé aucun brouillon ou tentatives en polonais.

Elle rédige, en 1952, sa première pièce (jamais publiée), Les Lépreux, montée en 1956 par Sacha Pitoeff.

Son premier roman, Le Sel et le Soufre paru aux éditions Gallimard en 1960, évoque son périple pendant la guerre, ses qualités littéraires retiennent immédiatement l’attention de la critique et du public. Elle reçoit pour ce livre le prix Veillon.

Le roman suivant, Les Bagages de sable obtient le prix Goncourt en 1962. Elle y présente sous la forme d’une aventure amoureuse ratée, la douleur d’une rescapée de la Shoah incapable de revenir au monde. Elle devait expliquer, en 1963, lors d’une conférence devant l’Organisation internationale des femmes sionistes : « Pour traduire par des mots l’horreur de la condition juive durant la guerre, il me fallait faire œuvre de littérature. Le pas a été difficile à franchir. »

Elle est la quatrième femme à obtenir le Prix Goncourt.

Son troisième roman, Saute Barbara, poursuit ce thème. L’un des thèmes de son travail a été la récurrente question concernant ce que l’on peut écrire ou exprimer sur la Shoah et comment le faire. Elle a été l’une des premières à aborder ces questions dans ce qu’il est convenu d’appeler la «littérature de la Shoah ». Elle est ainsi considérée comme une écrivaine majeure, en langue française, sur la ce sujet.

Elle est notamment l’auteur de la première pièce de théâtre en langue française qui représente un des moments de la Shoah, Les Lépreux, pièce jouée en 1956 sous la direction de Sacha Pitoëff. Elle y évoque les arrestations et les assassinats des juifs polonais en 1941. Cette forme théâtrale s’avère sans doute trop pénible pour les spectateurs qui sont nombreux à quitter la salle.

Elle s’installe à Sarcelles (Val d’Oise) au début des années 60. Elle s’implique dans le club de lecture local, que fréquente notamment le jeune Tobie Nathan, futur psychiatre et écrivain, ce dont il témoigne dans son ouvrage Ethno-roman, paru en 2012.

Anna Langfus est également l’auteur d’une dizaine de pièces de théâtre ou radiophoniques et de nouvelles.

Elle meurt d’une crise cardiaque le 12 mai 1966 à l’hôpital de Gonesse à Paris, à l’âge de 46 ans, alors qu’elle travaillait à la rédaction d’une quatrième nouvelle. Étant morte en 1966, elle n’a eu qu’une carrière littéraire très courte (16 ans), durant laquelle elle parviendra cependant à écrire trois romans — dont un Prix Goncourt en 1962, et quatre pièces de théâtre.

Malgré les prix littéraires et la traduction de ses œuvres dans une quinzaine de langues, elle finit par tomber dans l’oubli à partir des années 70. Jean-Yves Potel, historien spécialiste de l’Europe Centrale et plus particulièrement de la Pologne, lui consacre alors un essai biographique.

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