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… vu par Arlette

Autissier Isabelle ♦ Soudain, seuls

Soudain, seulsDans son nouveau roman, Isabelle Autissier met en scène un couple qui s’échoue sur une île déserte proche de l’Antarctique. Seul l’un d’entre eux reviendra de l’enfer.

Ludovic et Louise formant un couple dissonant de trentenaires et pourtant amoureusement soudé depuis 5 ans, sont partis faire le tour du monde.

Lui, le navigateur, grand, costaud, beau gosse, un homme à succès, les vêtements et la tignasse perpétuellement en bataille. Elle, la montagnarde, petit gabarit à l’apparence fragile, au physique banal qui la rend un peu transparente aux yeux des autres. Elle a cheminé dans l’enfance et l’adolescence sans attirer l’attention, mais avec bonne volonté, comme pour se faire pardonner. Elle a été flattée que Ludovic s’intéresse à elle et l’aime.

Devant la peur de devenir un couple « ankylosé », Ludovic persuade Louise d’aller faire une bonne virée en bateau pour découvrir quelques endroits reculés de notre jolie planète. Elle sera difficile à convaincre, mais finira par accepter pour ne rien regretter plus tard. Ensemble, aventuriers curieux et insouciants, ils décident d’aller affronter les 40èmes rugissants et 50èmes hurlants à bord de leur voilier « Jason ». Promesse d’aventures quasi-mythologiques et de conquête de leur propre toison d’or.

Lors de leur tour du monde, Ludovic et Louise débarquent sur l’île interdite de « Stromness », île australe montagneuse au milieu de nulle part, entre la Patagonie et le cap Horn, pour une randonnée. Cette île, de 150 kms de long sur 30 de large, découverte au XVIIIème siècle est une ancienne station baleinière laissée à l’abandon, désormais protégée et interdite au tourisme.

Une tempête survient et leur embarcation est engloutie. Ils se retrouvent, soudain, seuls dans une nature hostile, sans vivres, sans autres vêtements que ceux qu’ils portent. Cette île est un caillou désertique, avec quelques ruines rouillées de la station baleinière. Pas de fruitiers, pas de végétation. Leurs nouveaux compagnons : des manchots, des otaries, des éléphants de mer et des rats.

Il ne leur reste qu’à s’organiser pour vivre et rapidement survivre en attendant peut-être, un jour, l’arrivée miraculeuse de scientifiques qui viennent au printemps faire des études dans cette réserve naturelle.

S’abriter et se nourrir deviennent leurs préoccupations principales. Les réflexes de survie prennent le pas sur les modes de vie adoptés pendant des années.

Ce ne sera pas une expérience de solitude. Dans l’adversité, la vie de couple est mise à mal, les griefs quotidiens font remonter à la surface d’autres malaises plus profonds, enfouis sous des concessions quotidiennes.

Comment le couple va-t-il résister à ces conditions météorologiques et psychologiques extrêmes dans lesquelles le courage physique ne s’apprend pas mais s’expérimente ? Dans lesquelles leur amour réciproque va être confronté à leur instinct de survie individuel ? C’est le thème central du roman.

Isabelle Autissier sait transmettre les émotions et les états d’âme de ses personnages sans emphase ni voyeurisme malsain. Elle sait tenir son lecteur en haleine avec une aventure psychologique et humaine sans sombrer dans un excès de péripéties rocambolesques. Elle sait nous faire voyager dans des décors inédits sans crouler sous des effets cartes postales à deux euros. Elle sait enfin adroitement amener son lecteur à s’interroger sur le sens de la vie et sa propre existence sans le juger ni le condamner.

Tous les ingrédients sont là pour faire de ces pages un roman extraordinaire. Le fond et la forme : tout y est. Le fond : une histoire prenante, captivante, qui vous remue de la tête aux pieds et ne vous lâche plus. La forme : un style magnifique. Du travail d’orfèvre. Chaque phrase est taillée avec soin. Chaque mot est à sa place. Rien ne manque, rien n’est en trop. L’écriture est sobre et élégante, simple et aérée, travaillée au millimètre à l’aide de magnifiques descriptions, au plus près des sentiments intimes qui traduisent l’effroi, la douleur, la peur.  L’auteur s’investit avec une belle sensibilité, une analyse remarquable, beaucoup de doigté.

L’auteur :

Isabelle Autissier, navigatrice et romanciere. "Soudains seuls"  Dans son nouveau roman, Isabelle Autissier met en scene un couple qui s'echoue sur ile deserte proche de l'Antarctique.Paris, FRANCE - 8/06/2015/IBO_IBOA.008/Credit:IBO/SIPA/1506081659

Isabelle Marie Clotilde Autissier, née le 18 octobre 1956 à Paris, dans le 12ème arrondissement, passe sa jeunesse à Saint Maur en région parisienne et découvre la voile en Bretagne dès l’âge de 6 ans, à bord du petit croiseur familial.

Sa passion pour la mer la conduit à orienter ses études vers une carrière dédiée à l’halieutisme (études des méthodes de pêche). En 1978, elle sort de l’École nationale supérieure agronomique de Rennes avec un diplôme d’ingénieur agronome, spécialisation en halieutique.

En 1980, elle mène pour le compte du CORPECUM une recherche sur les langoustines et les gros crustacés. Cette activité de recherche se prolonge pour le compte de l’IFREMER, à La Rochelle sur les pêcheries du golfe de Gascogne.

De 1984 à 1990, elle enseigne à l’École maritime et aquacole de La Rochelle, port qui devient sa ville d’adaptation depuis 1980.

En 1987, elle construit son premier bateau « Parole », un sloop en acier de 10 mètres. Elle fait avec une croisière hauturière en Atlantique et sa première traversée océanique en solitaire.

Fin 1987, elle participe à la Mini-Transat – course en solitaire en France  « Les Canaries-les Antilles » sur des monocoques de 6m50. Elle remporte la première manche et termine 3ème au classement général à bord d’Ecureuil Poitou-Charentes. Cette épreuve marque son entrée dans le monde de la course au large.

En 1988 et 1989, elle fait la Solitaire du Figaro, course en solitaire en France, Irlande et Espagne sur des monocoques de 9mètres50. Elle termine 12ème en 1989.

En 1991, elle fonde avec Christophe Auguin, Alain Gautier et Jean-Luc Van Den Heede l’association IMOCA, pour regrouper les skippers des monocoques de 60 pieds.

La même année, elle termine 7ème au cours du BOC Challenge en réalisant l’exploit d’être la première femme à faire un tour du monde en course. C’est cette réussite qui la pousse à abandonner l’enseignement pour se consacrer entièrement à la course au large. En 1994, lors de l’édition suivante, son Ecureuil Poitou-Charentes démâte puis est détruit par une vague au sud de l’Australie.

À son retour, sa nouvelle notoriété lui permet d’obtenir le soutien de l’entreprise vendéenne PRB (« Produits de revêtements du bâtiment ») et de lancer la construction d’un nouveau 60 pieds. Elle fait alors appel à l’architecte Jean-Marie Finot et au constructeur Marc Pinta pour mettre au point le premier 60 pieds Open à quille basculante, avec le Geodis d’Auguin.

En 1993, c’est la construction du premier bateau conçu pour elle : « Écureuil Poitou-Charentes II ». Dessiné par Jean Berret, il est le premier 60 pieds muni d’une quille basculante. Avec ce bateau, elle termine 2ème de la Course de l’Europe – Open U AP – en remportant trois étapes sur six.

Le 23 avril 1994, elle bat, à la tête d’un équipage composé de Lionel Lemonchois, Luc Bartissol et Pascal Boimard, le record New-York – San Fransisco par le Cap Horn. En 62 jours 5 heures et 55 minutes, Isabelle pulvérise l’ancien record de 14 jours.

En 1994/1995, c’est sa deuxième participation au BOC Challenge. Elle triomphe dans la première étape (Charleston- Cape Town) en précédant son second de cinq jours ; Cet exploit, accompli grâce à deux superbes options météorologiques, en fait désormais la favorite de l’épreuve. Hélas, la 2ème étape est un long calvaire : elle démâte, parvient à rejoindre les îles Kerguélen sous gréement de fortune (1240 milles de navigation !), récupère dans l’Archipel le mât d’un bateau de plaisance et fait finalement naufrage le 28 décembre à 1000 milles au sud de Sydney. Elle est récupérée au bout de quatre jours (la nuit du nouvel an.) par un hélicoptère des Forces Royales Australiennes. Mais son bateau est perdu.

En 1995/1996, c’est la construction d’un nouveau bateau, avec l’entreprise vendéenne « PRB » lancée en juillet 1996, et pour partenaire aux côtés de la Région Poitou Charentes. Isabelle est cooptée au Conseil Consultatif des Terres Australes et Antarctiques Françaises.

En novembre 1996, PRB prend aux Sables d’Olonne, le départ du Vendée Globe, pour un tour du monde en solitaire sans escale. A l’approche de l’Océan Indien, Isabelle est deuxième à quelques dizaines de milles du leader, Christophe Auguin, quand elle constate la perte de l’un de ses deux safrans. Une avarie qui la contraint à faire escale à Cape Town. Elle est mise hors course suite à son arrêt à Capetown pour réparer un safran endommagé. Désormais hors course, elle repart pour finir ce tour du monde et arriver 4 jours après le vainqueur après 105 jours de navigation. Au cours de cette course où les concurrents ont affronté des conditions extrêmement difficiles, elle fait demi-tour en pleine tempête pour essayer de retrouver Gerry Roufs, dont la balise Argos avait cessé d’émettre, mais elle n’arrive malheureusement pas à le repérer et finit par reprendre sa route après avoir lutté contre des conditions extrêmes qui feront se coucher son bateau à plusieurs reprises.

En septembre 1999, elle prend part à la course en solitaire autour du Monde Around Alone (ex-Boc Challenge). Seconde à Cape Town à l’issue de la première étape, elle prend, après une deuxième étape homérique, la tête du classement général à Auckland. Mais dans la troisième étape, celle du Pacifique, son voilier chavire par 25 noeuds et reste à l’envers. Son ami le skipper italien Giovanni Soldini viendra la sauver. C’est probablement cet accident qui accéléra la décision d’Isabelle Autissier d’abandonner les courses en solitaire.

Elle continue néanmoins quelques courses en équipage.

On la voit naviguer sur divers types de bateaux aux côtés d’autres skippers : la Course de l’Europe avec Catherine Chabaud, la Gotland Race avec un bateau armé par le défi français pour la Coupe de l’America, la course du Fastnet à bord du multicoque d’Alain Gautier et le Tour de France à la Voile avec le « Région Ile de France » de Jimmy Pahun.

Dans l’hiver 1999/2000, elle réalise avec 3 compagnons une traversée à pied pendant 7 semaines des îles australes de Kerguelen.

En 2000, Isabelle participe avec Sydney Gavignet à la Transat AG2R, course en double entre Lorient et St Barth à bord de Figaro Bénéteau (monotype de 9,20m). Elle retrouve ensuite Jimmy Pahun sur le Tour de France à la voile, ou le bateau finit 4 ème. Parallèlement, Isabelle prend la présidence de l’Association de l’Ecole de la Mer, à La Rochelle, dont le but est l’éducation à l’environnement marin.

En 2001, de nouvelles navigations-aventures, amènent Isabelle 2 mois dans les eaux de l’île australe de Géorgie du Sud, puis à l’opposé dans les îles de la Société et aux Tuamotus pour un reportage « sur les traces de Bernard Moitessier » Isabelle est de retour sur le Tour de France à la Voile, pour la troisième année, toujours sur « région Île de France », qui signe une 3ème place.

En 2002, en prélude à un vaste projet scientifique et culturel concernant l’Antarctique, sur les traces de Jean Baptiste Charcot, elle effectue une mission de 2 mois à la voile en Péninsule Antarctique. En juillet, elle participera à nouveau au Tour de France à la Voile.

En 2010, elle effectue une expédition en Antarctique : mer/ montagne avec Lionnel Daudet et une équipe de 2 autres alpinistes et 2 marins : Nomans’land project ; navigation extrême par 69 ° Sud et à l’île Pierre 1er. Réalisation d’un film pour l’émission Thalassa.

La même année, sur la lancée artistique, isabelle intègre un collectif de musiciens : Lalbatros, pour une création d’un spectacle sur la mer, alliant musique, conte, chansons et vidéo.

En 2011, elle fait une expédition en Antarctique.

Isabelle Autissier s’est également tournée vers l’écriture. Après plusieurs récits, essais dont Kerguelen (Grasset, 2006), ainsi qu’un livret d’opéra, Homo Loquax, elle publie en 2009 son premier roman, « Seule la mer s’en souviendra » : l’histoire d’une supercherie en mer inspirée d’un fait réel – l’affaire Crowhurst en 1969. Elle publie ensuite « L’amant de Patagonie » (Grasset, 2012), et, avec Erik Orsenna, « Salut au Grand Sud » (Stock, 2006) ainsi que « Passer par le Nord » (Paulsen, 2014).

Isabelle Autissier est décorée Chevalier de la Légion d’honneur ainsi que de l’Ordre du mérite. Elle cumule plusieurs fonctions de membre ou d’administrateur d’institutions et associations. Elle est Présidente France du World Wide Fund for Nature (WWF) depuis décembre 2009.

Depuis 2012, elle présente Les récits d’Isabelle Autissier, émission diffusée tous les dimanches sur France Inter. Elle a également présenté In extremis au cours de l’été sur cette même radio. Elle a depuis cette année décidé d’arrêter son émission pour se consacrer à ses associations caritatives, dont WWF dont elle est présidente.

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