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… vu par Arlette

Faye Gaël ♦ Petit pays

petit-paysEn 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi, à Bujumbura, avec son père français et blanc, entrepreneur, sa mère rwandaise noire, d’origine Tutsi, exilée au Burundi, et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés.

Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Leur enfance postcoloniale, partagée avec les voisins du même âge, est dominée par une plongée constante dans la nature, par les jeux et par la complicité d’une bande de copains, de vols de fruits dans les jardins voisins, de cigarettes fumées en cachette, de récits d’histoires sensationnelles. Une enfance protégée au cœur de familles aisées, vivant la richesse de la double culture, mais parcourue aussi par les contradictions héritées du passé colonial.

Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel voit avec inquiétude ses parents se séparer, moment qui détermine la première blessure dans la vie de Gaby. Comme un enfant ne peut choisir entre son père et sa mère, il ne peut décider s’il se sent noir ou blanc, africain ou français.

Puis il voit la guerre civile se profiler, conflit provoqué en 1993 par l’assassinat du premier président Hutu du pays, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…

Burundi, 1993. Alors que les élections présidentielles apportent l’espoir d’une démocratie, ce petit pays tombe sous le poids de la haine, de la mort et des massacres. Il va chercher longtemps à se cacher la réalité, il ne veut pas choisir son camp, mais il devra comme tout le monde faire le deuil de sa vie d’avant, tirer un trait sur son enfance et perdre son innocence… Il voudrait rester neutre, s’extirper, ne pas voir ni savoir, ni assister à la profanation de l’impasse de son quartier, ce havre de paix où il se retrouvait avec les copains et qui finit par devenir un lieu de mort. Le seul refuge possible devient alors les livres qu’une voisine d’origine grecque lui prête le long des mois de carnage.

L’auteur raconte une enfance au Burundi et signe un roman émouvant sur son paradis perdu.

Ce n’est absolument pas son histoire : « Je n’ai pas vécu ce que le personnage traverse. Par contre, je l’ai mis à l’intersection de mes propres origines. Je lui ai donné les interrogations qui moi-même m’ont traversé également et moi c’était surtout un exercice qui m’a permis de me replonger avec délectation dans cette époque bénie du temps béni. Et c’est le paradis perdu qui m’intéressait avant tout, cette impasse, ce petit cocon dans lequel je me suis senti bien en tant qu’enfant et dans lequel tout adulte peut se remémorer son enfance aussi de cette manière-là. C’est surtout un roman qui aborde la question du paradis perdu. J’ai écrit ce roman pour faire surgir un monde oublié, pour dire nos instants joyeux, discrets comme des filles de bonnes familles: le parfum de citronnelle dans les rues, les promenades le soir le long des bougainvilliers, les siestes l’après-midi derrière les moustiquaires trouées, les conversations futiles, assis sur un casier de bières, les termites les jours d’orages… J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d’être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants. » Gaël Faye

Avec un rare sens du romanesque, Gaël Faye évoque les tourments et les interrogations d’un enfant pris dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu. Nourri d’un drame que l’auteur connaît bien, un premier roman d’une ampleur exceptionnelle, parcouru d’ombres et de lumière, de tragique et d’humour, de personnages qui tentent de survivre à la tragédie.

L’histoire de Gaby est celle du métissage, de l’exil, du racisme, des méfaits de la colonisation, d’une lutte ethnique fratricide qui nous prend aux tripes et nous indigne. C’est la propre vie de Gaël Faye racontée avec poésie, pudeur, nostalgie et tendresse qui émeut et laisse pantois devant l’immense talent de ce jeune musicien.

L’auteur :

gael-fayeGaël Faye est né en 1982 à Bujumbura au Burundi, d’une mère rwandaise et d’un père français. C’est un chanteur, rappeur, auteur-compositeur-interprète et écrivain franco-rwandais.

Après le déclenchement de la guerre civile en 1993, et le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, il arrive avec les siens en France. Gaël Faye, qui passe son adolescence dans les Yvelines, découvre le rap et trouve dans le hip-hop un refuge mental salvateur.

Après le lycée, il entre dans une école de commerce, obtient un master de finance, puis va travailler à Londres durant deux ans pour un fonds d’investissement.

Il quitte la cité de Londres pour se lancer dans l’écriture et la musique. Et s’installe à Kigali, pays de sa mère. C’est dans la capitale du Rwanda qu’il a fini de travailler à son manuscrit Petit Pays.

Gaël Faye forme le groupe Milk Coffee and Sugar avec Edgar Sekloka. Le duo sort un album en 2009 et est nommé « découverte » du Printemps de Bourges en 2011. Edgar Sekloka décide de quitter le duo en 2015. Il a collaboré avec de nombreux artistes : Mulatu Astatke, Bonga Kuenda, Ben l’Oncle Soul, Saul Williams, Tumi Molekane, Guts, Patrice, Oxmo Puccino, Pauline Croze, Akua Naru, Nemir, Sly Johnson, Mamani Keïta, Beat Assailant, Flavia Coelho, Rocé, Hippocampe Fou, Blitz The Ambassador, Christophe Maé…

Pili Pili sur un croissant au beurre, le premier album solo de Gaël Faye, sort en 2013 sur le label Motown France. Le disque, réalisé par le compositeur Guillaume Poncelet, est enregistré entre Paris et Bujumbura. Le chanteur angolais Bonga Kuenda est invité sur le titre Président. Pytshens Kambilo, Tumi Molekane et Ben l’Oncle Soul participent également à l’enregistrement.

Gaël Faye a reçu le Prix Charles-Cros des lycéens (2012-2014) de la nouvelle chanson francophone.

Un documentaire diffusé par France Ô, intitulé Quand deux fleuves se rencontrent, réalisé par Nicolas Bozino et Toumani Sangaré, retrace son parcours.

En octobre 2016, il figure, avec Leïla Slimani, Catherine Cusset et Régis Jauffret, sur la liste des 4 auteurs en lice pour le Prix Goncourt. Petit pays figurait également sur la liste du Fémina, du Médicis, de l’Interallié, de l’Académie française et du Renaudot.

Le 17 novembre 2016, déjà primé le 1er septembre par le Prix du roman Fnac 2016 et le Prix du Premier roman 2016, il reçoit le prix Goncourt des lycéens, pour ce roman, dans lequel il raconte son enfance au Burundi, déchiré par l’horreur de la guerre civile et du génocide. Le choix du primo romancier vient appuyer un beau succès public (troisième place des ventes « littérature » des libraires du réseau Datalib depuis plusieurs semaines) et un accueil critique enthousiaste, soutenu depuis bien avant l’été par un plan média très organisé et porté par la personnalité attachante de l’auteur. Son roman a été choisi parmi sept finalistes, sélectionnés par les élèves de 56 établissements.

Le jury a salué « la fluidité, la sensibilité des paroles » mais aussi « les thèmes abordés avec notamment la guerre au Rwanda, la découverte identitaire et l’évolution dans la vie adulte ». « Petit Pays » a été élu au 1er tour du scrutin avec neuf voix devant le roman « Continuer » de Laurent Mauvignier (Minuit). Déjà lauréat du prix du roman Fnac, Gaël Faye reçoit à 34 ans son premier prix prestigieux.

S’il écrit depuis l’âge de 13 ans, le Franco-Rwandais a mis du temps avant de s’imaginer écrivain. Malgré « un paquet de débuts de romans dans les tiroirs », c’est vers la musique qu’il s’est d’abord tourné à la vingtaine.

Gaël Faye vit depuis un an au Rwanda où il réside avec sa femme qui est métisse (son père est français et sa mère rwandaise et sont connus pour traquer les présu­més auteurs du géno­cide rwan­dais cachés en France. Trois hommes se trouvent aujourd’­hui derrière les barreaux) et ses deux filles de trois et six ans.

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