Club lecture…

… vu par Arlette

Tesson Sylvain ♦ Dans les forêts de Sibérie

dans-les-forets-de-siberieDans les forêts de Sibérie est un récit autobiographique de Sylvain Tesson.

Le livre est le carnet d’ermitage de l’auteur, qui a vécu six mois en Sibérie, de février à juillet 2010, dans une cabane sur la côte nord-ouest du lac Baïkal, près de la réserve naturelle de Baïkal-Léna, à 120 km du village le plus proche, sans route, vivant de pêche, de bûcheronnage, de marches, de lecture et de vodka.

 Il a été publié le 1er septembre 2011 et a reçu le prix Médicis essai la même année.

Assez tôt, Sylvain Tesson a compris qu’il n’allait pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Il n’arrivait plus à trouver assez de réconfort dans ses multiples voyages et errances sur le globe. Pourtant, ces périples, c’était toute sa vie. C’est en marchant, en parcourant le monde qu’il se sentait bien. Mais la magie n’opère plus aussi bien. Et c’est dans l’immobilité qu’il pense trouver la solution.

Il s’est alors promis de s’installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie. Cette région n’est certainement pas la première destination que vous choisiriez pour vos prochaines vacances, ni même si vous deviez prendre un long break de 6 mois ailleurs que chez vous.

Lui, a acquis une isba de bois, de 3 mètres sur trois, loin de tout, à plusieurs heures de marche du premier village, sur les bords du lac Baïkal. Et à 38 ans, une santé solide très certainement, un immense besoin de solitude et de ressourcement, pendant six mois, de février à juillet 2010, dans une nature grandiose, sauvage, et dangereuse, des ours entre autre… et par moins 30 degrés l’hiver, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, il a tâché d’être heureux. Il croit y être parvenu.

Avec l’aide de cigares, de livres et de stocks conséquents de vodka, deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie, il arrive au terme de ces 6 mois pénétré par la beauté de la nature et convaincu qu’elle suffit au bonheur.

Sur ce territoire parsemé de cabanes forestières et météorologiques, l’auteur a pour motivation de ne pas nuire à la planète.

Nous lisons donc les lignes écrites par Sylvain Tesson juste avant de se retrouver seul dans sa cabane (on débute avec le voyage qui va le conduire jusqu’à son refuge de rondins sur les bords du lac Baïkal) et jusqu’à son retour parmi nous ou presque. Il livre le fruit de ses lectures et de ses réflexions, citant les auteurs littéraires qu’il lit et décrivant la flore et la faune qui l’entourent. Il parcourt certains jours plusieurs kilomètres autour de sa cabane, tantôt à pied, tantôt en patin à glace ou en kayak, ce qui donne lieu à des pages descriptives précises et évocatrices de cette région de la Sibérie.

Il faut une sacrée dose de détachement pour supporter la solitude pendant 6 mois dans un endroit où il n’y a rien d’autre à faire que se fondre dans la nature, observer le passage des saisons, la vie végétale et le fourmillement animal, resserrer sa vie autour de l’essentiel en apprivoisant le temps.

Et si la liberté consistait à posséder le temps ? Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d’espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures ?

Belle sagesse qu’il nous transmet dans un texte magnifique, empreint de ses réflexions au quotidien, tour à tour drôle et poétique. Introspection, réflexion, méditation… Tout cela est présent. Six mois pour faire le tour de soi-même et aussi du monde qui nous entoure.

Après avoir concouru pour le prix Renaudot contre Limonov d’Emmanuel Carrère, le livre a reçu le prix Médicis essai le 4 novembre 2011. Par ailleurs, ce récit est également rattaché à la réalisation d’un documentaire télévisé de 52 minutes coréalisé avec Florence Tran et diffusé sur France 5. Le livre a fait l’objet d’une adaptation libre au cinéma dans un film homonyme réalisé par Safy Nebbou en 2016 avec Raphaël Personnaz et Evgueni Sidikhine dans les rôles principaux.

L’auteur :

sylvain-tessonSylvain Tesson est un écrivain et voyageur français né le 26 avril 1972 à Paris. Il est le fils de Marie-Claude Tesson et du journaliste Philippe Tesson et le frère de la comédienne Stéphanie Tesson et de la journaliste d’art Daphné Tesson. Il a étudié au lycée Passy-Buzenval puis effectué une hypokhâgne et une khâgne. Géographe de formation, il est titulaire d’un DEA de géopolitique.

Sylvain Tesson est aussi membre du conseil d’administration du fabricant de montres russes Raketa et président de la « Guilde européenne du Raid », une ONG reconnue d’utilité publique.

Le voyageur : Géographe de formation, il effectue en 1991 sa première expédition en Islande.

Il découvre l’aventure lors d’une traversée à vélo du désert central d’Islande, puis d’une expédition spéléologique à Bornéo.

Puis, en 1993-1994, il fait le tour du monde à bicyclette avec Alexandre Poussin, qu’il connaît depuis la classe de seconde au lycée Passy-Buzenval à côté de Paris. Les deux compères, qui terminaient alors leurs études de géographie, tirent de leur voyage, en 1996, le livre « On a roulé sur la terre », qui leur vaut le prix jeune de l’IGN.

Toujours avec Alexandre Poussin, en 1997, il traverse l’Himalaya à pied, 5 000 km en cinq mois du Bhoutan au Tadjikistan, en passant clandestinement par le Tibet. Cette traversée donne lieu à la publication, en 1998, de « La Marche dans le ciel : 5 000 km à pied à travers l’Himalaya ».

En 1999-2000, il traverse également les steppes d’Asie centrale à cheval avec la photographe Priscilla Telmon, sur plus de 3 000 km depuis Alma Ata au Kazakhstan jusqu’à la mer d’Aral en Ouzbékistan). Ce périple débouche sur la collaboration à deux ouvrages, « La Chevauchée des steppes » en 2001 et « Carnets de Steppes : à cheval à travers l’Asie centrale » en 2002.

En 2001 et 2002, il participe à des expéditions archéologiques au Pakistan et en Afghanistan.

De mai 2003 à janvier 2004, il reprend l’itinéraire des évadés du goulag en suivant le récit, à la véracité contestée, de Sławomir Rawicz : « The Long Walk » (1955). Il relate ce périple, qui l’emmène de Iakoutsk en Sibérie, puis en Chine où il rejoint le Tibet à vélo, jusqu’à Calcutta en Inde à pied, dans son livre « L’Axe du loup ». Pour lui, l’aventure est plausible dans son ensemble mais comporte des anomalies absolues, comme « dix jours sans boire dans le Gobi ». Ce voyage est l’objet d’un album photographique publié en 2005, « Sous l’étoile de la liberté. Six mille kilomètres à travers l’Eurasie sauvage ». Les textes sont de Sylvain Tesson, et les photographies sont réalisées par Thomas Goisque, qui « est venu [le] rejoindre pendant sa traversée à quatre reprises : en Sibérie, en Mongolie, à Lhassa et à Darjeeling. »

En 2007, le documentaire « Irkoutsk-Pékin, la route des steppes », qu’il réalise avec Nicolas Millet, relate son expédition d’Irkoutsk à Pékin en empruntant la route du Trans mongol.

En 2010, il réalise un projet souvent évoqué auparavant, en allant vivre six mois (de février à juillet) en ermite dans une cabane au sud de la Sibérie, sur les bords du lac Baïkal, à environ 500 km au nord-est d’Irkoutsk. Selon ses propres dires : « Recette du bonheur : une fenêtre sur le Baïkal, une table devant la fenêtre ». Il relate cette expérience solitaire dans son journal publié l’année suivante sous la forme d’un essai autobiographique intitulé : « Dans les forêts de Sibérie ».

Il voyage la plupart du temps par ses propres moyens, c’est-à-dire sans le soutien de la technique moderne, en totale autonomie. Ses expéditions sont financées par la réalisation de documentaires, par des cycles de conférences et par la vente de ses récits d’expédition.

L’écrivain : Lors de la réception de Patrice Franceschi comme Écrivain de Marine le 10 février 2014 à l’hôtel de la Marine à Paris.

Sylvain Tesson écrit également des nouvelles. Il signe de nombreuses préfaces et des commentaires de films. Il collabore à diverses revues. On peut retrouver ses blocs-notes mensuels dans le magazine Grands reportages.

Depuis 2004, il multiplie les reportages pour Le Figaro Magazine avec le photographe Thomas Goisque et le peintre Bertrand de Miollis. Il signe plusieurs documentaires pour la chaîne France 5.

À la fin des années 1990, il anime sur Radio Courtoisie, en collaboration avec Alexandre Poussin, une émission consacrée à l’aventure.

Il obtient le prix Goncourt de la nouvelle en 2009, pour Une vie à coucher dehors et le prix Médicis essai en 2011 pour Dans les forêts de Sibérie.

En 2010, il est président du jury du Livre pour la Toison d’or du livre d’aventure, attribué cette année-là à Élodie Bernard pour Le vol du paon mène à Lhassa, Tesson parlant du livre comme d’une « fenêtre ouverte sur le monde ».

En juin 2012, il est reçu parmi les écrivains de marine, assimilé au grade de capitaine de frégate et peut embarquer sur des bâtiments de la Marine nationale.

Il est brièvement chroniqueur littéraire dans l’émission Le Grand 8 fin 2012, sur la chaîne D8.

Fin 2012, il entreprend un voyage de Moscou à l’hôtel des Invalides à Paris afin de refaire à moto et side-car Oural le trajet de la retraite de Russie menée par Napoléon Ier deux siècles plus tôt.

 

Le « stégophile » : Sylvain Tesson est « stégophile » depuis son adolescence. Il a lui-même conçu ce néologisme synonyme du plus courant « toiturophile » pour nommer l’activité consistant à monter sur les toitures, dans son cas essentiellement celles des cathédrales.

Surnommé « le prince des chats » au sein d’un cercle d’acrobates, il passait des nuits entières sur des clochers et des flèches : à Notre-Dame de Paris, au Mont-Saint-Michel, à la basilique Sainte-Clotilde à Paris, et sur d’autres monuments (principalement des églises) à Orléans, Argentan, Reims, Amiens ou encore Anvers.

Pendant plusieurs années, le 10 mars, date anniversaire du soulèvement tibétain de 1959, il pavoisait d’un drapeau tibétain un lieu symbolique de Paris. En 2008, il aide Robert Ménard à escalader la façade sud de Notre-Dame pour que celui-ci puisse se cacher sous la toiture en attendant le passage de la flamme olympique. « C’était une manière d’exprimer ma compassion pour la souffrance du peuple tibétain », dira-t-il. Avec d’autres grimpeurs, il participe au déploiement de deux banderoles de Reporters sans frontières sur Notre-Dame puis depuis le premier étage de la tour Eiffel.

Le 20 août 2014, il chute de près de 10 mètres en escaladant la façade d’une maison à Chamonix, alors qu’il séjournait chez son ami Jean-Christophe Rufin avec qui il pratique l’alpinisme. Victime d’un sévère traumatisme crânien et de multiples fractures, il est hospitalisé à Annecy et placé en coma artificiel. Réveillé huit jours plus tard, il n’a aucune séquelle neurologique. Trois mois après cet accident voilà comment il décrit cette épreuve : « Ces trois mois de repos, de sobriété, de silence, d’examen de moi-même ont été bénéfiques. Ma vie était un carnaval endiablé et légèrement suicidaire, il était bon de ralentir un peu les chaudières intérieures, de descendre du train. Je conserve une paralysie de la face qui me donne un air de lieutenant prussien de 1870. J’ai aussi perdu l’ouïe à l’oreille droite mais, étant partisan du silence, que René Char appelait “l’étui de la vérité”, je ne m’en plains pas. Notre société est devenue hystérique et bruyante ». Il revient alors aussi sur ce que la stégophilie était pour lui : « L’alpinisme permet d’accroître l’intensité de l’existence. Ce qui se passe en termes de sensations, le temps d’une ascension, peut être équivalent à dix années de vie. Pour moi, les façades des immeubles étaient des parois, les rues des vallées, les toitures des plateaux et les aiguilles des églises. Je finissais par voir les villes comme un massif. Il y avait une distorsion du regard. Ça fait une bonne vingtaine d’années que j’aurais dû m’écraser. Il y a une espèce de démon qui s’est épanoui en moi. C’est une escalade totalement adolescente, peu recommandable, plus proche de la roulette russe que de l’alpinisme. Ça me plaisait beaucoup de vivre tout le temps sur ce fil. Jusqu’au jour où ça s’est mal terminé ».

 

Le Wanderer : Ce mot allemand, au sens propre « voyageur », « touriste », « excursionniste », aujourd’hui plus particulièrement « randonneur », est un surnom qui fut en son temps attribué à Goethe. Sylvain Tesson dans son Petit traité sur l’immensité du monde reprend ce terme de nombreuses fois. Il évoque le voyageur sans attache, qui n’attend rien du monde, mais se contente de le parcourir, de faire la route, solitaire, soumis aux besoins de son corps et sans « rien attendre du chemin qu’il emprunte ».

Selon Sylvain Tesson : « Seuls peuvent vivre comme le vrai Wanderer ceux que nul lien n’attache, capables de répondre à l’appel du dehors sans accorder un regard à ce qu’ils abandonnent ». Plus généralement, la notion de Wanderung est un thème bien connu dans la poésie romantique allemande.

 

Œuvre :

Récits de voyage :

  • 1996: On a roulé sur la terre, avec Alexandre Poussin, Laffont
  • 1998: Himalaya : visions de marcheurs des cimes, Transboréal
  • 1998: La Marche dans le ciel : 5 000 km à pied à travers l’Himalaya, avec Alexandre Poussin,
  • 2001: La Chevauchée des steppes : 3 000 km à cheval à travers l’Asie centrale, en collaboration avec Priscilla Telmon
  • 2004: L’Axe du loup : de la Sibérie à L’Inde, sur les pas des évadés du Goulag
  • 2006: Éloge de l’énergie vagabonde
  • 2015: Berezina, Guérin
  • 2016: Sur les chemins noirs, Gallimard

Albums photographiques :

  • 2002: Carnets de steppes : à cheval à travers l’Asie centrale, en collaboration avec Priscilla Telmon
  • 2005: Sous l’étoile de la liberté. Six mille kilomètres à travers l’Eurasie sauvage (photographies de Thomas Goisque)
  • 2007: L’Or noir des steppes : voyage aux sources de l’énergie, en collaboration avec Thomas Goisque (photographies)
  • 2008: Lac Baïkal : visions de coureurs de taïga, en collaboration avec Thomas Goisque (photographies)
  • 2009: Haute Tension : des chasseurs alpins en Afghanistan – photographies de Thomas Goisque et illustrations de Bertrand de Miollis
  • 2012: Sibérie ma chérie – photographies de Thomas Goisque et illustrations de Bertrand de Miollis

Essais :

  • 2000: Les Métiers de l’aventure et du risque
  • 2005: Petit traité sur l’immensité du monde
  • 2011: Dans les forêts de Sibérie – Prix Médicis essai 2011
  • 2012: Géographie de l’instant – Nouvelles
  • 2000: La Seconde Côte d’Adam
  • 2002: Nouvelles de l’Est
  • 2004: Chroniques des bords du Rhin
  • 2004: Les Jardins d’Allah
  • 2009: Une vie à coucher dehors – Prix Goncourt de la nouvelle 2009
  • 2010: Vérification de la porte opposée
  • 2014: S’abandonner à vivre – Aphorismes et lexiques
  • 2004: Katastrôf !, Bréviaire de survie français-russe
  • 2008: Aphorismes sous la lune et autres pensées sauvages
  • 2011: Ciel mon moujik ! Manuel de survie franco-russe
  • 2011: Aphorismes dans les herbes et autres propos de la nuit – Dessins humoristiques
  • 2004: Les Pendus

Filmographie :

  • Les Chemins de la liberté – 2004, 54 min, coréalisé avec Nicolas Millet et distingué par les Écrans de l’aventure (prix du jeune réalisateur 2004)
  • 6 mois de cabane au Baïkal – 2011, 51 min, coréalisé avec Florence Tran
  • 2014: Silex and the City. Sylvain Tesson apparaît dans le rôle d’un lémurien dans l’épisode « Abilix le Gaulois ».

Adaptation cinématographique :

  • Dans les forêts de Sibérie (film) (2016), de Safy Nebbou

Distinctions :

  • 2009 : Prix Goncourt de la nouvelle pour Une vie à coucher dehors
  • 2011 : Prix Médicis essai pour Dans les forêts de Sibérie
  • 2015 : Prix de la page 112 pour Berezina
  • 2015 : Prix des Hussards pour Berezina

Enregistrer

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *