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… vu par Arlette

Seigle Jean-Luc ♦ En vieillissant les hommes pleurent

Le Grand-Prix RTL-Lire 2012 a été décerné à Jean-Luc Seigle pour « En vieillissant les hommes pleurent » (Flammarion), réflexion saisissante sur les années 60 qui signent la fin d’un monde et le début d’un autre, avec l’entrée dans la société de consommation.

en vieillissant les hommes pleurentNous sommes le 9 Juillet 1961 et nous le resterons. Le roman se déroule sur une journée, une journée décisive pour cette petite famille du centre de la France.

Albert Chassaing travaille chez Michelin et vit dans un petit village non loin de Clermont-Ferrand. Il a deux fils : Gilles qui du haut de son jeune âge se passionne pour Eugénie Grandet de Balzac. Lorsqu’un maître d’école à la retraite s’installe près de la ferme, Albert sait que la transmission passera par cet homme.

Et Henri, parti pour la guerre d’Algérie. Suzanne, la femme d’Albert, qui coud ses robes elle-même, ne vit que pour les lettres qu’elle reçoit de son fils bien aimé depuis l’Algérie, et va trouver son quotidien bouleversé par l’arrivée de cet appareil qui va sûrement lui amener une image de son fils dont elle rêve chaque nuit : la télévision. La sœur d’Albert et son mari les ont rejoints pour l’événement. Tous attendent de voir Henri, le fils aîné, dans le reportage sur la guerre d’Algérie diffusé le soir même. Pour Albert, c’est le monde qui bascule.

Albert ne le connaît pas ce premier fils. Il faut dire qu’il l’a vu pour la première fois à l’âge de cinq ans, lorsqu’il est rentré de captivité à la fin de la seconde guerre mondiale. Albert a été fait prisonnier sur la ligne Maginot en juin 1940. Depuis, il s’est muré dans le silence. Mais on ne choisit pas impunément de taire l’essentiel : Albert ne sait pas parler. Ce mal-être est-il à l’origine de tout ?

Dans la chaleur de cet été 1961, au moment où sa femme s’apprête à faire entrer un poste de télévision (le premier !) au village et où de Gaulle prône le remembrement des terres agricoles, Albert ne parvient plus à vivre. Seulement voilà, si l’on peut mourir dans le mensonge, on ne peut se donner la mort sans s’être dit à soi-même la vérité. Comment faire, lorsqu’on n’a pas les mots ?

Dans le jardin, la vieille mère d’Albert se fait oublier. Elle demeure au pied du cerisier toute la journée, les pensées déjà trop loin pour avoir conscience de faire partie de cette famille qui s’affaire devant l’écran.

Durant cette journée, le lecteur fera face à la mort, l’adultère, une révélation, un choc… Autant d’émotions qui transpirent derrière le style de Jean-Luc Seigle, nous offrant un roman juste et puissant. Il reste de cette lecture le sentiment de pouvoir s’identifier à chacun des personnages sans aucune exception, l’impression que chacun de nous aurait pu être de cette modeste famille, ce même 9 Juillet 1961. Un livre qui dès qu’il se ferme garde une petite partie de nous en son fort intérieur.

Saura-t-il y trouver sa place? Réflexion sur la modernité et le passage à la société de consommation, En vieillissant les hommes pleurent jette un regard saisissant sur les années 1960, théâtre intime et silencieux d’un des plus grands bouleversements du siècle dernier.

 

L’auteur :

 Jean-Luc Seigle est un auteur et scénariste français pour la télévision et le cinéma. Il a publié quatre romans : La nuit dépeuplée en 2001, Le sacre de l’enfant mort en 2003, Laura ou Le secret des des 22 lames en 2006 et En vieillissant les hommes pleurent en 2012.

Romancier, scénariste et dialoguiste. Co-fondateur de la revue « Synopsis ».

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