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… vu par Arlette

Foenkinos David ♦ Les souvenirs

 

les souvenirsC’est l’histoire d’un jeune homme solitaire, mal aimé par ses parents, qui  rêve de devenir écrivain, et travaille en attendant comme veilleur de nuit dans un hôtel, catastrophé par la médiocrité de ses premiers écrits. 

L’avenir l’inquiète : vie sentimentale plate, vie sexuelle qui ressemble à un film suédois. Parfois même sans les sous-titres. Bref, il attend tout de la tendresse.

Son incapacité à écrire vient-elle d’un manque de talent où du fait qu’il n’a rien vécu ? La vie se charge brutalement de bousculer cette routine.

 

Quand s’ouvre le récit, son grand-père meurt sans qu’il ose lui dire combien il l’aime. Lui, si joyeux et facétieux, a glissé dans sa douche et connu une longue déchéance d’hôpital en hôpital. Sa grand-mère est mise contre son gré dans une maison de retraite. Ses parents, auxquels les disputes donnent le sentiment d’être vivants, supportent mal leur nouveau statut de retraités. Écarté des chemins de la compétitivité, le père s’avachit dans sa nouvelle condition, la mère, qui ne veut pas partager ce temps qui reste avec lui, sombre dans la dépression. Et voilà que la grand-mère s’enfuit de sa maison de retraite. Le jeune homme part à sa recherche…

  « Il pleuvait tellement le jour de la mort de mon grand-père que je ne voyais presque rien. Perdu dans la foule des parapluies, j’ai tenté de trouver un taxi. Je ne savais pas pourquoi je voulais à tout prix me dépêcher, c’était absurde, à quoi cela servait de courir, il était là, il était mort, il allait à coup sûr m’attendre sans bouger.

Deux jours auparavant, il était encore vivant. J’étais allé le voir à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre, avec l’espoir gênant que ce serait la dernière fois. L’espoir que le long calvaire prendrait fin. Je l’ai aidé à boire avec une paille. La moitié de l’eau a coulé le long de son cou et mouillé davantage encore sa blouse, mais à ce moment-là il était bien au-delà de l’inconfort. Il m’a regardé d’un air désemparé, avec sa lucidité des jours valides. C’était sûrement ça le plus violent, de le sentir conscient de son état. Chaque souffle s’annonçait à lui comme une décision insoutenable. Je voulais lui dire que je l’aimais, mais je n’y suis pas parvenu. J’y pense encore à ces mots, et à la pudeur qui m’a retenu dans l’inachèvement sentimental. Une pudeur ridicule en de telles circonstances. Une pudeur impardonnable et irrémédiable. J’ai si souvent été en retard sur les mots que j’aurais voulu dire. Je ne pourrai jamais faire marche arrière vers cette tendresse. Sauf peut-être avec l’écrit, maintenant. Je peux lui dire, là. »

 

David Foenkinos nous offre ici une méditation sensible sur la vieillesse et les maisons de retraite, la difficulté de comprendre ses parents, l’amour conjugal, le désir de créer et la beauté du hasard, au fil d’une histoire simple racontée avec délicatesse, humour, et un art maîtrisé des formules singulières ou poétiques.

 

Le narrateur, apprenti romancier, prend conscience à l’occasion du décès de son grand-père de tout ce qu’il n’a pas su vivre avec lui. Il comprend que le seul moyen de garder l’amour vivant est de cultiver la mémoire des instants heureux. Dans le même temps, frappée par le deuil sa grand-mère semble perdre la tête. Il assiste aux manœuvres des proches pour la placer en maison de retraite et vendre à son insu son appartement.

Ce qu’il n’a pas su vivre avec son grand-père, il décide alors de le vivre avec elle. Il va la voir souvent, parvient à égayer sa solitude, à la faire rire de tout. Mais elle finit par apprendre que son appartement a été vendu, et fait une fugue…

Le narrateur va partir à sa recherche, et la retrouver pour lui offrir ses derniers moments de bonheur. Le hasard lui fait en même temps rencontrer Louise, qu’il va aimer, et qui le quittera. Les souvenirs, nourris de joies, de douleurs et de mélancolie, lui offrent désormais la possibilité d’écrire son roman, et peut-être son avenir. David Foenkinos nous offre ici une méditation sensible sur le rapport au temps et sur la mémoire. Les rapports entre générations, les sentiments enfouis, les déceptions de l’amour, le désir de créer, la tristesse du vieillissement et de la solitude, tout cela est exprimé avec une grande délicatesse, un humour léger et un art maîtrisé des formules singulières et poétiques.

 

David Foenkinos

David Foenkinos, 1974 à Paris en France, est un romancier français.

 Après des études de lettres à la Sorbonne et une formation de jazz, David Foenkinos devient professeur de guitare. Il publie par ailleurs plusieurs romans, dont « Inversion de l’idiotie, de l’influence de deux Polonais », prix François Mauriac en 2001, « Entre les oreilles » en 2002 et « Le Potentiel érotique de ma femme » en 2004 chez Gallimard.

  Pourtant, le jeune père de famille ne songe pas une seconde à reprendre son boulot d’attaché de presse dans… l’édition. « En fait, je détestais ce travail, avoue le Parisien. C’est le hasard – je devais effectuer un stage dans le cadre de mes études – qui m’a fait entrer chez Lattès. Puis tout s’est enchaîné, Fayard, Le Rocher, Albin Michel, Le Dilettante. J’ai fini par démissionner, en 2001. En juillet, Jean-Marie Laclavetine, éditeur chez Gallimard, accepte le manuscrit que j’ai envoyé par la poste. Et, en 2003, je suis lauréat de la Fondation Hachette. 25 000 euros ! Cela a changé ma vie. » 

 Des années plus tôt, c’est une grave infection qui bouleverse le destin de ce fils de pieds-noirs employés du ciel (sa mère travaille à Air France, son père dans une tour de contrôle). Vers les 16 ans, une intense brûlure interne le fait suffoquer. Radio. Le médecin n’en croit pas ses yeux : le jeune homme est atteint d’une maladie de la plèvre qui touche principalement les septuagénaires. Opération en urgence et alitement prolongé qui eut une double – et louable – conséquence. « Alors que je n’avais rien lu jusque-là, je me suis mis à dévorer les livres, puis à peindre, à jouer de la guitare… La connaissance de l’éphémère et la conscience de ce qui passe, de ce qui échappe ont aiguisé mon appétit. » Et son sens de l’humour et de la dérision, pourraient ajouter ses lecteurs avertis. Ouverture à la vie et… aux personnes âgées. « Je pense aujourd’hui que ma tendresse pour la vieillesse et les anciens date de cette époque. Ma maladie de vieux nous a rapprochés. » 

Malgré ses airs de Pierrot lunaire, Foenkinos n’a rien d’un dilettante. Elevé dans la plus grande liberté par des parents souvent absents, le jeune bouclé se fixe des règles, écrit tous les jours, multiplie les romans, part à la rencontre de ses lecteurs en province, court les soirées à Paris avec son copain Florian Zeller, essuie des échecs (manuscrits refusés, projets de théâtre avortés), rebondit toujours. En 2009, poussé par son frère aîné, Stéphane, directeur de casting, il décide d’adapter l’un de ses propres romans : « Pour la première fois, je n’avais pas envie de quitter mes personnages ni que quelqu’un d’autre s’en empare. » C’est ainsi que la belle veuve Nathalie de La Délicatesse se retrouve sous les traits d’Audrey Tautou et que François Damiens, dit François l’Embrouille, le roi de la caméra cachée, revêt les habits de Markus, le collègue suédois enamouré – un casting que l’on admirera, ou pas, à partir du 21 décembre. « Avec le seul nom d’Audrey Tautou, nous avons prévendu le film dans 22 pays, s’enthousiasme le néo-coréalisateur (avec son frère). C’est une actrice extraordinaire, intelligente, respectueuse, impressionnante… » Finalement, Foenkinos n’aime pas que les visages ridés… 

En quelques années, il a réussi à créer un univers singulier, à la fois burlesque et émouvant. Il est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs écrivains de la nouvelle génération. Ses romans sont traduits à l’étranger, dans une quinzaine de langues.

L’écrivain est apprécié pour ses textes empreints de légèreté et d’humour. Également scénariste, il coécrit avec Jacques Doillon « Trop (peu) d’amour » et adapte pour le théâtre la pièce « Messie », de Martin Sherman. Il est par ailleurs à l’origine du scénario d’une bande dessinée, premier volet d’une trilogie intitulée « Pourquoi tant d’amour ? ». En 2005, alors que paraît chez Flammarion « En cas de bonheur », il participe à la réalisation d’un court métrage « Une Histoire de Pieds » avec son frère Stéphane avant de publier « Les Cœurs autonomes » en 2006 chez Grasset et « Qui se souvient de David Foenkinos ? en 2007 chez Gallimard. Le livre reçoit le prix Giono. Après « Nos séparations », chez Gallimard en 2008, Foenkinos décroche en 2010 le prix Conversation et le prix des Dunes avec son roman « La Délicatesse », publié aussi chez Gallimard en 2009. La même année, les Éditions du Moteur publient « Bernard », tandis que Plon édite « Lennon », un ouvrage dans lequel l’auteur (et fan) se met dans la peau du Beatles assassiné. Suivent en 2011 « Le petit garçon qui disait toujours non » chez Albin Michel et « Les Souvenirs », présenté à la rentrée littéraire par Gallimard. La fin de l’année 2011 voit également arriver dans les salles françaises l’adaptation du roman « La Délicatesse », avec à l’affiche Audrey Tautou et François Damiens. Un film réalisé par David Foenkinos lui-même, accompagné de son frère.

   

David Foenkinos est le jeune auteur qui ne cesse de monter depuis son roman, Le potentiel érotique de ma femme. Sa marque de fabrique ? Il sait raconter comme personne des histoires d’amour avec légèreté, humour et autodérision car son narrateur à moins que ce ne soit l’auteur lui-même, est souvent pris dans des complications hautement psychologiques. Foenkinos est un excellent fabricant de comédies sentimentales.

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