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… vu par Arlette

Indridason Arnaldur ♦ Le lagon noir

Le lagon noirCe roman fait suite aux  » Nuits de Reykjavik » qui nous replongeait dans le passé de l’inspecteur. Choix judicieux et presque obligatoire. En effet, le fil conducteur de tous les livres de la série du commissaire Erlendur est rompu depuis « Etranges rivages » car la quête personnelle d’Erlendur concernant son frère disparu est achevée.

Et comme il ne semble pas – pour l’instant- vouloir réapparaitre au sein de la police, difficile d’envisager un avenir!

Cette enquête se place dans un contexte socio-politique intéressant et complexe : celui de la guerre froide. Outre l’aspect politique, il montre les problèmes sociaux de l’époque : les populations déplacées par exemple au Groenland pour les besoins militaires, le ghetto américain confronté à la méfiance des Islandais, mais aussi le racisme primaire des autres américains à l’égard des Noirs. Ici Caroline, une jeune noire, membre de la police américaine, qui va aider Erlendur et Marion dans cette affaire. Et surtout, à travers ce livre, plus que dans le précédent, se dessine finement la personnalité d’Erlendur, particulièrement par le regard que portent sur lui d’autres personnages : son aspect renfrogné, mélancolique qui déplait souvent à ses collègues. Mais Marion va deviner en lui des failles et s’intéresser à lui. Elle l’apprécie, voyant en lui un excellent policier, tenace et intuitif, et il l’intrigue. Un autre personnage a pressenti ce qu’il était : la tante de la jeune fille disparue.

Donc, retour en arrière. Reykjavík, 1979.

Le corps d’un homme, complètement disloqué, vient d’être repêché dans le lagon bleu près d’une centrale géo-thermique, celui de Kristvin. L’homme n’a aucune pièce identité, sinon une paire de santiags aux pieds.

Finalement, il est identifié. L’homme, prénommé Kristvin, travaillait pour la compagnie Icelandair, comme mécanicien à la base américaine de l’aéroport de Keflavik, qui n’est pas encore aussi touristique qu’aujourd’hui. La victime serait tombée d’une très grande hauteur et qu’un coup lui aurait été porté. Peut-être a-t-elle été jetée d’un avion ? En découvrant qu’il s’agit d’un ingénieur qui travaille à la base américaine de Keflavik, l’attention de la police se tourne vers de mystérieux vols secrets effectués entre le Groenland et l’Islande. Les autorités américaines ne sont pas prêtes à coopérer et font même tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher la police islandaise de faire son travail. Conscients des risques qu’ils prennent, Erlendur et Marion Briem poursuivent leur enquête avec l’aide de Caroline, une jeune militaire américaine, officier de police de la base. Convaincue par la sincérité et l’intégrité des deux enquêteurs, Caroline, va s’associer à leur recherche au sein de la base américaine, construite durant la seconde guerre mondiale. C’est une vraie ville où vivent environ 6 000 Américains. On n’y rentre pas facilement, encore moins quand on veut enquêter sur un meurtre. Nous sommes en pleine guerre froide. Sous fond de marché noir d’importations américaines (le fameux jean, les cigarettes, marijuana et alcools…), de transports de missiles nucléaires, et de bombes atomiques de la base de Thulé aux Groenland…

En parallèle, Erlendur travaille à titre personnel, sur une vieille affaire non résolue : une jeune fille de 19 ans, Dagbjört, disparue sur le chemin de l’école, entre la maison familiale et son lycée, vingt-cinq ans plus tôt, en 1953 alors que la base américaine s’installait et apportait dans ses valises les premiers disques de rock et les premiers jeans. La police avait conclu au suicide. Or des témoins disent qu’elle sortait avec un garçon de Camp Knox, un quartier pauvre, où les gens vivent dans les baraquements en tôle ondulée, abandonnés par les soldats américains après l’occupation de l’Islande et reconvertis en « habitations ». Ce quartier était en réalité un véritable bidonville et avait mauvaise réputation. Le petit ami ne sera jamais retrouvé et les parents mourront sans savoir ce qu’il est advenu de leur fille.

Erlendur est contacté par une tante qui lui demande de trouver la vérité. Il a grandi avec le visage froissé de la jeune fille sur un article de journal et se décide, encouragé par son collègue, à rencontrer la famille et leur proposer son aide. Tout en suivant à la radio la disparition soudaine de deux hommes dans un fjord lors d’une tempête, Erlendur va refaire le chemin emprunté ce jour-là par Dagbjört et petit à petit les pièces du puzzle vont se mettre en place….

Marion, aidé par Caroline, va mener de son côté l’enquête sur la mort violente de Kristvin.

Erlandur prend toutes ces affaires avec cœur et empathie. Le jeune trentenaire a déjà bien du souci. Fraichement divorcé avec interdiction de voir ses enfants, il s’arrête parfois près de l’école maternelle et regarde sa fille jouer derrière la grille. Le personnage est plus jeune, plus ouvert et bien moins désillusionné et sombre que dans l’avenir que nous lui connaissons. Il travaille depuis deux ans à la brigade d’enquêtes criminelles sous les ordres de Marion Briem et ne cache pas ses positions contre la présence américaine sur le sol islandais.

Indridason construit un univers particulier, un personnage littéraire de plus en plus complexe ; peu à peu le roman noir est absorbé par la littérature et la qualité de l’écriture.

L’auteur :

Arnaldur IndridasonArnaldur Indriðason, né le 28 janvier 1961 à Reykjavík, est un écrivain islandais, fils de l’écrivain Indriði G. Þorsteinsson, né en 1926, dans le nord de l’Islande qui vivait dans le plus grand dénuement ayant été élevé dans une maison en tourbe.  Comme presque tous les Islandais, il est désigné par son prénom, Arnaldur. Son patronyme (qui, selon la tradition islandaise, est une simple marque de filiation, « Fils de Indrid », pour le distinguer de d’autres Arnaldur) est parfois transcrit par Indridason comme dans ses livres traduits en français, alors que la translittération correcte devrait être Indridhason, le dh se prononçant comme le th dans l’anglais the.

En 1996, Arnaldur Indriðason obtient un diplôme en histoire à l’université d’Islande. Journaliste au Morgunblaðið en 1981-1982, il devient scénariste indépendant.

De 1986 à 2001, il travaille comme critique de films pour le Morgunblaðið. Aujourd’hui, il est l’auteur de quinze romans policiers dont 7 ont été traduits en français — dont plusieurs sont des best-sellers.

Arnaldur Indriðason publie son premier livre, Synir duftsins (littéralement « Fils de poussière », inédit en français) en 1997. Cette publication marque pour certains, comme Harlan Coben, le départ d’une nouvelle vague islandaise de fiction criminelle. Aux côtés d’Arni Thorarinsson, également auteur islandais de polars, Arnaldur déclare qu’« il n’existe pas de tradition de polar en Islande. [à cet état de fait, il y a deux raisons.] L’une tient en ce que les gens, y compris les écrivains, considéraient les histoires policières comme des mauvais romans […]. La deuxième raison, c’est que beaucoup d’Islandais ont longtemps cru en une sorte d’innocence de leur société. Très peu de choses répréhensibles se produisaient, et le peu de faits divers ne pouvaient pas donner lieu à des histoires policières. Ce qui explique qu’à [leurs] débuts, Arni Thorarinsson ou [Arnaldur ont] eu du mal à (s’)imposer [dans les milieux littéraires islandais]. »

Il fut nommé à maintes reprises écrivain le plus populaire d’Islande.

En 2004, ses livres ont fait partie des dix livres les plus empruntés à la Bibliothèque municipale de Reykjavík.

Les livres d’Arnaldur ont été publiés dans 26 pays et traduits en allemand, danois, anglais, italien, tchèque, suédois, norvégien, néerlandais, catalan, finnois, espagnol, portugais et français.

Les principaux romans d’Arnaldur Indriðason mettent en scène la même équipe d’enquêteurs, dont l’abrupt Erlendur torturé par la disparition de son frère alors qu’il n’était qu’un enfant et tourmenté par sa fille toxicomane. Ce sont ces souffrances et les conditions qui les ont engendrées qui intéressent particulièrement Arnaldur car « le bonheur se suffit à lui-même, il n’y a rien à en dire ». Ses romans sont régulièrement des prétextes à un voyage dans le passé, tel l’Homme du lac, où l’enquêteur Erlendur trouve un squelette vieux de quarante ans, faisant appel au passé communiste d’une partie des Islandais durant la guerre froide. Arnaldur déclare à ce propos : « Je m’intéresse aussi aux squelettes qui collent aux basques des vivants. Ce qui m’intéresse le plus, ce sont les « squelettes vivants », pourrait-on dire. Mes romans traitent de disparitions, mais ils ne traitent pas principalement de la personne qui a disparu, plus de ceux qui restent après la disparition, dans un état d’abandon. Je m’intéresse à ceux qui sont confrontés à la perte. Ce sont ces gens-là que j’appelle les « squelettes vivants » : ils sont figés dans le temps. […] J’aime beaucoup remonter le temps, et envoyer mes personnages sur les traces du passé. J’aime exhumer des événements oubliés. Le temps en tant que concept est quelque chose qui m’intéresse énormément – la manière dont le temps passe, mais aussi son influence, les conséquences de son passage sur nos vies. J’aime déceler les liens entre une époque et une autre. Évidemment, la thématique du temps est une partie très importante des histoires que je raconte, que ce soit son pouvoir destructeur ou son pouvoir de guérison qu’il peut avoir. Même si dans « La Femme en vert » Erlendur déclare que le temps ne guérit aucune blessure. »

 Dans L’Homme du lac, l’écrivain s’appuie sur une donnée géologique réelle : le lac de Kleifarvatn à vingt-cinq kilomètres au sud de Reykjavik, se vide périodiquement. C’est ainsi que, dans le livre, une hydrologue découvre un squelette sur le fond sablonneux.

Deux de ses œuvres : « La Cité des jarres » et « Hiver arctique » ont reçu, en 2002 et 2003, le Prix Clé de verre, la plus haute distinction scandinave.

Il a également gagné le « Gold Dagger Award », prix littéraire britannique, en 2005 pour « La Femme en vert », et son roman « L’Homme du lac » (Métailié, 2008) a reçu lePrix polar européen du Point.

En 2011, il reçoit le 1er Prix Boréales-région Basse-Normandie du Polar Nordique à l’occasion de ce festival.

Cet écrivain partage désormais une reconnaissance internationale avec Arni Thorarinsson, Jon Hallur Stefansson, Stefan Mani et Yrsa Sigurðardóttir, eux aussi traduits en français.

Arnaldur Indriðason a adapté trois de ses livres pour la radio du service audiovisuel islandais RÚV. Le producteur islandais Baltasar Kormákur a travaillé à une adaptation de Mýrin, La Cité des Jarres (titré Jar City en français et sorti en France en septembre 2008).

Snorri Thórisson travaille sur une production internationale de Napóleonsskjölin. Arnaldur Indriðason est actuellement en collaboration avec l’Icelandic Film Fund pour l’écriture de deux scénarios d’après deux de ses nouvelles.

Il vit à Reykjavík avec sa femme et ses trois enfants. Les deux auteurs ayant fortement influencé Arnaldur Indriðason sont Maj Sjöwall et Per Wahlöö, deux écrivains suédois qui ont imaginé, dans les années 1960, les aventures de l’inspecteur Martin Beck.

Romans de la série du commissaire Erlendur Sveinsson :

  • Synir duftsins (1997) – Inédit en français
  • Dauðarósir (1998) – Inédit en français
  • Mýrin (2000) – La Cité des jarres / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2006
  • Grafarþögn (2001) – La Femme en vert / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2006
  • Röddin (2002) – La Voix / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2007
  • Kleifarvatn (2004) – L’Homme du lac(en) / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2008
  • Vetrarborgin (2005) – Hiver arctique / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2009
  • Harðskafi (2007) – Hypothermie / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2010
  • Myrká (2008) – La Rivière noire / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2011
  • Svörtuloft (2009) – La Muraille de lave / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2012
  • Furðustrandir (2010) – Étranges Rivages / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2013
  • Einvígið (2011) – Le Duel / trad. de l’islandais par Éric Boury.
  • Reykjavíkurnætur (2012) – Les Nuits de Reykjavik / trad. de l’islandais par Éric Boury.
  • Kamp Knox (2014) – Le lagon noir / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2016

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