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… vu par Arlette

Indridason Arnaldur ♦ Les nuits de Reykjavik

Les nuits de ReykjavikNous sommes en 1974 à Reykjavik. La nation islandaise s’apprête à célébrer les 1 100 ans de colonisation de l’île, cérémonie qui aura lieu à Thingvellir

(ce mot voulant dire « plaines du Parlement», c’était le site de l’Althing, assemblée plénière représentant l’Islande).

Erlendur le solitaire, jeune trentenaire célibataire, qui vit comme un moine, aime le jazz, la sérénité des cimetières et l’apaisement du sommeil de la ville quand il travaille, vient d’entrer dans la police, et les rues de Reykjavik dans lesquelles il patrouille de nuit sont agitées : accidents de la circulation, contrebande, vols, violences domestiques…

Des gamins trouvent en jouant dans un fossé le cadavre d’un clochard qu’il croisait régulièrement dans ses rondes. On conclut à l’accident et l’affaire est classée. Pourtant le destin de cet homme hante Erlendur et l’entraîne toujours plus loin dans les bas-fonds étranges et sombres de la ville. Il se trouve qu’Erlendur connaissait bien le clochard en question prénommé Hannibal, dont il avait pu apprécier les qualités humaines.

Hannibal avait  » plongé » après la mort de son épouse, disparue tragiquement dans un accident de voiture. Il n’avait pu secourir que sa sœur, présente aussi dans la voiture.

Cette histoire tragique réveille des souvenirs très douloureux chez le commissaire : lui aussi n’a pu faire le deuil de son jeune frère, disparu dans une tempête de neige alors que lui n’a pu s’en tirer qu’in extremis.

La veille de sa mort, une jeune femme a disparu (suicide ?). Les deux affaires sont-elles liées? Noyade accidentelle, témoin involontaire de trafics entrainant homicide? Une affaire classée qui l’intrigue et le conduit en solo dans les milieux interlopes des drogués et des éthyliques de tout poil, suivant son instinct, entre compassion et introspection personnelle. Il y fait ses premiers pas d’enquêteur prêt à enfreindre quelques règles pour arriver à ses fins.

On découvre ici ce qui va faire l’essence de ce personnage taciturne : son intuition, son obstination à connaître la vérité, sa discrétion tenace pour résister aux pressions contre vents et marées, tout ce qui va séduire le commissaire Marion Briem. En racontant la première affaire d’Erlendur, le policier que les lecteurs connaissent depuis les premiers livres de l’auteur, Arnaldur Indridason dépasse le thriller et écrit aussi un excellent roman contemporain sur la douleur et la nostalgie. De roman en roman, il perfectionne son écriture et la profondeur de son approche des hommes.

Un livre remarquable.

 

L’auteur:

Arnaldur IndridasonArnaldur Indriðason, né le 28 janvier 1961 à Reykjavík, est un écrivain islandais, fils de l’écrivain Indriði G. Þorsteinsson. Comme presque tous les Islandais, il est désigné par son prénom, Arnaldur. Son patronyme (qui, selon la tradition islandaise, est une simple marque de filiation, « Fils de Indrid », pour le distinguer de d’autres Arnaldur) est parfois transcrit par Indridason comme dans ses livres traduits en français, alors que la translittération correcte devrait être Indridhason, le dh se prononçant comme le th dans l’anglais the.

En 1996, Arnaldur Indriðason obtient un diplôme en histoire à l’université d’Islande. Journaliste au Morgunblaðið en 1981-1982, il devient scénariste indépendant. De 1986 à 2001, il travaille comme critique de films pour le Morgunblaðið. Aujourd’hui, il est l’auteur de quinze romans policiers dont 7 ont été traduits en français — dont plusieurs sont des best-sellers.

Il vit à Reykjavík avec sa femme et ses trois enfants. Les deux auteurs ayant fortement influencé Arnaldur Indriðason sont Maj Sjöwall et Per Wahlöö, deux écrivains suédois qui ont imaginé, dans les années 1960, les aventures de l’inspecteur Martin Beck.

Arnaldur Indriðason publie son premier livre, Synir duftsins (littéralement « Fils de poussière », inédit en français) en 1997. Cette publication marque pour certains, comme Harlan Coben, le départ d’une nouvelle vague islandaise de fiction criminelle. Aux côtés d’Arni Thorarinsson, également auteur islandais de polars, Arnaldur déclare qu’« il n’existe pas de tradition de polar en Islande. [à cet état de fait, il y a deux raisons.] L’une tient en ce que les gens, y compris les écrivains, considéraient les histoires policières comme des mauvais romans […]. La deuxième raison, c’est que beaucoup d’Islandais ont longtemps cru en une sorte d’innocence de leur société. Très peu de choses répréhensibles se produisaient, et le peu de faits divers ne pouvaient pas donner lieu à des histoires policières. Ce qui explique qu’à [leurs] débuts, Arni Thorarinsson ou [Arnaldur ont] eu du mal à (s’)imposer [dans les milieux littéraires islandais]. »

Il fut nommé à maintes reprises écrivain le plus populaire d’Islande. En 2004, ses livres ont fait partie des dix livres les plus empruntés à la Bibliothèque municipale de Reykjavík. Les livres d’Arnaldur ont été publiés dans 26 pays et traduits en allemand, danois, anglais, italien, tchèque, suédois, norvégien, néerlandais, catalan, finnois, espagnol, portugais et français. Arnaldur a reçu le Prix Clé de verre, un prix de littérature policière scandinave, en 2002 et 2003. Il a également gagné le Gold Dagger Award, prix littéraire britannique, en 2005 pour la Femme en vert. Le romancier policier américain Harlan Coben encense Indriðason ainsi : « la meilleure nouvelle série que j’ai lue cette année provient d’Islande. Arnaldur Indriðason est déjà un phénomène littéraire international – il est aisé de voir pourquoi : ses romans sont prenants, authentiques, hantants et lyriques. Je ne peux attendre les publications suivantes ! ».

Les principaux romans d’Arnaldur Indriðason mettent en scène la même équipe d’enquêteurs, dont l’abrupt Erlendur torturé par la disparition de son frère alors qu’il n’était qu’un enfant et tourmenté par sa fille toxicomane. Ce sont ces souffrances et les conditions qui les ont engendrées qui intéressent particulièrement Arnaldur car « le bonheur se suffit à lui-même, il n’y a rien à en dire ». Ses romans sont régulièrement des prétextes à un voyage dans le passé, tel l’Homme du lac (en), où l’enquêteur Erlendur trouve un squelette vieux de quarante ans faisant appel au passé communiste d’une partie des Islandais durant la guerre froide. Arnaldur déclare à ce propos : « Je m’intéresse aussi aux squelettes qui collent aux basques des vivants. Ce qui m’intéresse le plus, ce sont les « squelettes vivants », pourrait-on dire. Mes romans traitent de disparitions, mais ils ne traitent pas principalement de la personne qui a disparu, plus de ceux qui restent après la disparition, dans un état d’abandon. Je m’intéresse à ceux qui sont confrontés à la perte. Ce sont ces gens-là que j’appelle les « squelettes vivants » : ils sont figés dans le temps. […] J’aime beaucoup remonter le temps, et envoyer mes personnages sur les traces du passé. J’aime exhumer des événements oubliés. Le temps en tant que concept est quelque chose qui m’intéresse énormément – la manière dont le temps passe, mais aussi son influence, les conséquences de son passage sur nos vies. J’aime déceler les liens entre une époque et une autre. Évidemment, la thématique du temps est une partie très importante des histoires que je raconte, que ce soit son pouvoir destructeur ou son pouvoir de guérison qu’il peut avoir. Même si dans « La Femme en vert », Erlendur déclare que le temps ne guérit aucune blessure. » Dans « L’Homme du lac », l’écrivain s’appuie sur une donnée géologique réelle : le lac de Kleifarvatn à vingt-cinq kilomètres au sud de Reykjavik, se vide périodiquement. C’est ainsi que, dans le livre, une hydrologue découvre un squelette sur le fond sablonneux.

Deux de ses œuvres ont reçu, en 2002 et 2003, le Prix « Clé de verre », la plus haute distinction scandinave. Cet écrivain partage désormais une reconnaissance internationale avec Arni Thorarinsson, Jon Hallur Stefansson, Stefan Mani et Yrsa Sigurðardóttir, eux aussi traduits en français.

Arnaldur Indriðason a adapté trois de ses livres pour la radio du service audiovisuel islandais RÚV. Le producteur islandais Baltasar Kormákur (101 Reykjavík) a travaillé à une adaptation de Mýrin, La Cité des Jarres (titré Jar City en français et sorti en France en septembre 2008).

Snorri Thórisson travaille sur une production internationale de Napóleonsskjölin. Arnaldur Indriðason est actuellement en collaboration avec l’Icelandic Film Fund pour l’écriture de deux scénarios d’après deux de ses nouvelles.

Romans de la série du commissaire Erlendur Sveinsson :

  • Synir duftsins (1997) – Inédit en français
  • Dauðarósir (1998) – Inédit en français
  • Mýrin (2000) – La Cité des jarres / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2006
  • Grafarþögn (2001) – La Femme en vert / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2006
  • Röddin (2002) – La Voix / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2007
  • Kleifarvatn (2004) – L’Homme du lac(en) / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2008
  • Vetrarborgin (2005) – Hiver arctique / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2009
  • Harðskafi (2007) – Hypothermie / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2010
  • Myrká (2008) – La Rivière noire / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2011
  • Svörtuloft (2009) – La Muraille de lave / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2012
  • Furðustrandir (2010) – Étranges Rivages / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2013
  • Einvígið (2011) – Le duel / de l’islandais par Éric Boury – 2014
  • Reykjavíkurnætur (2012) – Les nuits de Reykjavik / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2015

 

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