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… vu par Arlette

Mankell Henning ♦ Les ombres grandissent au crépuscule

Les ombres grandissent au crépusculeEn Suède en 1957. Depuis que sa mère l’a abandonné, Joël, 12 ans, vit seul avec son père Samuel bûcheron dans le nord de la Suède et qui est un père attentionné qui s’évertue à vouloir remplacer Jenny par Sara.

Mal à l’aise avec les enfants de son âge, il se réfugie dans les histoires qu’il invente et se rêve en pirate ou en Geronimo.

Renversé par un bus alors qu’il traversait sans regarder, Joël se relève indemne. Miraculé ! Dès lors, il se persuade qu’il doit faire une bonne action pour remercier celui qui l’a sauvé. Il se met donc à la recherche d’un mari pour Gertrude, une voisine esseulée qu’une opération ratée a laissée sans nez. Bonne action qui se retournera contre la personne à qui il l’a destiné et par contrecoup contre lui-même Car n’est pas la Providence qui veut, et Joël apprendra à ses dépens qu’on peut faire beaucoup de mal en croyant faire le bien.

Le voici parti en croisade dans un monde inquiétant, à la fois drôle et sombre : le monde des adultes, une réalité qui ne se laisse pas facilement ébranler.

Pour les grands, Henning Mankell a écrit les aventures de Kurt Wallander, série à succès qui a fait sa renommée bien au-delà des frontières de la Suède. On connaît moins Joël Gustafsson, le héros de sa série destinée aux enfants. Point de meurtres, ni de trafics mafieux dans cet ouvrage au parfum initiatique.

Par le style particulier d’écriture à la première personne, on entre dans les pensées de Joël qui décrit l’imaginaire d’un pré-ado sans mère (celle-ci ayant quitté sa famille) avec beaucoup d’intuition, de sensibilité et de finesse et on vit cette aventure directement avec lui et son seul point de vue.

L’auteur :

Henning MankellHenning Mankell est un auteur suédois né le 3 février 1948 à Härjedalen, province située au centre de la Suède. Très vite abandonné par sa mère, il est élevé par son père, juge d’instance.

Ses premiers rêves : devenir artiste et voyageur. Le premier le mènera à Paris à l’âge de seize ans où il écrit et répare des clarinettes, et le second, quelques années plus tard, en Afrique : D’abord en Guinée Bissau où il tombe amoureux du continent tout entier, puis en Zambie dans les années 70, et enfin à partir de 1985 à Maputo au Mozambique où il dirige la seule troupe de théâtre professionnelle du pays.

Henning Mankell a débuté sa carrière professionnelle comme assistant-metteur en scène à l’âge de dix-sept ans. Passionné de théâtre, il a ensuite dirigé une scène de la province de Scanie.

Auteur d’une quinzaine de livres pour enfants et pour adultes, il est considéré comme l’un des maîtres incontestés du polar suédois. Il est connu internationalement grâce à la série des Wallander qui met en scène un inspecteur du même nom.

Henning Mankell a quitté la Suède il y a longtemps, partageant sa vie entre son pays natal et le Mozambique.

À la fin des années 80, alors que ses séjours africains durent généralement de six à sept mois, il s’absente pendant deux années. Durant cette période, le mur de Berlin est tombé, et lorsqu’il rentre au pays, ça n’est pas seulement un régime qui s’est écroulé en Europe, c’est aussi la société suédoise et son modèle socio-économique si réputé, si envié, qui s’effondre en face de lui.

Ainsi nait donc Kurt Wallander, né du hasard d’un annuaire téléphonique d’Ystad (ville moyenne de Scanie, tout au sud de la Suède) – Son nom a été trouvé au bout d’un doigt posé dans un annuaire téléphonique, et des réflexions d’un écrivain dramaturge, metteur en scène, sur le devenir de ce modèle en passe de disparaitre.

En 1991, il publie « Meurtriers sans Visage » où apparait pour la première fois Kurt Wallander, inspecteur de police dans une ville moyenne du sud de la Suède, et qui deviendra le personnage récurent de ses romans policiers. Ce commissaire désabusé est entouré par une équipe de policiers où chacun possède une personnalité soigneusement décrite. Les meurtres sanglants auxquels Wallander est confronté le plongent au fil des romans dans un état de plus en plus dépressif ; l’aspect psychologique est aussi important pour Mankell que l’intrigue elle-même.

Toutes ces aventures se déroulent dans la petite ville d’Ystad, en Scanie, dans le sud de la Suède, même si Wallander se déplace une fois en Lettonie (les Chiens de Riga) et enquête sur un meurtre dont les origines remontent en Afrique du Sud (la Lionne blanche). Le sol du proche Danemark est souvent foulé.

La volonté de Mankell est de toucher ses concitoyens, de leur faire partager ses doutes, ses désillusions, et il choisit pour ce faire le genre policier, miroir de notre société.

Peut-être est-il un nostalgique des années « tendres » lorsqu’il fait dire à Wallander : « Dans mon enfance, la Suède était un pays où les gens reprisaient les chaussettes (…) Puis, soudain, un jour, c’était fini. On a commencé à jeter les chaussettes trouées. Personne ne prenait plus la peine de les raccommoder. Toute la société s’est transformée. »

En but à l’individualisme forcené des années 90 et aux dérives sociétales qui en découlent, Henning Mankell invente un inspecteur profondément humain, diabétique, empêtré dans les contingences matérielles, divorcé mais aimant toujours sa femme, père d’une fille qu’il ne comprend pas et qu’il sent parfois étrangère, fils d’un vieux peintre hurluberlu.

Sa bouée de sauvetage, ce qui l’empêche de sombrer dans la déprime, c’est son métier, ses collègues, ses enquêtes. Mais les violences et les dérives du monde d’aujourd’hui n’épargnent pas Ystad, et Wallander se trouvera au fil des romans confrontés à tous les maux de notre société, avec comme toile de fond les changements intervenus après la chute du mur de Berlin.

Mais Wallander, c’est aussi l’éloge de la lenteur. On est loin de ces romans américains frénétiques où il faut toujours qu’il se passe quelque chose à chaque page. Ses romans sont aux antipodes du polar américain.

Là, le temps s’écoule lentement, et Mankell sait également décrire sa Suède natale, son climat changeant, la violence de ses saisons, et cette tendre mélancolie qui transparait autant dans l’atmosphère que dans le caractère de son héros.

Wallander est avant tout un « humain », désemparé, qui a perdu ses repères, mais aussi rempli de compassion pour les victimes qu’il croise. Il se dégage de lui comme une infinie tristesse, mais c’est aussi peut-être ce qui fait qu’on l’adore. Cette même année 1991, il a reçu le Prix Nils Holgersson.

En 2007, il préside le jury du Prix du Livre européen qui sera remis cette année-là à Guy Verhofstadt pour son livre Les États-Unis d’Europe.

En 2008 sort « Profondeurs », ouvrage dans lequel l’auteur médite sur le mensonge en entremêlant divers genres et passant ainsi du théâtre au roman policier.

Suit deux ans plus tard, « L’homme inquiet », dans lequel les lecteurs retrouvent Wallander, retraité mais toujours prêt à s’investir dans une nouvelle affaire.

La même année, l’écrivain scandinave participe à l’expédition organisée par des groupes activistes islamistes turcs en faveur de Gaza, qui donna lieu à un abordage israélien qui causa une dizaine de victimes. Une expérience de laquelle il accouche un récit, publié le 5 juin 2010 dans la presse internationale dont Libération, The Guardian (Angleterre), El País (Espagne), Dagbladet (Suède), La Repubblica (Italie) ou The Toronto Star (Canada).

Gendre d’Ingmar Bergman dont il a épousé en secondes noces la fille Eva, il partage sa vie entre l’Afrique (le Mozambique) et la Suède à Särö, à quinze kilomètres au sud de Göteborg au bord de la mer ,en écrivant romans, pièces de théâtre et ouvrages pour la jeunesse et où il dirige une troupe de théâtre depuis 1996 : le Teatro Avenida, seule troupe de théâtre professionnelle du pays, qu’il présente lui-même comme la « passion de sa vie » et où il travaille gratuitement.

Le 29 janvier 2014, il apprend qu’il est touché par un cancer qui a été détecté à la gorge et dans un poumon à un stade avancé. Et il est probable que les métastases aient gagné d’autres parties de son corps Il dit alors :  » J’ai tout de suite décidé d’écrire à propos de cette maladie, parce que c’est finalement une douleur et une souffrance qui affectent beaucoup de gens. Mais je vais écrire avec la perspective de la vie, pas de la mort. ».

L’écrivain est suivi à Göteborg, à Sahlgrenska, le plus grand hôpital d’Europe du Nord. Il a été soigné par chimiothérapie durant tout l’été 2014. Malheureusement cette thérapie a touché gravement les reins. Elle fut donc interrompue pour un moment. Les résultats médicaux ont prouvé qu’elle pouvait être reprise à la rentrée.

En parallèle, il a très vite décidé de consacrer désormais ses chroniques à sa bataille contre le cancer.

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