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… vu par Arlette

Leroy Gilles ♦ Alabama Song

Montgomery, Alabama, 1918.

Avec ses frasques incessantes, Zelda scandalise la bonne société. « Belle du Sud », Zelda ne supporte pas d’être mise en cage, il lui faut sortir, danser, séduire.

La ville envahie de soldats et d’aviateurs devient un terrain de chasse, le Country Club le lieu idéal pour battre des cils et faire tomber dans ses filets les jeunes officiers si élégants dans leurs uniformes. Sûre de son charme et de son pouvoir sur les hommes, Zelda écume les bals et fait la rencontre du lieutenant Scott Fitzgerald, danseur de talent, dandy coquet, séducteur à l’allure folle. Scott écrit des nouvelles qui seront bientôt publiées dans la presse, il en est sûr, il sera un écrivain à succès. De ce soir, la vie de Zelda prend un tournant décisif et ne sera plus jamais la même.

Zelda n’a que faire de tous ces ternes prétendants que lui présente son juge de père, peu lui importent les ragots qui peuvent être colportés à son égard, en l’absence de Scott reparti à New York pour lancer sa carrière, elle sort, fume, boit, flirte… La demande en mariage du beau lieutenant se fait attendre, qu’à cela ne tienne, Zelda brûle la vie par les deux bouts, tout en espérant son retour. Zelda a de grands projets, des rêves plein la tête, des rêves de gloire et de succès pour elle et celui qu’elle surnomme Goofo.

En 1920, enfin, Scott revient chercher Zelda, contre l’avis de tous ils se marient à New York, cathédrale Saint Patrick, le marié a l’haleine chargée d’alcool, la mariée se sent déplacée dans sa longue robe blanche… Scott et Zelda deviennent le couple le plus en vue de la ville, enfants gâtés, adulés, ivres de succès, de flashs et d’argent, ils sombrent peu à peu dans la décadence, jusqu’à la déchéance. Car il y a le revers de la médaille. Scott se révèle jaloux, arrogant, violent, porté sur la bouteille et sur les hommes. L’amour passion vire à l’amour haine, Zelda se console pour un temps dans les bras d’un aviateur français qu’elle n’arrivera jamais à oublier.

Leur couple symbolisera les années 20, l’âge du jazz, la course folle à travers la vie. Elle sera sa muse et le modèle de ses personnages féminins, ils côtoieront les plus grands artistes du moment. Puis leurs disputes perpétuelles défrayeront la chronique et Zelda sera internée.

Danseuse, écrivaine, peintre, elle possède pourtant tous les talents mais, incapable d’achever une œuvre, vampirisée par son mari, perdue par les excès de boisson, elle passe à côté de sa vie, de la reconnaissance, de l’amour et assiste à sa propre déchéance.

Gilles Leroy s’est glissé dans la peau de Zelda, au plus près de ses joies et de ses peines. Pour peindre le destin de celle qui, cannibalisée par son mari écrivain, dut lutter corps et âme pour exister… Il a choisi d’habiter le personnage de Zelda en écrivant à la première personne ses souvenirs. Mais si certains éléments sont authentiques, il s’agit bien d’une fiction. Il s’efface derrière ces lignes féminines, sensibles, mais aussi farouches et psychiatriques. Car la folie de l’héroïne s’immisce dans ces pages comme dans sa vie. Doucement d’abord, puis plus régulièrement, de plus en plus frappante.

Zelda revient sur son passé, les années de gloire, de succès, puis les années noires, les internements multiples en hôpital psychiatrique, la folie, la dépendance aux barbituriques, l’emprise d’un mari autoritaire et jaloux qui muselle son désir d’écrire. Des années folles aux années 40, Zelda retrace cette vie hors du commun, par sa bouche, le lecteur se retrouve témoin du destin hors norme de ce couple mythique.

L’écriture de l’auteur s’imprègne de cet esprit malmené, persécuté et incompris, que l’on dit aliéné… Mais les mots restent profonds et la force de caractère de Zelda éclatante. Gloire et décadence, amour et désillusion, clarté et folie. A l’ombre du grand écrivain Scott Fitzgerald, la jeune bourgeoise dévergondée se fane au fil des ans. Le faste ne dure qu’un temps et sa vie se passe en coulisses. Tant d’incompréhension, de dénigrement et d’amour ne laissent pas de marbre. Et l’écriture virulente teintée de poésie trouve le chemin de nos âmes.

Entre fiction et réalité, « Alabama Song » invite le lecteur sur les rives d’une époque révolue, dans les pas d’une femme bafouée, à l’ombre d’un grand auteur.

D’où sa force et son impact. Car cette femme-là s’exprime crûment et désespérément. Tour à tour éperdue d’amour pour son mari écrivain, haineuse quand ses succès à elle ne sont pas à la mesure de ses espérances.

L’auteur :

  Gilles Leroy est un écrivain français né le 28 décembre 1958 à Bagneux (Hauts-de-Seine). Il a reçu le Prix Goncourt en 2007. Fils d’Eliane Mesny qu’on retrouvera dans les romans sous les traits de Nush, de Lou et d’André Leroy, dit « Le playboy, dit « Le jeune homme amoureux de l’Amérique ».

 En 1972, il entre au lycée Lakanal à Sceaux. Il obtient son Bac Sciences expérimentales en juin 1975.

 En juillet et août de la même année, il fait un voyage en URSS où il rencontre Wladimir, le futur Volorio de « l’Amant russe ».

 A la rentrée de 1975, il intègre un parcours classique de littérature qui l’amène sur les bancs d’hypokhâgne et khâgne au lycée Lakanal. Gilles Leroy passe une DEUG de lettres et arts en 1977, suivi d’une licence puis d’une maîtrise de lettres modernes en 1979. Il achève son cursus universitaire par un mémoire sur le poète Henri Michaux. Sans goût pour l’université, il abandonne le cursus universitaire, fait son premier séjour aux Etats Unis d’Amérique et étudie seul la littérature américaine et japonaise qui l’impressionnent.

 En 1984, il écrit ses premières piges pour la presse. En septembre/octobre 1986, il séjourne au japon.

 En 1987, il publie son premier roman, Habibi qui sera suivi par une dizaine d’autres, dont « L’Amant russe » en 2002, « Grandir » en 2004, « Champsecret » en 2005 ou encore « Alabama Song » en 2007. Gilles Leroy a su imposer à travers quelques ouvrages sa plume légère et sensible.

 Après 1986, il exerce divers métiers, avant de devenir journaliste de presse écrite et audiovisuelle durant quelques années.

 En 1988, sa maman décède en avril et son papa au mois d’octobre.

En 1990, il emménage Rue Haxo, au nord de Belleville, dans une ancienne maison d’ouvrier. Simon Gallimard l’invite à rejoindre le prestigieux Mercure de France.

En 1991, il quitte le journalisme. Il partage alors son temps entre Paris et les collines de la Garde-Freinet qui seront le décor de « Soleil  noir ».

En 1995, il quitte définitivement Paris pour s’installer dans un hameau du Perche où il se consacre à l’écriture.

En 1999, il obtient le prix Valery Larbaud pour son livre « Machine à sous ».

Dans plusieurs de ses ouvrages (L’Amant russe, Les Maîtres du monde, Les Jardins publics etc.), il introduit de larges parts d’autobiographie et fouille un passé familial trouble afin, selon les critiques, de mieux comprendre sa vie et son propre cheminement dans le siècle. Le père est souvent absent de cet univers, la mère à la fois pesante et adorée.

La critique littéraire, unanime, salua l’ouvrage « Maman est morte », paru en 1990 et réédité plusieurs fois, comme étant « bouleversant ». Ce livre était en fait le récit, sous la forme d’un journal intime, des derniers instants de la mère de l’auteur, emportée à toute allure par un cancer du sein.

Plusieurs de ses romans sont également fortement imprégnés d’homosexualité, de l’esthétisme des personnages masculins, décrivant finement chacun d’eux, leur donnant chair de manière très sensuelle.

L’univers de chacun des romans de Gilles Leroy est fait à la fois de tendresse et de violence, de mosaïques et de critiques sociales au vitriol, dans lesquelles l’enfance est souvent cruelle et l’occasion de souffrances intimes.

En 2007, Gilles Leroy publie son douzième roman, « Alabama song », qui mêle éléments biographiques et imaginaires de la vie de Zelda Fitzgerald, dans ce que son éditeur nomme « son grand roman américain », et dans lequel l’auteur met l’accent sur la transgression qui, selon lui, est le mot clé du destin de cette femme au destin hors norme. Pour cet ouvrage, Gilles Leroy figurait dans la sélection 2007 des quatre grands prix littéraires français : le prix Goncourt, le prix Renaudot, le prix Fémina et le prix Médicis. Il obtint le prix Goncourt, le plus prestigieux des prix littéraires, le 5 novembre 2007.

En 2009, il demanda au pape de retirer ses propos sur l’inefficacité du préservatif, qui aggraverait selon lui la crise du SIDA, et obtint gain de cause en novembre 2010, lorsque le Souverain Pontife admet « dans certains cas l’utilité du préservatif ».

En 2010, il publie Zola Jackson, dans lequel il revient sur la tragédie provoquée par l’Ouragan Katrina en Nouvelle-Orléans, à travers l’héroïne Zola Jackson, une institutrice qui organise sa survie et celle de ses proches.

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