Club lecture…

… vu par Arlette

Zhu Xio-Mei

Xiao- Mei Zhu est née en 1949 à Shangaï et rencontre pour la première fois la musique et le paino, à l’âge de trois ans lorsque celui-ci débarque dans le nouveau petit logement familial à Pékin au début des années cinquante.

 Ce précieux piano appartenait à sa mère, femme très cultivée, qui s’intéressait aux arts occidentaux et était professeur de musique dans une école primaire. C’est naturellement sa mère qui lui apprend à jouer du piano…

 A six ans, Zhu Xiao-Mei entre à l’école de musique pour enfants de Pékin dont elle relate la discipline de fer. Les professeurs sont très exigeants.

 Elle donne ses premiers concerts dès huit ans à la radio et télévision.

 En 1960 elle est admise au conservatoire de Pékin où elle vit en internat. Le travail est épuisant. Aux cours de musique intensifs s’ajoutent des cours d’enseignements généraux, indispensables pour le cas où il nous faudrait rejoindre le système scolaire classique, faute de pouvoir entrer dans une carrière musicale. Sans compter les séances de dénonciation et d’autocritique, devenues habituelles.

 Mais elle y aura pendant plus de deux années un professeur de piano, Pan Yiming, qui par certains de ses maîtres se rattache à l’école russe et qui saura l’encourager.

 Si son enseignement s’avère d’une « impitoyable exigence« , il ira bien au-delà des cours hebdomadaires car selon lui il faut aussi vivre avec ses élèves, ouvrant sans nul doute leur imagination.

 

Si le piano est source de bonheur il est aussi suspect aux yeux des autres. Seuls des bourgeois, des Chuschen Buhao, des gens de mauvaise origine, avaient pu acquérir un objet capitaliste aussi luxueux qu’un piano.

En 1964, le conservatoire de musique de Pékin est devenu un « conservatoire sans musique » faute de partitions, celles-ci étant interdites, et sera dans les mois qui suivirent le terrain de violences difficiles à imaginer, nombreux suicides et agressions physiques.

Et le destin de Zhu Xiao-Mei va prendre un tournant en raison d’un sentiment de culpabilité qui l’a envahie petit à petit en cette période très mouvementée. C’est notamment le début d’un mouvement de « Shangshan Xiaxang » qui a pour but d’envoyer les jeunes instruits à la campagne pour changer en profondeur de mentalité. Changement de mentalité qui n’épargne pas la jeune pianiste. Elle est envoyée dans un camp de travail à la frontière avec la Mongolie intérieure.

Ses origines la rendent suspecte aux yeux du nouveau pouvoir. Elle doit alors faire doublement ses preuves. Elle entre dans ce jeu très jeune modifiant sa manière de penser et se pliant notamment aux séances de dénonciation publique. Elle va même jusqu’à délaisser sa famille puisque l’idéologie de Mao l’impose.

Au lieu de se rebeller, elle n’aspire qu’à une chose : être une bonne révolutionnaire. Elle ira jusqu’à dénoncer son père et assistera sans pouvoir rien dire à l’humiliation de son professeur.

Pendant de longues années, Zhu Xiao-Mei, comme nombreux jeunes, pendant la révolution culturelle débutée en 1966, vécut dans différents camps de rééducation, et durant une longue période elle ne toucha plus un piano, sans en ressentir de réel manque. Elle reste cinq ans dans un camp. Elle y oublie l’existence de la musique jusqu’à ce que le son d’un accordéon lui fasse prendre conscience du manque ressenti.

Quelques années plus tard, Xiao-Mei n’a plus rien d’une bourgeoise cultivée, plus rien d’une pianiste, plus rien d’une artiste – plus rien d’un être humain, avoue-t-elle. Son unique livre : le Petit Livre rouge ; son unique souci : éviter une nouvelle séance d’autocritique ; son unique rêve : manger à sa faim. Le pouvoir communiste chinois a gagné !

Mais un jour, Xiao-Mei trouve dans le camp, un vieil accordéon. Elle caresse les touches, se risque à jouer un accord, quelques notes de musique s’élèvent… Par enchantement les années perdues s’effacent, les rêves reviennent, l’espoir renaît : Xiao-Mei se jure qu’elle rejouera du piano, envers et contre tout.

Elle se procure clandestinement des partitions et, à la faveur d’un adoucissement des conditions de détention, parvient à faire acheminer son piano : elle joue Bach en faisant croire aux gardiens qu’il s’agit de musique populaire chinoise (la seule autorisée !).

Ce n’est en 1971, qu’elle demande à sa mère de lui expédier son instrument car « la musique l’obsède. C’est l’aboutissement d’une redécouverte : Chopin, joué un jour sur un accordéon de fortune… » et parce que cela est devenu possible, dans une pièce à la chaleur de celle d’un frigo, et sous couvert de travailler, officiellement des « Yangangsi » de la musique chinoise, en fait quelques partitions lui parvenant par courrier ayant échappé aux ciseaux des censeurs (Le clavier tempéré de Bach, les scherzos et ballades de Chopin, les sonates pour piano et violoncelle de Beethoven…).

En 1974, Zhu Xiao-Mei est libérée et peut de nouveau travailler avec Pan Yiming puis ré-entrer au conservatoire de Pékin malgré son âge.

Les conditions de vie étant misérables, elle n’a cependant qu’une idée en tête quitter la Chine mais cela lui prendra encore cinq longues années. C’est la visite d’Isaac Stern en 1979 qui marquera un nouveau tournant « Nous comprenons que désormais, pour peu qu’ils y aient un parrainage, les étudiants chinois auront la possibilité d’aller étudier à l’étranger ». Elle se choisit les États-Unis, « pays de liberté« , et parvient après multiples démarches à obtenir un parrainage du Californian Institute of Arts.

Là elle devra faire toutes sortes de travaux ( femme de ménage, serveuse…) pour pouvoir financer ses cours et si dans ce pays elle aura la chance de voir d’importants concerts (Horowitz, Serkin…).

Elle ne s’y sentira pas toujours à l’aise. Elle quitte Los Angeles, pour Boston où elle prend des cours avec Gabriel Chodos qui a été l’élève d’Arthur Schnabel.

Cet approfondissement, elle le réalisera également en s’appuyant sur des principes de philosophie chinoise qu’elle découvre assez curieusement aux États-Unis et non dans son propre pays natal, consacrant alors du temps à la méditation, à étudier les grands textes fondateurs de la philosophie chinoise et adoptant cette méthode de réflexion également dans sa façon d’aborder la musique.

Pourtant ce bonheur ne la comble pas tout à fait puisque Zhu Xiao-Mei a encore des envies d’évasion et cette fois c’est Paris, capitale du pays de la révolution française qui l’attire, même si certains amis essaient de l’en dissuader. Malgré ces remarques, en décembre 1984, elle s’envole pour Paris.

Elle passe une audition devant Marian Rybicki, pianiste concertiste et pédagogue qui dirige depuis 1979 les plus importantes classes de piano à l’École Normale de Musique de Paris(Alfred Cortot), qui lui apporte un grand soutien.

Cependant comme la vie de Zhu Xiao-Mei n’est pas vraiment un fleuve tranquille elle ne pourra rester longtemps en raison de divers problèmes administratifs et devra retourner à Boston mais ce nouvel écueil, comme toute chose négative aura aussi des aspects positifs puisqu’elle y aura du temps libre qu’elle consacrera pleinement à l’étude des Variations Goldberg, son travail sur cette oeuvre faisant un bien fou à son amie qu’il l’héberge alors….Dans la musique de Bach Zhu Xiao-Meï est frappée de retrouver les principes les plus essentiels de sa culture chinoise.

A l’automne 1988, Zhu Xio-Mei peut s’installer de nouveau en France grâce à un passeport…américain. Un de ses miracles se produit en 1990 quand une petite maison de disque lui propose d’enregistrer son premier disque avec les Variations Goldberg, miracle relatif cependant puisque la faillite de cette maison de disque l’a contrainte à en assurer le financement et la distribution. Fort heureusement, ce disque bénéficiera de critiques élogieuses [et a été récemment ré-édité par le label Mirare].

Elle donne alors ses premiers concerts et obtient un poste d’enseignante au Conservatoire de Paris.

Depuis près de vingt ans, elle vit en France, à Paris où elle habite au bord de la Seine, en face de la Conciergerie.

Elle est aujourd’hui professeur au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris. Elle partage désormais son temps entre ses activités pédagogiques et ses nombreux concerts.

Zhu Xiao-Mei est parfois retournée en Chine où elle n’a que depuis récemment eu la force de revoir ses compagnons de captivité.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *