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Indridason Arnaldur ♦ La muraille de lave (10)

La muraille de laveTitre original : Svörtuloft – Traduit de l’islandais par Eric Boury

La Muraille de lave à laquelle fait allusion le titre est une falaise de basalte au pied de laquelle un tourbillon violent engloutit toutes les embarcations qui s’approchent.

C’est aussi le surnom qui a été donné au siège social d’une grande banque, à l’architecture sombre et aux pratiques discutables.

 

Le commissaire Erlendur est parti en vacances sur les lieux de son enfance, il ne donne aucune nouvelle, on a retrouvé sa voiture abandonnée en rase campagne. Mais son équipe continue à travailler. Tandis qu’Elinborg, la fine cuisinière, s’occupe d’une affaire de viol, Sigurdur Oli, le jeune homme moderne formé aux Etats-Unis, reconnaît par hasard dans la rue l’un des témoins d’une affaire de pédophilie en partie résolue et le suit.

Dans le même temps, un ami lui demande d’aider discrètement un couple de jeunes cadres qui, pratiquant l’échangisme, fait l’objet d’un chantage.

Troublé par son divorce, surveillé de près par sa hiérarchie qui n’apprécie pas ce type d’aide, Sigurdur Oli va aller jusqu’au bout d’une histoire surprenante, révélant la cupidité qui s’est emparée de la société islandaise avec l’expansion mondiale des modèles financiers.

 

Commencé comme un polar classique, tissant les trames de plusieurs affaires, ce roman montre au lecteur comment, à l’image de la muraille de lave, au pied de laquelle un remous violent engloutit toutes les embarcations qui l’approchent, et surnom donné au siège d’une grande banque à l’architecture sombre et aux pratiques discutables, l’impudeur de l’amour de l’argent peut entraîner dans son tourbillon la perte de tout critère moral.

 

Depuis « La Cité des jarres », paru en France en 2005, l’Islandais Arnaldur Indridason déroule une œuvre parmi les plus puissantes du roman noir contemporain. Huit romans plus tard, le charme est intact. Poésie noire et obsédante, maîtrise parfaite du tempo et des intrigues, dénuement du verbe, tendresse et vague à l’âme. Parmi les plus attachantes aussi : on ouvre chacun de ses romans comme on compose le numéro d’un ami. Pour prendre des nouvelles, renouer le fil d’une conversation.

La Muraille de lave, son dernier ouvrage, ne déçoit pas. Comme à l’accoutumée, Indridason croise plusieurs histoires, une affaire de chantage particulièrement embarrassante, la disparition mystérieuse d’un banquier et le martyre sans fin d’un petit garçon. A travers ces destins, ces bribes de vie fortement incarnées, Indridason poursuit son portrait d’une Islande perturbée, enrichie en quelques décennies au prix d’un exode rural massif et d’un éclatement brutal des communautés traditionnelles.

Ecrit en 2009, dans la foulée de la faillite de l’économie islandaise, ce nouveau roman évoque une nation juste avant la crise, entraînée collectivement dans la folie financière et le culte de l’argent roi. Enfin, l’auteur, malgré son succès, sait se renouveler. Son personnage fétiche, Erlendur, flic taciturne, hanté par la disparition de son frère quand ils étaient enfants, est absent. Indridason focalise ainsi son récit sur son adjoint, Sigurdur Oli, personnage jusqu’ici sans charisme, et parvient à le rendre passionnant en dévoilant son histoire et ses failles.

 

L’auteur :

Arnaldur IndridasonArnaldur Indriðason, né le 28 janvier 1961 à Reykjavík, est un écrivain islandais, fils de l’écrivain Indriði G. Þorsteinsson. Comme presque tous les Islandais, il est désigné par son prénom, Arnaldur. Son patronyme (qui, selon la tradition islandaise, est une simple marque de filiation, « Fils de Indrid », pour le distinguer de d’autres Arnaldur) est parfois transcrit par Indridason comme dans ses livres traduits en français, alors que la translittération correcte devrait être Indridhason, le dh se prononçant comme le th dans l’anglais the.

 

En 1996, Arnaldur Indriðason obtient un diplôme en histoire à l’université d’Islande. Journaliste au Morgunblaðið en 1981-1982, il devient scénariste indépendant. De 1986 à 2001, il travaille comme critique de films pour le Morgunblaðið. Aujourd’hui, il est l’auteur de quinze romans policiers dont 7 ont été traduits en français — dont plusieurs sont des best-sellers.

Il vit à Reykjavík avec sa femme et ses trois enfants. Les deux auteurs ayant fortement influencé Arnaldur Indriðason sont Maj Sjöwall et Per Wahlöö, deux écrivains suédois qui ont imaginé, dans les années 1960, les aventures de l’inspecteur Martin Beck.

Arnaldur Indriðason publie son premier livre, Synir duftsins (littéralement « Fils de poussière », inédit en français) en 1997. Cette publication marque pour certains, comme Harlan Coben, le départ d’une nouvelle vague islandaise de fiction criminelle. Aux côtés d’Arni Thorarinsson, également auteur islandais de polars, Arnaldur déclare qu’« il n’existe pas de tradition de polar en Islande. [à cet état de fait, il y a deux raisons.] L’une tient en ce que les gens, y compris les écrivains, considéraient les histoires policières comme des mauvais romans […]. La deuxième raison, c’est que beaucoup d’Islandais ont longtemps cru en une sorte d’innocence de leur société. Très peu de choses répréhensibles se produisaient, et le peu de faits divers ne pouvaient pas donner lieu à des histoires policières. Ce qui explique qu’à [leurs] débuts, Arni Thorarinsson ou [Arnaldur ont] eu du mal à (s’)imposer [dans les milieux littéraires islandais]. »

Il fut nommé à maintes reprises écrivain le plus populaire d’Islande. En 2004, ses livres ont fait partie des dix livres les plus empruntés à la Bibliothèque municipale de Reykjavík. Les livres d’Arnaldur ont été publiés dans 26 pays et traduits en allemand, danois, anglais, italien, tchèque, suédois, norvégien, néerlandais, catalan, finnois, espagnol, portugais et français. Arnaldur a reçu le Prix Clé de verre, un prix de littérature policière scandinave, en 2002 et 2003. Il a également gagné le Gold Dagger Award, prix littéraire britannique, en 2005 pour la Femme en vert. Le romancier policier américain Harlan Coben encense Indriðason ainsi : « la meilleure nouvelle série que j’ai lue cette année provient d’Islande. Arnaldur Indriðason est déjà un phénomène littéraire international – il est aisé de voir pourquoi : ses romans sont prenants, authentiques, hantants et lyriques. Je ne peux attendre les publications suivantes ! ».

Les principaux romans d’Arnaldur Indriðason mettent en scène la même équipe d’enquêteurs, dont l’abrupt Erlendur torturé par la disparition de son frère alors qu’il n’était qu’un enfant et tourmenté par sa fille toxicomane. Ce sont ces souffrances et les conditions qui les ont engendrées qui intéressent particulièrement Arnaldur car « le bonheur se suffit à lui-même, il n’y a rien à en dire ». Ses romans sont régulièrement des prétextes à un voyage dans le passé, tel l’Homme du lac (en), où l’enquêteur Erlendur trouve un squelette vieux de quarante ans faisant appel au passé communiste d’une partie des Islandais durant la guerre froide. Arnaldur déclare à ce propos : « Je m’intéresse aussi aux squelettes qui collent aux basques des vivants. Ce qui m’intéresse le plus, ce sont les « squelettes vivants », pourrait-on dire. Mes romans traitent de disparitions, mais ils ne traitent pas principalement de la personne qui a disparu, plus de ceux qui restent après la disparition, dans un état d’abandon. Je m’intéresse à ceux qui sont confrontés à la perte. Ce sont ces gens-là que j’appelle les « squelettes vivants » : ils sont figés dans le temps. […] J’aime beaucoup remonter le temps, et envoyer mes personnages sur les traces du passé. J’aime exhumer des événements oubliés. Le temps en tant que concept est quelque chose qui m’intéresse énormément – la manière dont le temps passe, mais aussi son influence, les conséquences de son passage sur nos vies. J’aime déceler les liens entre une époque et une autre. Évidemment, la thématique du temps est une partie très importante des histoires que je raconte, que ce soit son pouvoir destructeur ou son pouvoir de guérison qu’il peut avoir. Même si dans ‘, La Femme en vert’, Erlendur déclare que le temps ne guérit aucune blessure. »3 Dans L’Homme du lac, l’écrivain s’appuie sur une donnée géologique réelle : le lac de Kleifarvatn à vingt-cinq kilomètres au sud de Reykjavik, se vide périodiquement. C’est ainsi que, dans le livre, une hydrologue découvre un squelette sur le fond sablonneux.

Deux de ses œuvres ont reçu, en 2002 et 2003, le Prix Clé de verre, la plus haute distinction scandinave. Cet écrivain partage désormais une reconnaissance internationale avec Arni Thorarinsson, Jon Hallur Stefansson, Stefan Mani et Yrsa Sigurðardóttir, eux aussi traduits en français.

Arnaldur Indriðason a adapté trois de ses livres pour la radio du service audiovisuel islandais RÚV. Le producteur islandais Baltasar Kormákur (101 Reykjavík) a travaillé à une adaptation de Mýrin, La Cité des Jarres (titré Jar City en français et sorti en France en septembre 2008).

Snorri Thórisson travaille sur une production internationale de Napóleonsskjölin. Arnaldur Indriðason est actuellement en collaboration avec l’Icelandic Film Fund pour l’écriture de deux scénarios d’après deux de ses nouvelles.

 

Romans de la série du commissaire Erlendur Sveinsson :

01-  Synir duftsins (1997) – Inédit en français

02-  Dauðarósir (1998) – Inédit en français

03-  Mýrin (2000) – La Cité des jarres / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2006

04-  Grafarþögn (2001) – La Femme en vert / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2006

05-  Röddin (2002) – La Voix / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2007

06-  Kleifarvatn (2004) – L’Homme du lac (en) / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2008

07-  Vetrarborgin (2005) – Hiver arctique / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2009

08-  Harðskafi (2007) – Hypothermie / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2010

09-  Myrká (2008) – La Rivière noire / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2011

10-  Svörtuloft (2009) – La Muraille de lave / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2012

11-  Furðustrandir (2010) – Étranges Rivages / trad. de l’islandais par Éric Boury – 2013

12-  Einvígið (2011) – Inédit en français

13-  Reykjavíkurnætur (2012) – Inédit en français

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