Club lecture…

… vu par Arlette

Japrisot Sébastien ♦ La dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil

dame-auto-lunettes-fusil  La dame dans l’auto la plus blonde, la plus belle, la plus myope, la plus sentimentale, la plus menteuse, la plus vraie, la plus déroutante, la plus obstinée, la plus inquiétante des héroïnes.

Après avoir conduit son patron et sa famille à l’aéroport d’Orly, Dany, secrétaire, doit ramener la voiture à Paris. Au moment de rentrer sur Paris, elle emprunte par erreur une mauvaise bretelle d’autoroute et s’embranche malencontreusement sur l’autoroute du sud. Elle décide alors et néanmoins, ce qui fait l’élément initiateur du film, de continuer. Elle ignore qu’elle transporte dans son coffre le cadavre d’un homme assassiné par l’épouse de son patron. Afin d’innocenter sa femme, celui-ci espère bien que sa secrétaire sera arrêtée et accusée du crime…

Elle ignore alors que ce voyage ne lui sera guère agréable et que la rencontre de certaines personnes va la rendre folle…

Dany Longo ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle se fait agresser dans une station essence, mais le voleur n’avait visiblement qu’un but : lui casser la main. Mais ce n’est pas tout, partout où elle va, les gens la reconnaissent savent, qui elle est, alors qu’elle n’est jamais allée dans le sud. Pour compliquer le tout, elle croise Philippe un truand qui n’en veut qu’à son argent et sa voiture. La voiture, c’est bien son problème justement, à cause d’elle elle ne peut pas aller voir la police, puisqu’elle n’est pas elle, elle l’a empruntée sans le dire pour une durée inconnue.

Au début, on est un peu perdu dans ce qui constitue une suite d’évènements incongrus. Qu’on se rassure, les pages passent et Japrisot ne fait strictement pour nous donner une piste ou pour rassurer ses lecteurs. On plonge avec Dany dans ce méandre de situations qui la laisse perplexe tout autant que nous. Mais, voilà, la force de Japrisot, le miracle qu’il réussit, c’est qu’on s’attache très vite à Dany, jeune femme très belle, un peu perdue dans la vie, laquelle il faut bien le dire ne lui a pas sourit jusque là. On aime profondément Dany dans laquelle chacun peut s’identifier facilement, mais surtout, on est happé par la construction géniale de ce récit.

Quand vient le dénouement final on est stupéfait par la manière dont tout se recoupe. Tous les petits détails qui nous avaient échappés prennent alors une réelle importance. Mais même dans le dénouement, Japrisot réussit le tour de force d’introduire des éléments nouveaux, afin de maintenir le suspens jusqu’au bout et d’arriver à un fin surprenante.

L’auteur :

Sébastien Japrisot  Sébastien Japrisot, de son vrai nom Jean-Baptiste Rossi, est un écrivain français, romancier, traducteur, scénariste, réalisateur.

  Il est né le 4 juillet 1931, à Marseille et décédé le 4 mars 2003 à Vichy en France. Sa famille, d’origine italienne vit dans le quartier de la Belle-de-Mai. Son père disparaît alors qu’il a sept ans. Son grand-père assure son éducation, l’emmenant régulièrement au cinéma. C’est dès cette époque que remonte son besoin de raconter des histoires, résumant devant ses camarades les films qu’il a vus, brodant, inventant des épisodes…

  Excellent élève et comme il était premier en français et possédait une mémoire phénoménale, sa mère insiste pour qu’il fasse ses études chez les jésuites au collège Saint-Ignace. Mais indiscipliné, il en est renvoyé.

  Entre temps, la mère de Jean-Baptiste avait refait sa vie avec un camionneur au grand cœur qui, de son propre aveu, fut son seul « vrai papa ».

  Il suit donc sa classe de philosophie au lycée Thiers et pendant les cours de physique et de chimie, il développe un goût prononcé pour l’écriture et écrit à l’âge de dix-huit ans son premier roman « Les Mal Partis » qui relate une liaison amoureuse entre un jeune homme et une religieuse dans la débâcle de 1940.

  Son bac en poche, il s’installe à Paris et s’inscrit à la Sorbonne et surtout tente de faire publier son livre. Il ignore comment parvenir à ses fins Une amie lui recommande un bureau de dactylographie au Quai de l’Horloge, pour y faire taper la première partie des Mal partis. Ce n’était pas vraiment la bonne adresse, mais un service destiné aux avocats et aux médecins sans secrétaire. Germaine Huart, une dactylo s’apercevant de son désarroi, lui propose de taper son manuscrit en dehors des heures de travail. Elle est petite, timide et mignonne. Il a le coup de foudre. Cette jeune fille deviendra sa femme. Tout en vivant avec cette dernière, il écrira la deuxième partie des Mal partis.

Ne connaissant pas le monde de l’édition, c’est par hasard, parce que la couverture des volumes de la collection « Pavillons » lui avait attiré l’œil à la vitrine de la librairie Gibert, qu’il tente sa chance auprès de Robert Laffont, Marseillais comme lui et qui, malgré les thèmes abordés par Japrisot, décide de l’éditer (1950). On est en février 1950, Rossi n’a alors que dix-neuf ans.

Un premier roman qui rencontre le succès, y compris internationalement.

Par la suite, il exerce divers métiers, comme traducteur ou publiciste. Afin de prouver à soi-même qu’il n’est pas l’auteur d’une seule œuvre, il écrit dans la foulée Visages de l’amour et de la haine, longue nouvelle pour le numéro d’octobre 1950 de Réalités, revue dirigée par Marcel Mithois.

Bien que son niveau d’anglais soit scolaire, il commence à traduire plusieurs romans westerns de Clarence E. Mulford, afin de gagner sa vie. En 1953, il traduit même L’Attrape-Coeurs de J. D. Salinger, l’histoire d’un adolescent fragile. Mais L’Attrape-cœurs ne rencontre pas la faveur immédiate du public (100 exemplaires vendus) et cela a pour effet de dégoûter le jeune Rossi de la littérature. Il traduit encore en 1956 Mais qui a tué Harry ? le roman de Jack Trevor Story dont Alfred Hitchcock a tiré son film. Puis il entre comme concepteur et chef de publicité dans deux grandes agences parisiennes, dont Synergies, avec Air France, Rubafix, les vins Postillon, les parfums Houbigant comme principaux clients. Sa vie redevient confortable.

À cette époque, vers l’âge de 29 ans, il fait la connaissance du producteur Pierre Braunberger, l’homme des films de la Pléiade, le véritable initiateur de la Nouvelle Vague, le producteur qui a lancé Truffaut, Godard, Resnais, Lelouch. Ce dernier souhaite produire Les Mal partis. Le film ne se fait pas (livre trop difficile à mettre en images) mais Braunberger trouvant à son auteur des dons de metteur en scène, lui demande d’adapter une nouvelle de Maupassant. Rossi lui répondra qu’il aime autant inventer des histoires lui-même. C’est ainsi que Rossi demande un congé de six mois à son agence publicitaire et réalise pour Braunberger deux courts métrages : La Machine à parler d’amour avec Nicole Berger et L’Idée fixe, un film policier où une sourde-muette voit un tueur à l’action. Pouvant enfin donner libre cours à son imagination, Rossi quitte définitivement la publicité, ne lâche plus le cinéma, et travaille comme scénariste pour différents metteurs en scène, notamment Jean Renoir et Marcel Ophuls.

Il revient à la littérature en janvier 1962. J.-B. Rossi a un besoin urgent d’argent à la fois pour faire vivre son foyer et pour apaiser son percepteur qui réclame un arriéré impressionnant : 500.000 francs de l’époque. Impôts qu’on lui réclame sur ses gains de publicitaires épuisés depuis longtemps. Son ami et voisin Robert Kanters, à qui il doit en partie la publication des Mal partis et qui dirige la collection policière « Crime Club » de chez Denoël, propose qu’il lui écrive un roman policier. Rossi ne connaît rien aux policiers mais cela ne l’empêche pas, la semaine suivante, de porter à son éditeur sous l’anagramme de Sébastien Japrisot qui ne le quittera plus, son manuscrit Compartiment tueurs pour lequel il touche 250.000 francs d’à-valoir. Il n’imagine pas une seconde qu’il allait devenir prisonnier de ce nom et se découvrir un véritable don, artisanal, de lier les fils d’une intrigue complexe. Il revient huit jours plus tard avec Piège pour Cendrillon, pour toucher la même somme. On le paie mais en le priant de se faire rare quelque temps chez Denoël. Conforté par ces succès, Japrisot alterne par la suite entre son métier d’écrivain et celui de scénariste.

Sébastien Japrisot n’oublie pas Jean-Baptiste Rossi. Sous son vrai nom, il publie un album satirique désopilant illustré par son ami Alain Trez : L’Odyssexe (1965) tiré de leur court métrage réalisé l’année d’avant : L’Homme perdu dans son journal.

En septembre de la même année, Sébastien Japrisot donne enfin un nouveau roman, plus long que les précédents et qu’il écrit en trois semaines : La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil. Denoël créera une nouvelle collection, « Sueurs froides », pour l’accueillir. L’histoire est celle d’une jeune femme qui emprunte à son patron, sans le lui dire, sa luxueuse voiture pour se rendre sur la Côte d’Azur et qui, en cours de route, est confrontée à des situations de plus en plus hallucinantes. La critique et le public adorent ce livre qui se voit décerner le Prix d’Honneur 1966 et le Best Crime Novel en Grande-Bretagne. Même Simone de Beauvoir en parle.

Il réalise ainsi le scénario d’ « Adieu l’ami » en 1968 ou celui des « Enfants du Marais » en 1998, tourne sa propre adaptation des « «  en 1975. D’un autre côté, des romans tels que « L’Eté meurtrier » qui reçoit le Prix des Deux-Magots (1978) ou « Un long dimanche de fiançailles » connaissent un succès international (États-Unis, Japon)

En 1991, il obtient le prix Interallié avec Un long dimanche de fiançailles, qui sera adapté au cinéma par Jean-Pierre Jeunet.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *